Médicaments : L’Afrique amorce son indépendance thérapeutique
Plusieurs pays africains entendent désormais privilégier l’approvisionnement en médicaments «made in Africa» plutôt que d’importer des produits fabriqués par les multinationales étrangères. C’est l’une des principales perspectives ouvertes par la première rencontre sur la coopération Sud-Sud pour le développement de la santé, organisée à Casablanca par les laboratoires marocains Galenica.
Une nouvelle ère s’annonce sur le continent: bientôt, les pays africains n’auront peut-être plus besoin d’importer des médicaments à des coûts exorbitants depuis l’étranger. C’est du moins l’impression qui se dégage si l’on se fie aux déclarations de certains responsables ministériels et acteurs de l’industrie pharmaceutique africains qui ont pris part à la première rencontre «Menafrique Santé». Celle-ci se s’étend sur deux jours (17 et 18 avril) à Casablanca, à l’initiative des laboratoires Galenica, dirigé par le très actif Abdelghani El Guermai, fondateur de l’Association marocaine de l’industrie pharmaceutique (AMIP). Lors de cet événement, il est clairement apparu que l’industrie pharmaceutique marocaine se propose de se substituer à de nombreux exportateurs de médicaments non africains. L’offre marocaine, qui excelle dans les médicaments génériques, joue sur la compétitivité, plus importante que celle des multinationales des autres continents.
89 fois moins cher
C’est notamment le cas en ce qui concerne le traitement de l’hépatite C. «Au Maroc, le prix du médicament contre l’hépatite virale C coûte 89 fois moins cher qu’en Europe et aux États-Unis», a insisté le ministre de la Santé El Haussaine Louardi, avant d’appeler subtilement ses homologues africains à privilégier l’approvisionnement en médicaments à partir du royaume. Ce message semble avoir été bien entendu. Les quelques ministres africains de la Santé présents à cette rencontre, notamment ceux du Gabon et de la Centrafrique, ont exprimé leur disposition à acheter à des prix plus avantageux. «Dans nos pays, nous subissons encore les décisions et influences de grands groupes pharmaceutiques internationaux. Nous sommes venus au Maroc trouver des offres cadrant avec nos besoins, ainsi que des médicaments de qualité», a insisté la ministre centrafricaine de la Santé, Fernande Ndjengbot. Doyen du corps diplomatique au Maroc, l’ambassadeur Ismaila Nimaga, également de la Centrafrique, a pour sa part plaidé pour une «réelle indépendance thérapeutique en Afrique». C’est dans cette ambiance de «panafricanisme médical» que ces deux jours de rencontres devraient permettre à l’AMIP, mais surtout aux laboratoires Galenica, de conclure de nouveaux partenariats à l’export.
El Haussaine Louardi
Ministre de la Santé
Le Maroc propose de partager, avec les pays africains frères, son expérience dans le domaine de la santé. Dans le cas de l’hépatite C par exemple, le traitement coûte 89 fois moins cher au Maroc qu’ailleurs en Europe ou en Afrique.
Leon Nzouba
Ministre de la Santé du Gabon
Les coûts des médicaments sont élevés dans nos pays. Nous voulons un approvisionnement régulier avec des médicaments de qualité. Le Gabon soutient les initiatives du Maroc dans le domaine de la santé en Afrique.
Abdelghani El Guermai
Président-directeur général de Galenica
Le potentiel de coopération dans le domaine de la santé en Afrique n’est pas exploité. Le Maroc, à travers son industrie pharmaceutique, est prêt à apporter son expertise et à partager son expérience.
Création du comité permanent «Menafrique Santé»
La rencontre de Casablanca a été marquée par la création d’un comité permanent «Menafrique Santé». L’accord autour de sa mise en place a été signé de la main de ministres présents à cet événement. Ce comité permanent sera chargé de concrétiser plusieurs actions devant, in fine, déboucher sur l’accroissement des échanges de produits médicamenteux entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne. Le transfert de technologies aux pays du continent, ainsi que le développement de la R&D en Afrique, figurent également parmi les axes programmés dans le cadre de ce comité, sans parler de la lutte contre la contrefaçon des médicaments. Abdelghani El Guermai, président-directeur général de Galenica, a proposé que son groupe prenne en charge le fonctionnement de ce comité durant un premier mandat de 2 ans.