Les Cahiers des ÉCO

Perspectives de placement : Tout va bien pour l’obligataire !

Les taux obligataires seront étonnement encore amenés à baisser de quelques points. Parallèlement, les analystes restent assez sceptiques quant à l’évolution future du marché des actions.

Bonne tenue des comptes du Trésor, quasi-absence des émissions privées de liquidité bancaire, poursuite du ralentissement des crédits… sont autant de facteurs qui ont exercé une pression baissière sur les taux obligataires au premier trimestre. Une situation qui devrait perdurer à en croire les analystes. Parallèlement, ces derniers restent assez sceptiques quant à l’évolution future du marché des actions. L’évolution haussière observée durant les trois premiers mois de l’année risque à tout moment de s’estomper.

Analyse.
Les taux obligataires se sont orientés à la baisse au premier trimestre de l’année en cours. Ils ont ainsi enregistré des replis compris entre 2 et 27 points de base, selon les derniers chiffres publiés par la Direction des études et des prévisions financières (DEPF), relevant du ministère de l’Économie et des finances. Toutes les composantes de l’offre et de la demande de titres souverains ont plaidé pour cette tendance, à en croire les analystes.

La bonne tenue des comptes du Trésor sur les trois premiers mois de l’année, dans la continuité de la discipline budgétaire observée depuis 2011 était un facteur déterminant dans cette baisse. Rappelons, à juste titre, que le déficit budgétaire du Trésor se situait autour 6,8% du PIB en 2011, avant de passer à 5,1% en 2013, à 4,7% en 2014, pour se fixer à 4,3% en 2015 et qu’il est prévu un déficit budgétaire de 3,7% en 2016. «Les chiffres du Trésor à fin février montrent qu’on est bien parti pour maintenir cet objectif. La composante «Recettes» autant que celle des «Dépenses» restent conformes à la loi des finances», explique à ce sujet Mouhammed Mariane, directeur de la société de gestion Marogest.

Conséquence de la bonne forme des finances publiques, au niveau du marché primaire des bons du Trésor, les levées brutes dudit Trésor se sont repliées. Au titre du premier trimestre 2016, elles ont reculé de 6,8% à 35MMDH par rapport au quatrième trimestre 2015. En termes de structure, selon la DEPF, ce repli a concerné le volume des maturités courtes et moyennes pour représenter respectivement 9,4% et 33,6% des levées du trimestre après 11,2% et 55,3% le trimestre précédent. En revanche, le volume levé des maturités longues s’est apprécié pour prédominer les levées du trimestre à hauteur de 57% après 33,4% le trimestre précédent.

Amélioration significative de la liquidité
Sur le plan de la demande, la situation de la liquidité sur le marché, déterminante dans la formation de la demande de titres souverains, est sur la voie de l’amélioration. En effet, après un déficit de 9,7% du PIB en 2012, la balance de transactions courante a affiché un déficit de 7,6% en 2013, de 6,8% en 2014 et de 2% en 2015, tandis que les perspectives pour 2016 anticipent déjà un retour à l’équilibre. En effet, les chiffre de Bank Al-Maghrib prévoient un déficit du compte courant de seulement 0,1% du PIB, au terme de 2016. «Cela proviendrait principalement de la baisse de la facture énergétique, des entrées en lien avec les pays du CCG. Les prévisions tournent autour de 13MMDH pour cette année. Si on additionne la poursuite des investissements directs étrangers (IDE), cela conduirait à une poursuite de l’amélioration des réserves de change», nous explique Mariane. Toujours selon BAM, ces dernières devraient couvrir 7 mois et 21 jours d’importations à fin 2016. Notons que ces deux dernières composantes induisent une forte amélioration de la liquidité bancaire. Cette année BAM prévoit un excédent de 20,9MMDH en moyenne, alors qu’on était l’année dernière sur une moyenne de 16,5MMDH de déficit des liquidités bancaires. «Si on additionne à cela le fait que les banques sont dans une phase de ralentissement des crédits bancaires, on comprend aisément que tout cet argent va participer à l’amélioration de la liquidité bancaire dans un contexte de ralentissement de la monnaie fiduciaire, qui est alimentée par les crédits.», nous confie notre expert.

Demande additionnelle sur les titres
L’impact de cette situation sur le marché obligataire est extrêmement clair et ne peut aller que dans un seul sens, à savoir la baisse des taux. Notons que depuis le début de l’année et à en croire la courbe de taux, il a été observé une baisse sur tous les segments, le 20 ans est passé de 4,37% à 3,61%, enregistrant une baisse de 66 points de base. Cette translation baissière de la courbe des taux découle de l’importance de la demande de titres souverains suite à l’amélioration de la liquidité bancaire qui occasionne une demande additionnelle sur ces titres.

Face à cette demande additionnelle, la bonne discipline budgétaire fait, elle, que le besoin de financement du Trésor est au plus bas, donc il n’est pas très présent sur le marché pour faire face à cette demande, induisant une baisse des niveaux de rémunération. C’est ce qui a été observé sur les trois premiers mois de l’année. «Deux autres facteurs additonnels ont également pu impacter les taux obligataire à la baisse. Les émissions privées, notamment celle des banques qui n’ont quasiment pas émis de certificats de dépôt cette année, au même titre que l’année dernière. Aussi, elles n’ont pas renouvelé les émissions arrivées à échéances, puisqu’elles disposent désormais de beaucoup de liquidités dont le coût est maîtrisé. Il y a également l’effet de la baisse du taux directeur de 25 points de base à 2,25% afin de soutenir l’activité économique, intervenue lors du premier conseil de la Banque centrale du 22 mars dernier», ajoute notre expert.

Potentiel non encore exploité
S’agissant du prochain trimestre, la poursuite de l’amélioration de la liquidité et le tarissement de l’offre de titres souverains et privés, devraient conduire les taux obligataires à poursuivre une tendance baissière. Cette dernière pourrait éventuellement être stimulée si une seconde baisse du taux directeur est opérée lors du prochain Conseil de BAM. Notons également que la situation de la liquidité n’a fait que s’améliorer durant le mois d’avril. «Bank Al-Maghrib actuellement ne fait plus d’avances à 7 jours (instrument classique). Les interventions de la Banque centrale sont uniquement sur les pensions livrées puisqu’il y a des programmes de financement sur lesquels elle s’est engagée comme celui en faveur de la PME», nous explique un analyste financier.

Naturellement, ce sont les OPCVM obligations moyen et long termes qui vont profiter de cette baisse des taux à l’image du premier trimestre où ils ont réalisé de très bonnes performances. «Sauf que leur rendement actuariel va par la suite baisser drastiquement car nous sommes à des niveaux de taux extrêmement bas, qualifiés même d’historiques» à en croire le même analyste. Le constat est plus fulgurant pour les maturités longues (à titre d’exemple, la maturité de 20 ans qui offrait 4,4% est à 3,6%). Cependant, il faut noter que les banques sont actuellement très réservistes dans l’octroi du crédit, dans un souci de limitation de l’exposition aux risques et dans un environnement marqué par la hausse des créances en souffrance et l’éclatement de plusieurs «grosses affaires» telles Samir, Alliances, Maghreb Steel…Elles cherchent ainsi de la solidité. De plus, les autres investisseurs institutionnels adoptent un profil averse au risque compte tenu de la situation qui entoure la dette privée actuellement. C’est ce qui fera qu’il y aura encore un engouement sur les titres du Trésor, au détriment des signatures à risque ; ce qui est en faveur de la poursuite de la baisse des taux.

Et le marché des actions ?
Pour sa part, le marché des actions a marqué une belle performance au premier trimestre. Néanmoins, à y regarder de près, il s’agit d’une évolution en dents de scie qui ne confirme pas l’hypothèse selon laquelle le rebond observé sur les trois premiers mois érige les jalons d’une reprise solide. N’oublions pas que cette année, 16 profits warning ont été constatés. C’est un nouveau record qui a été enregistré sur la Bourse de Casablanca. Parallèlement, les sociétés du Masi ont réalisé une croissance de 1,6% de leur masse bénéficiaire. Face à une amélioration (de 1,6%), le marché a pris entre 5 et 6%. «La croissance du Masi est exagérée par rapport aux fondamentaux des sociétés cotées», nous affirme un analyste du marché des actions. L’explication qui en découle est que les investisseurs s’abattent sur certaines valeurs de dividende.

Les titres souverains étant de plus en plus rares et les taux de rémunération sur le marché obligataire étant de plus en plus bas, les investisseurs cherchent d’autres alternatives de placement. Dans cet effort de réallocation de leurs actifs, une demande additionnelle est exercée sur le marché des actions, qui conduit naturellement à une hausse des cours. Il y a également l’effet de l’abondance des liquidités qui joue en faveur du marché des actions. Ce dernier constitue de plus en plus une meilleure alternative de placement compte tenu de la situation actuelle, mais là encore, ce n’est pas tout le marché qui profite. «Ce sont les valeurs qui ont un business clair, une véritable solidité financière et qui offrent un rendement de dividende stable qui en profitent», précise le même analyste.

Ce dernier appelle néanmoins à la prudence. «Il ne faut pas être persuadé que c’est une embellie saine et durable sans considérer tous les éléments de l’équation. Beaucoup de variables peuvent jouer en faveur d’un sens ou un autre à l’image de l’année dernière», prévient-il. Pour rappel, le marché avait démarré l’année 2015 sous de bons auspices avec ( +8 au terme du premier trimestre) avant d’observer une trajectoire inverse, pour terminer l’année sur une contre-performance de -5%. Le détachement des dividendes, des résultats semestriels décevants ou encore d’éventuels scandales financiers peuvent freiner l’élan du Masi. Il faut donc rester vigilant !


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