Les Cahiers des ÉCO

Le FIFM se bonifie avec le temps !

Pour ses 16 printemps, le Festival international du film de Marrakech qui aura lieu cette année du 2 au 10 décembre s’offre une programmation digne des beaux festivals ! Entre jury trié sur le volet, hommages bien pensés et bien-pensants, des masterclass qui s’apprêtent à être enrichissantes et un zoom sur le cinéma russe, le FIFM est devenu un événement
incontournable du cinéma mondial.

Oscarisés, icônes, légendes même, collectionneurs de petites statuettes, créateurs de tendance, génies à leurs heures perdues, poètes, chacun à leur manière, ils font tous du bien au cinéma mondial devant ou derrière la caméra ! Et chaque année, on les retrouve à Marrakech en chair et en os. Depuis ses débuts, le Festival international du film de Marrakech met à l’honneur le bon cinéma, le cinéma d’auteur en faisant voyager les cinéphiles et les curieux dans un ailleurs, voir d’autres cultures, pour en découvrir les spécificités. N’en déplaisent à certains, ce festival peut se féliciter de ne pas tomber dans le danger du mercantilisme ou des strass et paillettes puisqu’il garde la même fougue et la même passion pour le cinéma, à l’image des grands festivals. Il nous rappellerait presque celui de Berlin ou de Venise puisqu’il n’hésite pas à nous faire explorer les styles des génies du 7e art. Même si Marrakech devient bling-bling, son festival reste intouchable et nous le prouve cette année encore avec un président du jury que tous les festivals qui se respectent nous envient déjà : Béla Tarr.

Diversité
Monstre sacré de la réalisation et de l’image, le réalisateur hongrois s’apprête à porter un regard critique sur la sélection de cette année aux côtés d’un jury sophistiqué. «Un cast prestigieux s’inscrivant dans la continuité d’une ligne éditoriale qui fait la marque du festival de Marrakech, celle de se doter d’un jury représentatif de tout ce qui fait la force, le charme du cinéma, sa diversité artistique et géographique, brassant grâce, beauté et intelligence», précise le communiqué envoyé pour annoncer l’événement. Donner les rênes à Béla Tarr, c’est donner ce pouvoir à un visionnaire, à un cinéaste qui a su imposer son style en neuf longs-métrages et quatre courts-métrages ! Il a su donner un autre point de vue, a su créer une autre orientation à cette condition humaine qu’il aime tant décrire.

Ses films sont des expériences à vivre, plus que des images à regarder. Après son dernier opus : «Le cheval de Turin», il se consacre à l’enseignement et se retire de la réalisation comme s’il sentait qu’il avait accompli son devoir et qu’il était temps de passer à autre chose. Un choix judicieux de la part du festival qui propose de l’entourer de réalisateurs et d’acteurs pour le moins exceptionnels. Imaginez Béla Tarr en pourparlers avec un Lizandro Alonzo qui semble venir d’une autre planète avec des films comme «Los muertos» ou «Jauja», soit avec son univers décalé digne de westerns intemporels, à mi-chemin entre le minimalisme et le psychédélique, ou d’un illusionniste aux deux Palmes d’or comme Bille August, qui raconte le monde de l’enfance comme personne. Bruno Dumont, quant à lui, offrira ce regard assez rare dans le cinéma ; cette particularité qu’il a de mélanger les genres, switchant du tragi-comique avec aisance et grâce avec des films comme «Humanité», «Camille Claudel» ou encore son tout dernier «Ma loute». Du côté des comédiens, la liste est belle !

La Canadienne Suzanne Clément, boulimique de tournages et muse de Xavier Dolan, qui avec elle a tourné l’excellent «Mommy» et «Laurence Anyways», donnera du pétillement au jury aux côtés de sa consœur l’Italienne Jasmina Trinca, l’une des actrice les plus talentueuses de sa génération. La Franco-indienne Kalki Koechlin qui sait jongler entre productions bollywoodiennes avec l’un des plus grands succès de l’histoire du cinéma indien : «Yeh Jawaani Hai Deewani» avec plus de 18 millions d’entrées et un film de toute beauté de Claude Lellouch : «Un plus Une», sera aux côtés de la charismatique Raouia, grande dame de la scène et de l’écran ! Et pour apporter une touche hollywoodienne, rien de tel qu’un ovni australien qui ne passe pas inaperçu avec des rôles dans des superproductions telles que «Public Enemies». Star de «Terminator : Genisys» d’Alan Taylor, «La planète des singes : L’affrontement» de Matt Reeves, «Zero Dark Thirty» de Kathryn Bigelow, et plus récemment «Everest» de Baltasar Kormäkur.

Des hommages émouvants
Célébrer le talent d’Abderaouf, coqueluche nationale qui aura fait rêver plusieurs générations, c’est célébrer le Maroc entier. Abderahim Tounsi, que tous les Marocains connaissent et admirent, se verra consacré pour une carrière hors norme. Clown sophistiqué, sot qu’on finit par aimer, acteur inné à l’humour décalé, le comédien marocain est un des premiers à démocratiser l’humour marocain, un mélange de burlesque, de construction de personnage et de one man show. Il est entré dans les foyers marocains dans les années 60 avec ce personnage qui allait le suivre à jamais. Considéré comme le meilleur humoriste marocain du XXIe siècle, il a su emmener son art au-delà des frontières, en devenant un des meilleurs ambassadeurs du royaume.

Dans un tout autre genre, mais toujours avec cette envie de mettre en avant les fiertés de plusieurs pays, Isabelle Adjani se verra consacrée pour l’ensemble d’une carrière remarquable. Avec sa beauté intemporelle, cette actrice viscérale qui semble laisser un bout d’âme dans chaque personnage qu’elle incarne a su s’imposer comme l’une des actrices les plus désirées du monde entier, représentant un véritable fantasme cinématographique pour les cinéastes. «Il faudrait la filmer tous les jours, même le dimanche», avait même confié François Truffaut. Collectionneuse de prix d’interprétation pour des rôles de femmes fortes, elle aura marqué le cinéma avec une Reine Margot qui lui colle à la peau.

Du côté du pays du soleil levant, c’est une véritable fierté nationale et un caméléon du cinéma qui se verra offrir un hommage ! Shinya Tsukamoto est scénariste, réalisateur, comédien, directeur de la photographie, cadreur, monteur, directeur artistique et producteur de génie ! Innovant, il a su faire apprécier au monde entier son univers radical mais pour le moins détonnant, avec des chefs-d’œuvre comme «Kotoko» qui resteront dans les annales du cinéma. Et comme pour laisser l’incroyable pour la fin, le festival offre cette année un hommage et une masterclass au grand Paul Verhoeven, parce qu’on ne peut pas se lasser de sa présence, de son savoir, de son génie ! Celui qui offre un cinéma culte a le pouvoir de faire ressortir le meilleur de Sharon Stone dans «Basic Instinct» ou le plus trash d’Isabelle Huppert dans «Elle». Il est aussi celui qui a signé des films entrés dans l’histoire comme «Robocop», «Starship Troopers» ou «Black Book» ! Quand au cinéma auquel l’on rendra hommage cette année, il s’agira du cinéma des grands : le cinéma russe. Karen Shakhnazarov, metteur en scène et président de Mosfilm, vient présenter les spécificités de son cinéma et se propose de faire un zoom sur quatre-vingts ans d’une cinématographie qui a alterné les genres. 30 films et une délégation de 30 invités issus du monde du cinéma russe feront le déplacement à Marrakech pour faire honneur au cinéma de Sergueï Eisenstein ou du grand Andreï Tarkovski !

Excellence académique
Pourquoi s’en priver ? Apprendre des meilleurs est devenu l’un des rendez-vous les plus attendus du festival. En plus d’un Paul Verhoeven en forme, les masterclass accueillent cette année le talentueux Paul Haggis, qui a cette jolie intelligence du cinéma faisant de lui un scénariste et un réalisateur hors pair. Le scénariste canadien aux deux Oscars a réussi à sublimer le chef-d’œuvre de Clint Eastwood : «Million dollar Baby» et se permet de brouiller les pistes en proposant un cinéma polyphonique à souhait, notamment avec «Collision» où il est à la réalisation. Dans une autre dimension, et dans un tout autre genre qui fera découvrir aux assoiffés de connaissances une écriture fidèle à l’âme d’une nation avec cette capacité de raconter les tourments de façon poétique. Pavel Lounguine représente le cinéma russe dans toute sa splendeur. Il remporte en 1990 le Prix de la mise en scène au Festival de Cannes pour «Taxi Blues», son premier film, qui s’interroge sur les affres post-communistes. Dès lors, il s’attache à décrire l’évolution de son pays, mettant en scène des satires sociales et politiques d’une société en gestation et en crise perpétuelle. Avec «Un nouveau Russe», il dénonce les nouvelles pratiques de la mafia russe contemporaine, tandis qu’avec «L’Île», présenté au Festival de Venise en 2006, il aborde le mysticisme orthodoxe et explore la notion de sainteté à travers une œuvre lyrique et majestueuse. En somme, cette 16e édition a beaucoup de style et de classe. Elle fait voyager, comme chaque année, à travers les genres, les styles et les spécificités du cinéma du monde. Elle nourrit la passion du cinéma des cinéphiles, elle fait naître le virus du 7e art chez les plus curieux. Quand à ceux qui rêvent de strass, paillettes, superficialité et mercantilisme, toujours à l’affût de «Stars people», il ne faut pas vous y tromper. Arrêtez votre cinéma et laissons faire le cinéma! Bon festival.



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