Réserve monétaire : Les retombées de la hausse
Le dernier Conseil de BAM a décidé de porter le taux de la réserve monétaire à 4% dans un premier temps, et d’instaurer une rémunération de cette réserve pour les banques déployant plus d’efforts en matière d’octroi de crédit. Une décision qui a suscité nombre de questionnements au sein de la communauté financière.
Le dernier Conseil de Bank Al-Maghrib et les décisions qui en ont découlé font germer analyses et interprétations, comme à chaque fois. À l’issue de sa deuxième réunion trimestrielle de l’année, mardi dernier, le Conseil a décidé de maintenir le taux directeur à 2,25%, tenant compte d’une prévision d’inflation en ligne avec l’objectif de stabilité des prix. En revanche, la surprise du Conseil a été la décision de porter le taux de la réserve monétaire de 2 à 5% et d’instaurer une rémunération de cette réserve pour les banques déployant plus d’efforts en matière d’octroi de crédit. La Banque centrale a ensuite publié un communiqué expliquant que cette réserve sera portée à 4% à compter du 23 juin 2016. Ce taux pourrait être augmenté dans le futur à 5% en fonction de l’évolution de la liquidité. Ainsi, les banques, dont la progression de l’encours des crédits aux entreprises non financières au cours du deuxième semestre 2016 serait supérieure à la moyenne réalisée par l’ensemble de la place, bénéficieront d’une rémunération de 0,75% sur la réserve obligatoire additionnelle. Cette décision intervient, selon l’explication de la Banque centrale, suite à l’amélioration structurelle de la liquidité bancaire. Mais quelle lecture en font experts et analystes ?
Atténuer les impacts de la sur-liquidité
Il est clair que dans le contexte actuel, la Banque centrale n’a pas souhaité abaisser son taux directeur du seuil de 2,25%, en ligne avec son objectif de stabiliser les prix, puisque les taux d’intérêt fluctuent aux alentours du taux directeur. C’est dans cette logique aussi que l’Institution tente d’éponger la liquidité présente sur le marché à travers l’augmentation du taux de la réserve obligatoire qui passe, dans un premier temps, à 4%. Jusqu’à présent, les taux d’intérêts monétaires fluctuaient à des niveaux trop bas par rapport au taux directeur. Le taux de la pension livrée jj traitait aux alentours de 1,50%. Pour ce qui est des taux d’intérêts interbancaires, ils traitaient aux alentours de 2%. Rappelons que de par sa mission, la Banque centrale doit faire en sorte à ce que les taux monétaires traitent au même niveau que le taux directeur décidé. La Banque centrale a ainsi décidé de pomper de la liquidité sur le marché de sorte que le système des taux se rééquilibre. Notons par ailleurs qu’avec la fin de la dernière période de constitution de la réserve monétaire, les banques ont eu énormément de mal à placer leurs excédents de trésorerie. Une donne accentuée par le fait que le secteur bancaire est à l’aube d’une phase d’excédent de liquidité. Les réserves internationales nettes s’améliorent à un rythme de 2,5MMDH par mois. Si la Banque centrale n’avait pas aggravé le besoin de liquidité bancaire en augmentant la réserve obligatoire, le secteur serait passé à une situation d’excédent de liquidité bancaire deux mois plus tard. Dans ce sens aussi, la décision du Conseil de la Banque centrale aidera à éponger cette liquidité qui a du mal à être placée, puisque le taux de réserve de 4% représente pas moins 9 MMDH, tandis que celui de 5%, s’il est adopté, représenterait 13MMDH. Cette réserve pourra ensuite être rémunérée selon la dynamique de distribution de crédit de chaque banque. Jusque-là, la décision de BAM semble tout à fait irréprochable.
Ce qui divise…
Cependant, la question qui semble diviser le marché est de savoir pourquoi la Banque centrale a-t-elle préféré une mesure restrictive de liquidité bancaire (en choisissant d’augmenter la réserve obligatoire) à des mesures de reprise de liquidité ? «En temps normal, dans un régime excédentaire, la mesure qui doit être actionnée est celle de la reprise de liquidité. Au même titre que les avances à 24 heures et à 7 jours, il y a les dépôts à 24 heures et les reprises à 7 jours. En quelque sorte, il est inadéquat d’avoir un régime qui se prépare à avoir une liquidité excédentaire et d’aggraver son besoin de financement en augmentant la réserve obligatoire», rétorque cette analyste qui a souhaité garder l’anonymat. Notons que jeudi dernier, soit deux jours après la décision de la Banque centrale, les banques se sont financées auprès d’elle par des avances à 7 jours d’un montant de 11 MMDH, alors qu’il y a encore quelques semaines ce mécanisme était inactif. Pourquoi la Banque centrale a-t-elle donc choisi la mesure de l’augmentation de la réserve obligatoire plutôt que de privilégier la mesure de reprise de liquidité pour équilibrer le marché, d’autant plus qu’elle est rémunérée 50 points de base de moins que le taux directeur, soit 1,75% pour un taux directeur de 2,25%? «La Banque centrale a d’abord souhaité augmenter le taux de la réserve obligatoire, puisqu’à la base nous étions à des taux de réserve obligatoire plus importants. Elle demande aux banques qui souffrent moins de la pression de la liquidité de revenir à des standards de réserve obligatoire qu’elle juge adéquats», nous explique un expert bancaire. Selon ce dernier, les réserves obligatoires constituent un coussin de sécurité qui reflète la capacité des banques à faire face aux sorties massives d’argent. C’est aussi un indicateur renseignant sur la stabilité financière d’un système financier. Le deuxième principal objectif de la Banque centrale est la relance des crédits. C’est pour cette raison que seules les banques les plus dynamiques bénéficieront de la rémunération de 0,75% sur la réserve obligataire qui, habituellement, n’est pas rémunérée.
Cette approche est-elle durable ?
Aussi, à travers sa décision, Bank Al-Maghrib a imposé aux banques marocaines de passer par le mécanisme des avances à 7 jours pour se refinancer. Ces banques se financent au taux directeur, ce qui remet ce ratio dans son rôle premier. Cela peut également être une finalité de BAM, «mais avec l’amélioration continuelle de la situation de la liquidité de 2,5MMDH par mois, liée à l’amélioration des réserves de change, le mécanisme des avances à 7 jours devrait être moins sollicité dans 4 ou 5 mois», nous confie notre expert. Quelles mesures adopter en vue de sa réintégration dans le système de refinancement des banques par la Banque centrale ? Selon l’expert, Jouahri pourrait choisir d’augmenter à nouveau la réserve obligatoire, mais cela ne pourra pas être possible indéfiniment. En outre, les banques empruntent auprès de la Banque centrale au titre des avances à 7 jours seulement, ce qui présente un problème dans le mécanisme de transformation. Ce sont des ressources qu’elles ne peuvent pas déployer pour financer l’économie à moyen et long termes. La Banque centrale sera amenée à intégrer le mécanisme de reprise de liquidité, à en croire notre expert. Il semblerait qu’entre efficience ou efficacité de la politique de BAM, la grosse interrogation qui se pose dorénavant est de savoir si Jouahri ne sera pas à court de munitions au cours des prochains mois. Une chose est sûre: la Banque centrale est en train de jouer toutes ses cartes et, d’ici peu, elle risque de les épuiser! N’est-il donc pas temps de revenir au centre de la problématique: la Banque centrale ne peut, à elle seule, secourir le marché !
Quels impacts sur les marchés ?
Quand il y a déficit de liquidité, cela pousse les taux d’intérêt à s’orienter à la hausse. En premier lieu, ce sont les taux monétaire qui vont repartir à la hausse. Cela pourrait également impacter les taux obligataires qui n’attendaient qu’un signal pour reprendre le chemin de la hausse. Dans le contexte actuel, ils devraient justement être impactés. Les plus fortes hausses devraient être observées sur les taux monétaires; ceux-ci traitaient à 1,50% alors que le taux directeur est à 2,25%. Cela ne veut pas pour autant dire que les fonds qui y sont adossés devraient accuser les plus fortes baisses, étant moins sensibles aux variations de taux. Sur le marché obligataire, c’est le marché secondaire qui devrait être chamboulé, puisque les investisseurs demanderont plus de rémunération pour garder des titres obligataires, qu’ils soient courts ou longs.