Maroc

Agriculture de précision : la méthode Al Moutmir pour booster l’oléiculture

La donnée et les biotechnologies transforment les pratiques de semis, de fertilisation et de gestion des récoltes. Face à la récurrence des sécheresses et à la volatilité des rendements, l’optimisation des ressources s’impose comme un impératif. C’est tout l’enjeu des plateformes de démonstration d’Al Moutmir, qui accompagnent les agriculteurs dans l’adoption de pratiques innovantes, aux perspectives de rendement attractives.

Dans le monde agricole, s’en remettre aux aléas des saisons et à l’usage intensif des intrants relève d’une pratique de moins en moins viable. Pendant des siècles, le climat a décidé du sort des récoltes. Or, face aux bouleversements météorologiques et à l’érosion des ressources naturelles, cette logique atteint ses limites.

Confrontés à la récurrence des sécheresses et à la volatilité des rendements, les fellahs se voient contraints d’optimiser leurs ressources. Et c’est tout l’enjeu du programme Al Moutmir, dont les plateformes de démonstration (PFD) offrent un aperçu des gains potentiels lorsqu’une approche scientifique éclaire les choix des agriculteurs et des ingénieurs agronomes, en s’appuyant sur des données précises issues des plateformes de démonstration. Depuis le lancement du programme, ce sont quelque 28.600 PFD qui ont été déployées à travers le Maroc.

Pour la campagne oléicole 2023-2024, 987 plateformes ont été installées, couvrant 159 communes et 24 provinces. L’objectif est d’optimiser la productivité tout en limitant la consommation des ressources. L’eau, devenue une denrée rare, constitue un enjeu majeur dans cette équation.

L’initiative repose sur une comparaison directe entre les pratiques agricoles traditionnelles et un itinéraire technique optimisé.

«Nous avons constaté une amélioration des rendements allant de 19% à 38% sur les PFD par rapport aux parcelles témoins», souligne un représentant d’Al Moutmir.

Gestion intégrée des cultures
Au cœur de cette réussite, une combinaison de techniques précises, notamment la gestion intégrée des cultures (ICP), qui articule fertilisation raisonnée, irrigation optimisée et protection phytosanitaire ciblée. L’adoption de cette approche a également permis d’accroître la rentabilité des exploitations.

Selon les données recueillies, les plateformes de démonstration génèrent une marge bénéficiaire pouvant atteindre 30.363 Dh/ha, soit une hausse moyenne comprise entre 19% et 32% par rapport aux méthodes conventionnelles. Une avancée notable dans un secteur où la volatilité des rendements fragilise la pérennité des exploitations.

L’irrigation, élément critique de la culture oléicole, bénéficie d’une modernisation progressive grâce aux capteurs intelligents déployés sur les PFD. Ces dispositifs permettent d’ajuster les apports hydriques en fonction des besoins réels des arbres.

«Depuis que j’utilise une sonde pour mesurer l’humidité du sol et l’application sur le téléphone, l’irrigation de mon oliveraie a vraiment changé», témoigne Lamaoui Khalid, oléiculteur dans la région du Haouz.

Cette adaptation technique a entraîné une réduction de la consommation d’eau de 25%, tout en maintenant un bon niveau de production.

Mauvaise campagne
La campagne oléicole 2023-2024 s’est déroulée dans un contexte difficile, marqué par une baisse de la production nationale d’olives estimée à 950.000 tonnes, soit un repli de 11% par rapport à l’année précédente et de 44% par rapport au record historique enregistré en 2021.

Face à ces conditions difficiles, les PFD ont démontré leur pertinence en limitant les pertes et en maximisant l’efficience des ressources disponibles. Dans certaines provinces, comme Taourirt, le rendement a progressé de 55% par rapport aux parcelles témoins.

«Grâce à l’accompagnement technique, j’ai adopté un itinéraire optimisé, et mon rendement a augmenté de 2,6 t/ha», se réjouit Abderahmane Kahak, oléiculteur à Moulay Yacoub.

Si ces résultats confirment l’efficacité du modèle, ils soulignent aussi les défis persistants du secteur. Le phénomène d’alternance des récoltes, aggravé par la prédominance de la variété Picholine marocaine, demeure un frein à la régularité de la production. La modernisation des vergers amorcée dans certaines régions, notamment l’Oriental, pourrait atténuer ce problème, à condition que l’effort soit poursuivi sur le long terme.

Pour accompagner cette dynamique, Al Moutmir mise sur le transfert de connaissances via les écoles aux champs et les formations dispensées aux agriculteurs. Objectif affiché : promouvoir les pratiques à l’efficacité éprouvée et ancrer durablement les innovations dans le paysage agricole.

L’olivier face au défi du changement climatique

Au-delà des stratégies d’optimisation des rendements, la filière oléicole doit composer avec une contrainte majeure, le climat. Six années consécutives de sécheresse ont mis à rude épreuve les vergers, réduisant la floraison et compromettant la formation des fruits. Si les techniques d’irrigation de précision permettent de compenser partiellement ces contraintes, elles ne suffisent pas toujours à inverser la tendance.

La diversité géographique et les modes d’exploitation variés du Maroc offrent un certain amortissement, mais l’urgence d’adapter les pratiques culturales à des conditions de plus en plus extrêmes se fait sentir.

L’amélioration du matériel végétal, l’optimisation des cycles de fertilisation et le développement de nouvelles variétés plus résistantes pourraient constituer les prochaines étapes d’une transition nécessaire pour préserver la compétitivité du secteur.

Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO



Maroc Telecom : ce qui va changer avec Benchaâboun


Recevez les actualités économiques récentes sur votre WhatsApp Suivez les dernières actualités de LESECO.ma sur Google Actualités

Rejoignez LesEco.ma et recevez nos newsletters




Bouton retour en haut de la page