Les Cahiers des ÉCO

Jazzablanca 2016 : Une rockstar chez les gitans !

Enfant de Sarajevo, il a en lui les séquelles de la guerre qu’il a su maîtriser grâce à la musique. Une énergie débordante, une humilité presque exagérée et un talent fou, Goran Bregovic transforme l’hippodrome de Casablanca en fête du village sophistiquée, en dancefloor «made in gypsy». Coulisses d’une rockstar chez les Balkans….

Ses entrées en scène ne sont jamais anodines, jamais pareilles. Il a ce côté fou et libre qui le poussera à commencer le concert dans les gradins, avec le public. Dans les concerts de Goran Bregovic, le public n’est jamais vraiment que spectateur ou auditeur, il est acteur d’une folie gitane. Mercredi 20 avril, l’hippodrome d’Anfa en a fait les frais. Le musicien issu de l’ex-Yougoslavie a su ramener avec lui sa musique, celle des gitans, et l’a offerte au monde sur un plateau d’argent.

Destin de star…
Goran Bregovic est fils de militaire. Il était destiné à avoir une carrière toute tracée quand il la passion de la musique le rattrape. «Quand j’ai ramené mon premier cachet à la maison, mon père m’a dit qu’il espérait que je ne vivrai pas de ce métier de gitan. Aujourd’hui, je vis cette vie qui est considérée comme une vie de gitan. J’ai donc toujours été un gitan» s’amuse le musicien qui crée Bijelo dugme (le Bouton blanc) à tout juste 16 ans, et qui connaît un succès phénoménal dans son pays à tout juste 22! Après avoir longtemps brillé dans une musique moderne, le rock, il se tourne vers la musique tzigane, la musique des Balkans qu’il sublime avec des rythmes rock, reggae, jazz, musiques du monde… «Tous les musiciens utilisent un langage plus fort que celui des mots.

La musique parle d’elle-même et puise dans les traditions de chacun, forcément. Stravinsky, Rachmaninov, toute cette musique sort d’une tradition. On peut écrire dans les langues étrangères mais la musique est étroitement liée à la tradition de chacun. Mon changement s’est opéré naturellement. C’est comme changer de vêtement», déclare celui qui a séduit le grand réalisateur Emir Kusturica, qui lui confie la musique de ses film. «Comme je ne suis pas un vrai compositeur de films, pour moi c’est facile. Je ne sais pas si vous vous souvenez d’un film, Andreï Roublev, réalisé par Andreï Tarkovski. Au début du film, le barbare détruit tout dans le film et l’Eglise. Le barbare tue l’unique fondeur de cloches de l’église.

Le tsar demande au fils du défunt si son père lui a confié ce secret. Le petit enfant dit oui, même s’il ne savait pas du tout. C’est la même chose pour moi. Je ne suis pas compositeur de films. J’ai fait le Temps des gitans par amitié, s’en ont suivis deux autres films. Je ne crois pas beaucoup dans l’illustration de films, c’est pour cela que je ne suis plus dans l’industrie du film. Ma musique est trop mélodique». Avec humilité, il s’excuse presque d’être là. Virtuose et artiste de talent, Goran Bregovic a su donner une direction à la musique de l’Est et apporter des messages de paix à travers cette musique.

Chef d’orchestre sur scène
Avec son costume blanc qu’il se permet de porter sur scène parce que c’est impossible dans la vie de tous les jours, il est ce chef d’orchestre qui entend tout, voit tout, supervise tout, tout en laissant les musiciens s’exprimer librement et en profitant de chaque seconde sur scène. Pour lui, l’imperfection est primordiale. «Les cuivres gitans étaient comme le Punk au début, ils ne portent pas seulement la musique, ils portent la folie. La musique n’est pas tout; on a besoin de folie, pas seulement de musique. Le cuivre gitan est pour moi un instrument punk ! Une musique jouée par les amateurs. Les instruments n’étaient jamais vraiment accordés, c’était fou! Cette musique a apporté une véritable folie. Le Punk est mort avec «God save the queen», premier titre produit par un véritable producteur. Les cuivres gitans étaient joués par des gens sans formation aucune, il y a toujours une part d’improvisation et d’instruments mal accordés qui rend, à mon sens, la musique plus folle et plus humaine», révèle celui qui puise dans le vrai et dans la magie.

Cette envie et cette force proviennent sûrement d’une vie de nomade, d’exilé inhérente à la guerre. «Une grande partie de l’histoire de l’art appartient aux artistes exilés. Cela n’est pas un hasard, spécialement si vous êtes d’une petite culture comme la mienne. De cette distance opérée, vous pouvez voir les choses. J’ai eu la chance d’être exilé à Paris au début de la guerre de Sarajevo en 1991 parce que Paris a cette réputation d’accueillir des exilés, des artistes russes, scandinaves, peintres espagnols, politiciens africains. C’était pour moi une chance de recommencer une deuxième fois et, sans cet exil, cela n’aurait pas pu être possible». Une carrière riche et belle, qu’il sublime sur scène chaque seconde.

Il sillonne le monde et revient au Maroc, un pays qui le séduit à chaque fois par sa richesse musicale. Sur la scène du Jazzablanca, il a tout donné, comme si c’était la première fois. «Quand je joue, c’est toujours différent. Même si on se dit qu’on va jouer ce morceau et pas celui-là, que la liste est déjà faite, ce n’est jamais pareil. C’est comme la vie. Si vous ne vous dites pas que cette journée sera différente, qu’un miracle se produira peut-être, vous restez au lit. J’aime jouer dans des endroits où la musique est importante, comme ici, comme l’Amérique du Sud». Et comme la musique est, pour lui, primordiale, il ne regrette pas une seconde la vie qu’il a vécue parce qu’il l’a vécue à 100 à l’heure. «Je devais avoir une vie toute tracée, de professeur de philosophie marxiste.

Je me suis dérobé à ce destin et suis devenu une star en quatrième année d’université. Chaque jour, je remercie Dieu d’être payé pour ce que j’aurais fait gracieusement. Alors non, je ne changerai rien». Il ne change rien, il développe et crée, encore et toujours. Celui qui est connu pour ses collaborations avec de nombreux artistes enregistre un nouvel album où il collabore avec Rachid Taha…Affaire à suivre ! 


whatsapp Recevez les actualités économiques récentes sur votre WhatsApp

Évolution des prix des fruits et légumes à Casablanca



Rejoignez LesEco.ma et recevez nos newsletters



Bouton retour en haut de la page