Fanny Ardant : Une Française au cœur russe
Diva de l’écran, actrice fêtiche de Truffaut, actrice presque innée aux nombreux rôles à la fois au cinéma, au théâtre ou à la télévision, Fanny Ardant remet le prix hommage au cinéma russe au grand Karen Chakhnazarov ce mercredi 6 décembre au Festival international du film de Marrakech. L’occasion pour elle de déclarer son amour pour la Russie et le cinéma russe, haut et fort, au monde entier. Moment de douceur avec l’actrice française au coeur russe.
Elle a un pouvoir, une sorte de champ magnétique qui ne fait qu’on ne peut regarder qu’elle. Voix apaisante, toujours les bons mots, elle déborde de passion et d’humanité. Et pour cause, elle parle d’un cinéma qui la touche, d’un pays qui lui parle. «Le cinéma russe fait partie de cette admiration que j’ai pour la culture russe en générale. Ça a commencé très tôt avec la littérature, la poésie, son histoire, les poètes dissidents, les grands comme Tarkovski. Tout ce qui m’a rapporté une émotion que je ne trouvais nul part ailleurs. C’est toujours irrationnel pourquoi on aime un pas ou une culture qui n’est pas la vôtre», confie l’actrice française qui a marqué avec de grands rôles, de grands films comme «La Femme d’à côté», «Vivement dimanche !» ou encore «Pédale douce».Tout le monde rêvait d’aller en Amérique et moi je rêvais d’aller en Russie. C’est irrationnel. Quand j’ai commencé à travailler avec les Russes, à aller en Russie, c’est comme si je me retrouvais là-bas à la maison.
Les Russes riaient de moi, c’est comme un Japonais ne connaissant des Français que Madame Bovari», s’amuse la comédienne qui avoue ne pas tout connaître du cinéma russe, tant il est large et ancien, puisqu’il remonte aux frères Lumières. «En fêtant le cinéma russe, je fête la Russie. Les Russes ont toujours été de grands novateurs». Réalisatrice, elle a dédié son troisième film à son pays de cœur, puisqu’elle décide d’adapter à l’écran. «Le divan de Staline» de Jean-Daniel Baltassat. Un rôle que lui a inspiré Gérard Depardieu. «Je voulais écrire un film où je demandais à Gérard de jouer un rôle, lui donner un rôle à sa mesure. J’ai lu ce livre de Jean-Daniel Baltassat et je me suis dit : Staline, un monstre qui fait partie de la mémoire collective, discutable, discuté». Elle a rêvé de cette époque qu’elle connaît bien mais elle se plonge dans les livres pour en apprendre plus, pour tout savoir. «Quand on a un rêve, qu’on veut le voir se réaliser, il faut plonger dans les livres. Je me suis intéressée à toute l’histoire de Staline. Je connaissais bien cette période mais du côté des poètes dissidents. C’est bien, au détour d’un rêve, d’apprendre des choses concrètes». Humble, elle avoue qu’elle n’a pas la prétention de diriger un aussi grand acteur que Depardieu. Elle n’en a pas besoin, ils se comprennent sans même trop se parler. «Je pense que Gérard est un grand acteur. Quand je lui dis : «Je crois qu’on va la refaire», il sait pourquoi. Il ne faut pas être servile. Gérard attend d’être regardé et observé. Je n’ai pas la prétention de savoir diriger ce grand acteur. J’avais une idée des choses. Je lui disais que la réalité historique ne m’intéressait pas. Je voulais qu’il incarne l’archétype qu’était Staline. Staline parlait toujours avec une voix douce, il avait toujours ce sourire à demi-bouche, comme les reptiles. Avoir joué, ça m’a servi». Fanny Ardant puise dans son expérience pour avancer dans son tournage. Quand elle jouait la Callas, un rôle qui lui a collé à la peau, on lui demandait de faire un chant d’amour à la Callas : «N’essayez pas d’être elle. Ce n’est pas un documentaire. Si on veut voir la Callas il y a plein de documentaires. Si on veut voir Staline, il y a plein de documentaires.
Le cinéma est un autre prisme, on a envie de faire dire quelque chose», continue l’actrice qui dirige les acteurs aujourd’hui. Un exercice qui n’est pas facile mais qu’elle fait avec conviction et avec grâce puisqu’elle aime les acteurs. Pour elle, il n’y a pas de bon ou de mauvais acteur, il n’y a que ce qu’il fait raisonner en nous. «Non, ce n’est pas plus facile de diriger un acteur quand on est actrice parce qu’on est tous très différents, on porte des univers différents en nous. Un acteur s’avance masqué, avec ce qu’il est, bien qu’il joue les phrases de Shakespeare ou Molière. Même si un acteur était timide et qu’il parlait faux, mais que si vous le regardez et que vous le filmez comme ça, et que vous voyez toute son âme dans les yeux et l’intégrité de son âme, c’est gagné».