Maroc

Ali Hassan Eddehbi : “Une campagne électorale doit d’abord fidéliser l’électorat existant”

Ali Hassan Eddehbi.
Directeur Général Avant-Garde – Global Design Agency

Avant-Garde, l’agence de «Global Design», a pour mission le conseil et l’accompagnement en matière d’architecture visuelle et commerciale pour les entreprises et les ONG, online et offline. Ali Hassan Eddehbi, DG de l’agence, explique l’importance d’un communication ciblée à l’approche des échéances électorales, qui se dérouleront dans des conditions sanitaires particulières.

La crise sanitaire a changé la donne dans le monde. Ce changement impactera-t-il aussi le déroulement des élections ?
Foncièrement ! On l’a vu en France, au Maroc et même ailleurs. La crise de la Covid-19 a fait renaître un débat que l’on croyait révolu, celui de l’importance de l’État social (pour ne pas dire «de providence»), réinvestissements importants dans le système de santé, plan de sauvegarde de l’emploi… Tout ceci n’est plus vu comme un discours romantique de gauche, mais comme une nécessité impérieuse. Et cela, est un grand changement !

Qu’est ce qui marquera les élections nationales, au vu de la crise ?
Le contexte sanitaire et toute la logistique qu’il implique. Les bains de foule et les meetings populaires dans les villes ou les rassemblements dans les souks hebdomadaires… toutes ces formes de rassemblements forment, selon l’idée du sociologue Pierre Bourdieu, l’espace social qui impacte les votes. Ce rétrécissement de l’espace social électoral, et sa transposition résultante vers le web, marqueront certainement les prochaines élections, pas nécessairement sur le plan arithmétique, mais certainement au niveau du discours tant sur la forme que sur le fond. En d’autres termes, c’est toute «l’expérience utilisateur» qui sera mise à l’épreuve.

Comment les partis doivent-ils communiquer dans ce contexte ?
L’offre politique, comme tout produit que l’on veut marketer, se joue en grande partie sur la perception de l’audience. Pour ce faire, les politiques recourent à tout un champ sémantique pour appuyer leur image à la fois voulue et perçue. Dans l’univers du web, ce champ sémantique est appelé «Keyword Planning». Entre 2012 et 2016, les maîtres-mots étaient : stabilité, changement, dignité, modernité vs conservatisme, sans oublier des punchlines célèbres comme le «Tahakoum» ou encore les fameux «Tamassih et Aafarite». Cette fois, la crise sanitaire, sa douleur, ses leçons et la persistance de son risque font que les principales préoccupations se résumeront à la trinité: santé, sécurité et amélioration du revenu. En d’autres termes, les partis et les candidats devront tenir un discours de proximité, qui tienne compte de ce qui fédère désormais tous les Marocains : l’incertitude ou carrément la perte de confiance en l’avenir. Tout un programme justement !

Quels sont, selon vous, les meilleurs outils qui devraient être utilisés dans ce sens ?
Plus l’outil est interactif, mieux c’est. Et inversement ! Un rassemblement dans un souk hebdomadaire, tout comme un post Facebook avec une bonne modération de la page, offrent l’espace d’échange. Exit les spots TV bardés de langue de bois, lu par un candidat qui a le trac face à la caméra ! Il faut garder à l’esprit que l’interactivité et la proximité sont le meilleur allié de la communication électorale. Dès 2012, et surtout en 2016, l’on soulignait déjà que Facebook, Twitter, Instagram et Youtube étaient devenus les nouveaux terrains de chasse des «Zaïms» des partis. Malheureusement, ça s’est arrêté là.

Quels sont les avantages de la communication digitale ?
Le ciblage, d’abord ! C’est le cœur de toute campagne marketing ou publicitaire. Les réseaux sociaux nous connaissent peut-être mieux que nous nous connaissons nous-mêmes: nos pages préférées, nos amis préférés, nos sujets de débat préférés, les mots que nous répétons le plus, nos requêtes de recherches sur Google… Les médias sociaux ont une idée sur notre âge, nos opinions et nos envies. Une bonne stratégie de ciblage marketing permet d’atteindre un maximum d’audience parmi son cœur de cible et ceci transforme les résultats en termes de conversion/acquisition. Jamais de son histoire l’homo politicus n’a eu autant de latitude à parler à sa cible. Cela bien sûr, tout en rappelant que l’objectif d’une campagne électorale digitale, tout comme la campagne «physique», n’est pas de faire changer d’avis, en deux ou trois semaines, à un électeur décidé pour voter en faveur d’un parti A, à basculer vers une autre formation politique. C’est une perception totalement erronée. Le rôle d’une campagne électorale est d’abord de fidéliser l’électorat existant, puis d’aller prospecter au maximum pour «acquérir» tous ceux qui ont une prédisposition pour les idées d’un parti X et qui pourraient passer à l’acte à la dernière minute. C’est un travail d’optimisation.

Les Marocains sont-ils prêts pour ce genre de communication ?
À fin décembre 2020, l’ANRT a annoncé que le taux de pénétration Internet au Maroc (fixe et mobile confondus) était de 83 %. Parmi eux, 22 millions d’utilisateurs des réseaux sociaux, selon le rapport digital 2021 publié par Global Digital Insights. Ce n’est pas «l’outil» qui pose problème, mais la manière de s’en servir.

Quelle est la valeur ajoutée des agences ?
La persuasion, objectif ultime de toute campagne de communication, repose sur trois déterminants: image voulue (le branding), image perçue (connaître la perception de l’autre) et, enfin, l’optimisation arithmétique. Le rôle de l’agence est de définir, selon le contexte, laquelle de ces étapes est prioritaire. Par la suite, optimiser son enveloppe horaire et financière et, enfin, choisir les outils de son exécution et assurer un suivi transparent sur la base de KPIs sérieux et tangibles. En un mot : l’agence doit être partenaire et non prestataire ! 

Sanae Raqui / Les Inspirations Éco


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