Maroc

À Jerada, le programme royal est resté lettre morte

La province de Jerada devait bénéficier d’un programme de développement économique et social. Cette mise à niveau est renvoyée aux calendes grecques. Enquête sur Manarat Al Moutawassit bis.

ÀJerada, la ville et ses 14 communes souffrent d’une vulnérabilité sévère depuis deux décennies. La carte de la pauvreté 2014 le confirme, les élus locaux le savent et les habitants en payent le prix. L’État est conscient de cette dure réalité. D’ailleurs, le choix de la ville de Jerada pour lancer la deuxième phase de l’Initiative nationale de développement humain (INDH) n’est pas fortuit.  Le 5 juin 2011, le roi Mohammed VI présidait à Jerada la cérémonie de présentation de la deuxième phase 2011-2015 de l’INDH. Par la même occasion, le roi a présidé la cérémonie de signature d’une convention de partenariat relative au développement socio-économique de cette région sinistrée. Doté d’un budget de 341 MDH, ce programme implique l’intervention de l’Intérieur, de l’Habitat, de la Santé, de l’Agriculture, de l’ONEE, des communes de Jerada, Ain Bni Mathar et Touissit. Six an après, les résultats de ce programme sont «dérisoires» évaluent l’ensemble des sources interrogées par Les Inspirations ÉCO. Plusieurs programmes sont restés au stade de projets.

Silicose : une unité pour la forme
L’un des premiers axes du programme de 2011 était celui de la santé. Le projet prévoyait «le renforcement des services de santé à travers la création d’une unité spécialisée dans la prise en charge des maladies silicotiques» pour prendre en charge les ex-mineurs des Charbonneries du Maroc. «Ce centre a été présenté au roi. Les équipements étaient excellents et les ouvriers bénéficiaient d’une prise en charge au départ. Seulement, quelques mois après la visite royale, ils ont commencé à nous retirer le matériel neuf et nous diriger vers l’ancien hôpital provincial», raconte un ouvrier de Jerada, atteint de silicose. «La ville compte 6.000 ex-mineurs atteints de silicose. Les besoins sont énormes durant l’hiver et l’été où la silicose fait le plus mal. Or, aujourd’hui le centre n’est pas vraiment opérationnel», s’indigne Ahmed Belatay membre de l’AMDH à Jerada. L’hôpital de Jerada manque de tout, comme en témoigne la longue liste des revendications des habitants (ambulance, RH spécialisées,…). Les financements attribués à l’hôpital provincial sont dérisoires. La subvention du ministère de la Santé se limitait à 1,8 MDH. Avec ce budget, l’hôpital doit prendre en charge des milliers de personnes atteintes d’une maladie lourde. En somme, c’est mission impossible.

Des chantiers inachevés
«Ce projet est une vraie farce», lance indigné un habitant de Jerada, joint par téléphone. «Les autorités nous parlent de 80 millions DH pour l’assainissement, mais la moitié de la ville n’est toujours pas couverte depuis des années», ajoute-t-il. Selon des acteurs associatifs, 80% de la ville ne sont pas couverts par le réseau d’assainissement liquide. L’abattoir municipal et la gare routière ne sont pas toujours opérationnels. La décharge communale tarde aussi à voir le jour. L’accès à l’eau potable dans les centres de Ain Bni Mathar, de Touissit et des communes rurales de Sidi Boubker, Ras Assfour, Ouled Sidi Abdelhakem et Tiouli continue à poser problème depuis une décennie. «Les habitants de ces douars continuent de parcourir 5 km pour trouver de l’eau potable», observe un acteur associatif. Les projets agricoles portant sur la plantation d’arbustes sur 3.200 ha et la réhabilitation de la petite et moyenne hydrauliques prévus dans le programme de 2011 n’ont pas encore donné les résultats attendus. Un échec qui sonne comme un remake d’un programme similaire lancé en 1998, lors de la fermeture de la société Charbonnages du Maroc. Du temps du roi Hassan II, ce protocole d’accord prévoyait deux volets, social et économique. «Une zone industrielle devait voir le jour à Jerada, des lots de terrains ont été cédés pour des notables. Ces terrains ont été utilisés pour construire des villas dont les propriétaires sont ceux qui exploitent les jeunes mineurs aujourd’hui dans les galeries de Jerada», conclut Mustapha Selouani, syndicaliste et habitant de la ville de Jerada. 


Jerada exige «une alternative économique»

«Chaque après-midi, la ville s’arrête. Les habitants convergent vers la grande place, près du siège du Gouvernorat», explique un acteur associatif local et animateur de ce mouvement. Le mercredi 26 décembre, ils étaient par centaines à manifester leurs ras-le-bol face à la situation économique de la ville. Jeunes hommes et femmes appellent à l’unanimité à créer «une alternative économique» pour la région, pour que cesse le calvaire des mineurs dans les galeries. Une grève générale est prévue dans toute la province pour exiger des «solutions à la situation dramatique dans la région». Les organisations locales rejoignent les revendications des habitants relatives à «l’ouverture d’une enquête pour clarifier les responsabilités du département de l’Energie et des mines dans la mort des deux jeunes Houcine et Jadouane».


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