Les Cahiers des ÉCO

Jazz sous l’arganier : Essaouira jazze sur des rythmes africains

On l’a rêvé, Essaouira l’a fait. Encore une fois. La ville mélomane s’était promis, l’année dernière, de devenir une terre d’accueil de la musique jazz. Elle persiste et signe avec une deuxième édition du Festival Jazz sous l’arganier du 27 au 29 décembre. Une édition aux couleurs de l’Afrique. 

Après avoir rendu hommage au jazz marocain lors de sa première édition l’année dernière, le festival Jazz sous l’Arganier se permet d’ouvrir ses portes à toute l’Afrique. Du 27 au 29 décembre, des musiciens du Maroc, du Burkina Faso, du Mali, du Bénin, de Côte d’Ivoire, de Cuba, de France et de Belgique ont fait le déplacement, pour trois jours de concerts à Dar Souiri sous le regard bienveillant de l’Association Essaouira Mogador et du directeur artistique du festival, Majid Bekkas.

Dans la continuité de l’excellence…
Essaouira ne fait jamais les choses à moitié. Les moments de musique sont toujours empreints de sincérité, les musiciens sont les meilleurs de leur génération et les formations sont toujours surprenantes. La deuxième édition du Jazz sous l’arganier n’a pas failli à la règle. En se concentrant sur le jazz marocain avec des talents comme Othmane Khaloufi, Mahmoud Chouki ou les frères Souissi l’année dernière, le festival voulait prouver que le jazz pouvait être marocain. Cette année, en élargissant le champ d’action du festival, Jazz sous l’arganier met en lumière le talent marocain. «Le festival grandit petit à petit, il est dans une belle continuité. On sait que l’année dernière, la priorité était au jazz marocain, aux musiciens marocains. On voulait encourager le jazz au Maroc.

Cette année, nous avons pensé à une thématique à chacun des trois soirs. Le premier soir tournait autour du jazz oriental et afro-cubain, le deuxième est un hommage au jazz marocain et le dernier soir, c’est l’Afrique dans toute sa diversité», confie Majid Bekkas, directeur artistique du festival depuis sa première édition. Qui de mieux qu’un musicien aussi talentueux et imprégné de la magie du jazz pour tirer les rênes artistiques de l’événement? Un artiste qui a su faire voyager les musiques traditionnelles à travers le jazz, sa musique de prédilection et qui a su être un véritable ambassadeur pour le Maroc.

C’est dans cet esprit que Majid Bekkas a choisi ses artistes. Il les voulaient géniaux, représentatifs du Maroc et de l’Afrique, dignes jazzmen ayant su créer quelque chose de nouveau via le Jazz. C’est de la sorte que l’ouverture s’est faite en douceur, pleine d’ondes spirituelles venues tout droit d’Orient grâce au jazz oriental de Driss El Maloumi. Titulaire d’une licence en littérature arabe doublée d’une solide formation musicale classique à la fois orientale et occidentale, Driss El Maloumi écume les prix et les récompenses du Conservatoire à l’Unesco et devient Chevalier de l’Ordre des arts et des lettres du ministère de la Culture française en 2016. Avec son instrument de prédilection, l’oud, il explore les genres: des musiques anciennes, mais aussi le jazz pour créer un son coloré, qu’il puise dans la profondeur de l’âme soufie et de la musique orientale, tout en laissant s’exprimer sa culture amazighe. Un véritable tourbillon musical débordant d’humanité, un voyage initiatique qui éveille les sens qu’a su proposer ce poète du «oud». S’en est suivi un tourbillon latin, magie de la Havane, avec un groupe maroco-cubain, l’Alfredo Reyes Quartet! Il est formé par le Cubain Alfredo Reyes, pianiste qui a fait ses classes au prestigieux Conservatoire de la Havane et du Marocain M’hamed El Menjra, qui a étudié le jazz aux États-Unis avant de s’installer à Casablanca il y a à peine 4 ans pour y ouvrir une école.

Avec Othman Rouissi et Rangel Garcia aux percussions, le quartet a revisité le répertoire cubain traditionnel tout en explorant la Timba et le Latin Jazz. Après ce soir d’ouverture habité par les belles ondes, le mercredi soir s’apprêtait à être 100% marocain. Le trio «B’ldi Jazz Trio» formé par le piano de Nor Eddine Bahha, auteur et chercheur en musicologie, le bassiste Hamza Souissi et le batteur Xavier Sarazin, remplacé ce soir-là par le percussionniste Abdelfettah El Housseini, qu’on ne présente plus, le trio propose de créer des standards de jazz 100% marocains en reprenant des chansons populaires marocaines version jazzy, avant de laisser place au Jazz surprenant du trompettiste Abdelali Lmaalem et de son ensemble, créateurs de mélodies surprenantes et envoûtantes ayant rapporté des airs d’Amérique, des standards d’antan, entre la Nouvelle-Orléans et le vieux New York.  

Quelle place pour le jazz au Maroc ?
Essaouira, en terre d’accueil de toutes les musiques, prouve que le jazz a bien sa place au Maroc. Elle l’a déjà prouvé avec les grands jazzmen qui se déplacent chaque année au Festival Gnaoua pour des fusions avec les musiques traditionnelles marocaines, et tente encore une fois d’exprimer une vérité qui n’est pas toujours assumée: Jazz is not dead! «Le jazz évolue petit à petit, comme il peut. Il y avait 3 festivals dédiés au jazz au Maroc, aujourd’hui il y en a 4, ce qui n’est pas mal! J’espère voir un festival de jazz dans chaque ville, c’est uniquement de cette façon que les musiciens marocains pourront évoluer et continuer à jouer ce genre de musiques. Avoir la motivation de commencer pour certains, de continuer pour d’autres, même si on sait qu’il n’y a pas d’école de Jazz ou de conservatoire de Jazz au Maroc», confie le directeur artistique du festival et fervent défenseur du jazz marocain dans le monde, Majid Bekkas. «Il faut une volonté étatique. Le ministère de la Culture fait beaucoup de choses certes, mais on a tendance à penser que le jazz est une musique étrangère, lointaine. La priorité est donnée aux musiques traditionnelles et à la formation classique, ce qui est une bonne chose en soi. Mais le jazz permet aussi à notre musique de se développer et d’évoluer. 

À travers le jazz, on peut faire évoluer notre musique traditionnelle!», continue le musicien qui ramène un nouveau projet à Mogador et se propose de clore le festival en beauté. Avec le «Back to the Roots Project», Majid Bekkas s’allie au percussionniste Aly Keita avec qui il joue depuis 25 ans, ainsi qu’au Français Manuel Hermia afin d’explorer le Jazz africain. «À mon avis, ce qui manquait à Essaouira, c’était le jazz. C’et une ville qui est connue pour son attachement à la culture, une ville qui organise beaucoup d’événements culturels, qui a su accueillir tous les genres de musiques. Seul le jazz manquait. On a commencé l’année dernière et il y a une réelle envie de continuer. C’est un festival qui va grandir, la ville est prête pour cela. Le public est magnifique, toujours à l’écoute. Il y a une demande, tous les ingrédients sont là. Cela ne peut que réussir». Une sorte de retour aux sources pour la ville de toutes les inspirations, au carrefour de l’Afrique, berceau de l’humanité, là où tout a commencé, là où la musique est née et, surtout, là où le jazz a poussé ses premiers cris… Il fallait rendre à Essaouira ce qui a toujours appartenu à Essaouira: cette capacité à fédérer les musiques du monde. 



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