Activité Takaful : les primes émises triplent en un seul semestre
Ce sont des perspectives prometteuses qui s’offrent à l’activité Takaful. Les derniers chiffres indiquent que l’évolution est telle que le volume des primes émises a quasiment triplé en un seul semestre. La diversification des produits aurait fortement contribué à la dynamisation de ce créneau.
L’activité Takaful s’avère prometteuse. C’est ce qui ressort de la dernière note de BMCE Capital global research. Preuve en est les réalisations générées par l’activité après une année de lancement. Les chiffres indiquent que le volume des primes émises s’est élevé à 11,8 millions de dirhams, réparti entre l’assurance décès (84%), l’assurance incendie (10%) et l’assurance investissement Takaful individuel (5%).
Par ailleurs, au terme du premier semestre 2023, elle a drainé un volume global de primes de 29 MDH, soit une évolution de 168%. Les analyses montrent que cette forte progression est principalement tirée par la catégorie Takaful Famille qui représente la quote-part la plus importante du total des primes (90%), s’établissant à 26 MDH.
Les autres comptes Takaful s’élèvent, quant à eux, à 3 MDH. Notons que l’assurance incendie constitue près de 9,6% des primes alors que la couverture contre les conséquences d’évènements catastrophiques contribue pour près de 0,8% seulement au chiffre d’affaires.
Parts de marché
Dans cette industrie novice, c’est la filiale d’Holmarcom, le fonds Takafulia qui se taille la part du lion avec 49,5% de parts de marché (PDM) en 2022. Une position de leader qui s’est maintenue aussi sur S1 2023. Il est suivi de Wafa Takaful (23,7%) et d’Al Maghribia Takaful (16,7%).
Pour sa part, Taamine Takafulia Taaouni occupe la 4e place avec 11,4%. Certes, des évolutions remarquables se sont opérées en seulement deux années d’existence de cette nouvelle activité, mais a-t-elle des perspectives pour percer davantage? Tout porte à croire qu’un intérêt certain est constaté du moment que de nouveaux opérateurs s’y sont introduits.
L’analyse de BKGR révèle que l’émergence du Takaful représente une réelle opportunité d’inclusion financière en permettant d’intégrer les populations n’ayant pas recours à l’assurance conventionnelle pour des convictions religieuses ou pour des raisons d’éthique. Elle devrait, a priori, contribuer à améliorer le taux de pénétration de l’assurance et favoriser la dynamique du marché national de l’assurance.
Ainsi, un positionnement sur ce segment, à travers la création d’une filiale dédiée, pourrait paraître intéressant pour les compagnies d’assurance, dans la mesure où il présenterait divers avantages, tels que la possibilité d’exercer au niveau de différentes branches d’activité dans le cadre d’un seul agrément pour les acteurs désirant accompagner leurs banques partenaires. Toutefois, l’offre de produits d’assurance Takaful demeure limitée aux garanties et risques de l’activité bancaire participative, ce qui restreint la taille des fonds.
En effet, le secteur bancaire disposait d’un gisement de 21,6 MMDH de financement Mourabaha à fin décembre 2023, correspondant ainsi à un marché cible sur le stock à couvrir de 86 MDH (soit 0,3% du total des primes Vie en 2022) sur la base d’un taux médian de 0,4%, selon les professionnels du secteur. Celui-ci devrait croître à un rythme similaire à celui du financement participatif (un encours en hausse de 24 MMDH entre 2018 et 2023, soit à peine 10% de la variation en volume d’encours global de crédits sur la même période). En termes de commissions, ce niveau de primes devrait générer des revenus de moins de 26 MDH pour les compagnies d’assurance.
Pistes de développement
Contrairement à l’assurance conventionnelle, les dispositions relatives au contrat d’assurance Takaful excluent toute notion liée à la prescription des droits, permettant ainsi aux participants et ayants droit de réclamer leur dû à n’importe quel moment. Cette situation devrait conduire à la constatation d’un niveau de provisionnement relativement élevé pour faire face aux sinistres survenus non déclarés, réduisant ainsi l’excédent technique des comptes (des provisions sur sinistres à payer nettes de 2,1 MDH au S1 2023).
Ainsi, il semblerait que la réussite de cette activité soit tributaire de l’élargissement de l’offre à d’autres branches telles que l’Automobile et la Santé, qui pourraient dynamiser ce marché et améliorer sa rentabilité. Notons toutefois qu’une diversification des produits proposés, notamment au niveau des assurances obligatoires, pourrait s’accompagner d’un risque de cannibalisation entre l’assurance islamique et celle conventionnelle.
L’investissement Takaful (épargne), qui ne représente que 5% du total des primes actuellement, pourrait également contribuer à la croissance de ce marché. Cependant, son développement demeure freiné par un écosystème participatif incomplet, notamment en termes de marché des capitaux (Bourse, Sukuks et fonds d’investissement). Dans ce sens, l’émission de Sukuks (souverains et privés) semble nécessaire aujourd’hui afin de permettre aux compagnies d’assurance Takaful de répondre à la contrainte chariatique de la conformité aux avis du Conseil supérieur des oulémas.
Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO