Maroc-Afrique : Comment tirer son épingle du jeu en 2016 ?
Après une année 2015 fructueuse, marquée par la consolidation des relations politiques et économiques entre le Maroc et ses partenaires subsahariens, le défi qui se pose, à l’entame de 2016 est de rester sur la même dynamique, voire de faire mieux. Voici quelques chantiers qui aideraient à fluidifier davantage ce partenariat sud-sud.
ENFIN L’AFRIQUE ANGLOPHONE ?
On ne cessera de le répéter, l’Afrique anglophone reste encore un mystère pour la plupart des opérateurs marocains. Hormis les quelques missions de prospections menées dans certains pays comme le Kenya ou encore l’avancée récente de la BMCE Bank of Africa en Afrique de l’Est, il est encore très rare d’entendre l’implantation d’une entreprise marocaine dans les pays s’exprimant dans la langue de Shakespeare sur le continent. L’acquisition récente, par Saham, de deux compagnies d’assurances au Nigéria est très encourageante et constitue un bel exemple pour les autres capitaines de l’économie nationale. Par ailleurs, il est grand temps pour ceux qui l’ignorent encore de comprendre que la culture des affaires et les besoins de ces pays diffèrent souvent de ceux de leurs homologues francophones. La pénétration de ces marchés suppose non seulement une meilleure connaissance, mais surtout une adaptation de l’offre par rapport à leurs attentes. Enfin, notez que très souvent, ces pays sont en avance sur le Maroc dans plusieurs secteurs et ne souffrent pas toujours des mêmes maux que les pays francophones.
ENCOURAGER LES JOINT-VENTURES
Si les relations Maroc-Afrique subsaharienne sont placées sous le signe de la coopération sud-sud, force est de constater que dans le cadre de ce partenariat, les investissements vont dans un seul sens. Les entreprises marocaines se lancent à la conquête des marchés du sud, mais venir investir au Maroc n’est pas encore un réflexe pour les hommes d’affaires de ces pays. Cette réalité se traduit par le déséquilibre de la balance commerciale en faveur du royaume. De nombreuses voix appellent à rectifier le tir en favorisant les investissements subsahariens au Maroc. Si, du côté marocain, on se presse de répondre que le marché est ouvert à tous les investisseurs, un intense travail doit être mené afin de venir à bout de la frilosité des entreprises subsahariennes et de prolonger leurs activités au Maroc. Ainsi, encourager les acteurs économiques à créer des joint-ventures ici et là-bas en constituerait une première étape. Cela passe nécessairement par une multiplication des occasions de rencontres et d’apprentissage entre ces acteurs afin de créer une plus grande complicité entre eux.
CONNECTIVITÉ, EN ATTENDANT LE HUB DU SAHARA
La connectivité logistique, notamment les transports routier et maritime peuvent encore être renforcés. Hormis le Sénégal, pays avec lequel les liaisons terrestres semblent assez denses, les transporteurs ne semblent pas très enclins à pénétrer les autres destinations. Les risques sécuritaires, mais surtout l’état des routes dans certains pays ne sont pas de nature à encourager ces aventures. Après l’annonce en février dernier de la création d’une compagnie maritime maroco-nigériane desservant les capitales ouest-africaines, les professionnels du transport devraient davantage investir ce segment afin de soutenir les exportations dans les deux sens. Sur ce point, la plateforme de commercialisation des produits agricoles annoncée en Côte d’Ivoire dans le cadre de la coopération avec le Maroc, est très attendue pour faciliter l’écoulement de la production. En outre, la vision royale de faire des régions du sud un hub à destination du sud du Sahara augure des lendemains meilleurs pour le développement du transport et de la logistique entre le Maroc et le reste du continent.
FACILITER LE FINANCEMENT
Afin de concrétiser les actions de promotion menées par le département de l’Industrie et du commerce extérieur, il serait opportun de penser à la création d’une banque de soutien aux activités d’import-export. Bien que les banques marocaines soient bien implantées sur le continent, cet outil de financement s’avère nécessaire, histoire de répondre aux besoins spécifiques des exportateurs et surtout de soutenir les candidatures d’entreprises marocaines dans la réalisation de projets dont le montage financier s’avère parfois complexe. «Il y a un déficit d’exploitation marocaine en Afrique. Chaque année, on enregistre environ 50 milliards de dollars d’investissements sur le continent et le plus souvent ce sont des entreprises venues d’ailleurs qui empochent le plus gros de cette somme», rappelait récemment le vice-président de l’Association marocaine des exportateurs (ASMEX), Mohamed Hmidouche et non moins ancien haut fonctionnaire de la Banque africaine de développement (BAD).
PORTE D’ENTRÉE POUR L’ASIE
L’expansion du Maroc en Afrique ne peut uniquement se faire avec les entreprises marocaines. Cette réalité a été comprise très tôt avec la création de Casablanca Finance City (CFC) qui accueille les sièges régionaux des multinationales étrangères en route pour l’Afrique. Les résultats encourageants réalisés par CFC devraient inciter à poursuivre la dynamique d’attraction des grandes entreprises vers le royaume. En plus des grands groupes européens et américains, l’intérêt nouveau et croissant des pays du Golfe pour l’Afrique devrait davantage encourager les entreprises marocaines, notamment les banques à multiplier les partenariats avec ces opérateurs souvent dotés d’une assise financière solide. L’Asie n’est pas en reste. Hormis les puissances traditionnellement présentes en Afrique comme la Chine, le Japon, de nouveaux acteurs y annoncent leur intention de se lancer dans une aventure africaine. C’est notamment le cas du Kazakhstan qui entend se lancer dans les secteurs énergétiques et miniers. Pour tous ces pays, le Maroc peut constituer un «hub» de premier choix, notamment pour l’Afrique francophone.
CONCRÉTISER LES ACCORDS
Après la dernière tournée royale en mai et juin 2015 dans quatre pays subsahariens, qui a été l’occasion pour le Maroc de signer des dizaines de nouveaux accords bilatéraux et de conventions incluant le public et le privé, l’heure est à la concrétisation de ces partenariats. Si les deals entre les entreprises ont plus de chance de se matérialiser sur le terrain, il n’en est pas toujours de même pour ceux liant les gouvernements respectifs. En raison des lenteurs administratives, ici ou ailleurs, certains accords mettent parfois des années avant d’entrer en vigueur. Les accords de non double imposition signés par le Maroc avec de nombreux pays du continent en sont un exemple éloquent. À l’heure actuelle, c’est à peine si deux d’entre eux (Sénégal, Côte d’Ivoire) sont entrés en vigueur. Aussi bien à la cellule de suivi des accords signés lors des visites royales du ministère des Affaires étrangères qu’à la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), l’accent devrait être mis à ce niveau. La récente création de groupes d’impulsions économiques (GIE), qui doivent en principe tenir des réunions trimestrielles, devrait, d’autre part contribuer à un règlement plus efficace de cette question.
DES TARIFS PLUS ABORDABLES
Qui dit connectivité pense nécessairement aux coûts du transport. Et sur ce point, il faut avouer que la baisse des prix des billets d’avion reste encore l’une des sempiternelles réclamations des opérateurs économiques marocains intéressés par l’Afrique. La question est soulevée presque dans la plupart des forums et rencontres en rapport avec le business marocain en Afrique. Les PME en sont les principales victimes car elles n’ont pas autant de force de frappe que les grandes entreprises. Comparés aux tarifs des vols à destination des autres continents, les billets vendus pour l’Afrique paraissent exorbitants. À la RAM, on explique cette situation par les nombreuses taxes appliquées par ces pays. Espérons qu’avec l’ouverture prochaine d’une ligne à partir de Dakhla, celle-ci permettra de réduire la cherté des billets. Lors d’un entretien aux ÉCO, le ministre de l’Équipement, du transport et de la logistique, Aziz Rabbah, promettait que le hub de Dakhla allait contribuer à baisser les prix du transport aérien entre le Maroc et l’Afrique.