Défaillances d’entreprises : La tendance à la hausse
À fin novembre, la tendance aux défaillances des entreprises pour l’année 2016 se dessine pour fixer le nombre d’entreprises défaillantes à 6.300, soit un taux de croissance annuel de 9%. Ces statistiques fournies par Inforisk tirent une nouvelle fois la sonnette d’alarme sur le niveau de mortalité des entreprises au Maroc. Le commerce, le BTP et l’immobilier restent les grands corps malades de l’économie nationale.
Plus de 6.300 entreprises défaillantes en 2016 et un taux de croissance annuel de 9%, les projections d’Inforisk pourraient être sans appel. Si elles sont légèrement plus optimistes que celles présentées au 1er trimestre 2016 par la Coface, qui rappelons-le, s’attendait à quelque 6.800 défaillances d’entreprises marocaines en 2016, il n’en demeure pas moins que ces chiffres tirent la sonnette d’alarme sur le niveau de mortalité des entreprises au niveau national. Ainsi, les projections d’Inforisk à fin 2016 rejoignent davantage les estimations d’Euler Hermès puisque l’assureur d’assurance-crédit s’attendait, au terme de cette année, à une augmentation des défaillances d’entreprises de l’ordre de 10% en glissement annuel au moment même où la Coface, elle, prévoyait une progression de 15%. Le nombre de défaillances s’établirait donc à 6.300 en 2016 selon les dernières données d’Inforisk et l’analyse réalisée à fin octobre. Dans ce contexte, trois principaux secteurs seraient, selon les experts Inforisk, les plus touchés par les défaillances, à savoir le commerce, le BTP et l’immobilier. Délais de paiement, croissance atone, difficulté d’accès aux crédits…Une question se pose naturellement: quels sont réellement les maux qui poussent aujourd’hui les entreprises à mettre la clé sous la porte ?
Les causes de la déconfiture
Les délais de paiement continuent en effet de trôner à la tête des principales problématiques qui aujourd’hui sont à l’origine des défaillances des entreprises. Certains délais clients dépassent en effet aujourd’hui les 120 jours et pour les experts, la seule solution qui s’offre aux entreprises est de «faire preuve d’anticipation et de bien considérer l’environnement des affaires pour prévenir des incidents de paiements». Selon les dernières études menées ces deux dernières années, notamment par la Coface, de nombreuses entreprises continuent de subir de la part de leurs clients des pressions commerciales sur les délais de paiement. Les dernières données disponibles à fin 2015 indiquent que 42% des entreprises ont appliqué des délais de paiement contractuels supérieurs à 90 jours contre 25% au premier semestre 2015. 2016 devrait, selon Inforisk, s’inscrire dans la même lignée, ce qui aurait principalement pour effet la réduction du nombre de jours de retards de paiement et surtout de la trésorerie des entreprises, aggravant par là les défaillances d’entreprises.
Un mot d’ordre : anticipation
Si le constat de défaillance est aujourd’hui alarmant, certaines bonnes pratiques de gestion au niveau des entreprises pourraient leur permettre d’éviter le pire. La conjoncture étant ce qu’elle est, les entreprises pourraient ainsi «faire preuve de vigilance quant aux délais de recouvrement imposés par leurs clients et veiller soigneusement à ce que ces derniers n’impactent pas dangereusement leur trésorerie», explique un expert-comptable. Il n’y aurait donc pas de solution miracle, si ce n’est de «planifier ses besoins de financement». Il s’agit par là d’élaborer un plan de financement et de mettre en place une gestion prévisionnelle de la trésorerie, ceci pour faire en sorte que la structure de financement soit adaptée à chaque besoin long ou court-termiste.
Cette démarche pourrait également palier à un autre mal qui ronge aujourd’hui les entreprises marocaines, à savoir la difficulté croissante à obtenir des crédits sans oublier la conjoncture défavorable qui continue de menacer la survie des entreprises, déjà très mal en point. Ceci en attendant des jours meilleurs et surtout de ressentir les effets de la nouvelle mouture de la loi des Finances au sujet des délais de paiement qui ne pourraient bien se faire sentir qu’au courant du deuxième semestre 2017. Une année qui d’ailleurs selon les experts d’Inforisk sera «au mieux une année de stabilisation du volume des défaillances d’entreprises».
Amine Diouri
Responsable Etudes & Communication chez Inforisk
«En 2017, la situation devrait s’améliorer»
Les Inspirations ÉCO : Quel est le bilan des défaillances des entreprises en 2016 ?
Amine Diouri : À fin octobre 2016, le nombre de défaillances d’entreprise (personnes morales) s’établit à 5.000 sociétés, soit une croissance de 8%, par rapport à la même période 2015, ce qui est conforme à nos projections faites en début d’année. Compte tenu du poids important du 4e trimestre en matière de défaillance d’entreprise, on peut s’attendre à un volume global de 6.300 entreprises défaillantes en 2016 avec un taux de croissance annuel de 9%.
Quels sont les principaux secteurs touchés ?
Traditionnellement, trois gros secteurs sont touchés par les défaillances d’entreprises et représentent 73% des défaillances totales : le commerce, le BTP et l’immobilier.
Quelle catégorie d’entreprises est la plus touchée ?
La TPE est bien évidemment la catégorie d’entreprises qui souffre le plus : délais de paiement dépassant les 9 mois et son corollaire les difficultés de trésorerie, baisse du chiffre d’affaires, dégradation nette de leurs marges. Tout cela explique que les TPE représentent 90% des entreprises défaillantes.
À quels facteurs les défaillances d’entreprises sont-elles essentiellement dues ?
La conjoncture macroéconomique au Maroc est actuellement mauvaise (à peine 1,5% de croissance du PIB en 2016). Par ailleurs, les délais de paiement se sont encore allongés et ce, malgré la nouvelle mouture de la loi sur ce sujet. Compte tenu de son entrée en application, il faudra attendre fin 2017 au mieux pour commencer à voir les premiers effets. L’allongement des délais est le facteur principal de défaillances de nos entreprises car il a considérablement resserré leur trésorerie jusqu’à l’asphyxie totale.
Quelles sont les perspectives pour 2017 ?
À mon sens, 2017 sera au mieux une année de stabilisation du volume de défaillances d’entreprises. Plusieurs explications à cela. Premièrement, une étude menée par Inforisk démontrait que pour inverser durablement le nombre de défaillances, il fallait dépasser le taux de croissance naturel du PIB marocain à savoir 5%. Les dernières prévisions (si elles ne sont pas contrecarrées par la sécheresse) tournent autour de 3,5% en rythme annuel, ce qui sera insuffisant. Par ailleurs, les effets bénéfiques de la nouvelle mouture (et si elle est correctement appliquée par les entreprises) ne se feront sentir au mieux qu’au courant du 2e semestre 2017.