Les Cahiers des ÉCO

COP22 : La société civile du continent se mobilise

La zone verte est une véritable ruche bourdonnante. Elle accueille, outre le secteur privé et les institutions nationales, la société civile, qui fait la promotion de plusieurs actions en matière de lutte contre les changements climatiques. C’est le cas du projet : «Initiatives climat, Afrique francophone», qui est financé par la coopération suisse.

La société civile africaine se mobilise dans le combat planétaire contre les changements climatiques. En Afrique, elle est très active sauf que sa voix n’est pas très audible. Pour faire connaître les actions portées par les associations et les collectivités territoriales en Afrique, un projet intitulé : «Initiatives climat, Afrique francophone» a vu le jour. L’idée portée par deux experts dans le développement durable,  Meriem Houzir et Benoît Théau, a été soutenue par plusieurs partenaires dont la coopération suisse qui finance ledit projet d’un budget total de 300.000 euros à hauteur de 50% ainsi que l’Organisation internationale de la francophonie. Le projet est composé de plusieurs volets. Il s’agit, en premier lieu, d’un recueil d’initiatives positives en matière de lutte contre les changements climatiques. Tous les secteurs sont concernés : les énergies alternatives, l’agriculture durable, la foresterie, la gestion durable des terres, les océans, le littoral, la transformation des produits halieutiques…

100 initiatives
Un appel à projets a été lancé dans l’ensemble des pays francophones du continent en s’appuyant sur les différents réseaux des partenaires de la coopération internationale qui accompagnent les acteurs locaux dans la lutte contre les changements climatiques. Un site internet a été mis en place (www.initiativesclimat.org).  Jusque-là, quelque 100 initiatives africaines de 19 pays ont été recensées, lesquelles sont portées par trois types d’acteurs : les collectivités territoriales, les jeunes et femmes entrepreneurs verts et les acteurs de la société civile. Pour valoriser ces initiatives, un jury international a sélectionné trente nominés de différents pays et 10 lauréats qui recevront des trophées.

Réseau africain
Le projet a porté aussi sur le renforcement des compétences en Afrique. En effet, les acteurs territoriaux œuvrent sur le terrain mais ne parviennent pas souvent à la valorisation de leurs projets en les inscrivant dans le cadre des engagements nationaux et internationaux. Ainsi, les participants ont été accompagnés dans la formulation de leurs projets avant leur publication en ligne. En vue d’approfondir le contenu des réalisations mises en œuvre, des reportages vidéo ont été réalisés sur les actions les plus exemplaires dans différents pays comme le Cameroun, la Guinée, Madagascar, le Maroc et la Tunisie. Pour couronner le processus, la participation des porteurs de projets dans la COP22 s’avérait nécessaire pour pouvoir faire entendre leur voix dans le sommet planétaire climatique. Une quarantaine d’Africains ont fait le déplacement dans la cité ocre pour créer un réseau tourné vers l’action en matière de lutte contre les changements climatiques. 


Renforcer les échanges
Le projet se déroule dans un espace géographique spécifique : l’Afrique francophone. Il vise à contribuer, de façon positive, à la prise de conscience sur les enjeux des changements climatiques et leurs impacts sur le développement humain. L’objectif est de renforcer les échanges entre les différents acteurs du territoire. Concrètement, l’idée est de faire connaître des projets en matière de changement climatique en vue de leur transfert dans d’autres pays. Il est aussi question de valoriser les actions les plus exemplaires en relation avec le climat et de favoriser une meilleure connaissance des porteurs de projets entre eux. Des rencontres sont tenues à Marrakech par les initiateurs des initiatives climat en vue de favoriser l’échange entre acteurs de la coopération internationale, les opérateurs et les acteurs du terrain. De cette manière, les projets peuvent être dupliqués dans beaucoup de pays.


Meriem Houzir : Consultante en développement durable et coopération internationale

«Les pays du Sud doivent développer des projets»

Les pays du continent sont appelés à renforcer leurs compétences en matière de développement de projets verts. C’est ce que  souligne  Meriem Houzir, consultante en développement durable et coopération internationale, qui est l’initiatrice du projet «Initiatives climat, Afrique francophone».

Les Inspirations ÉCO : Quelles sont les raisons du lancement du projet «Initiatives climat, Afrique francophone» dédié à l’Afrique francophone ?
Meriem Houzir  : Les conférences internationales sur le climat sont axées sur les négociations et l’engagement de la communauté internationale pour la mise en œuvre de mesures d’actions pour lutter contre les changements climatiques. Parallèlement aux négociations portées par les chefs d’États et les officiels, un rôle important est déjà porté par d’autres acteurs qui ne font pas, certes, partie des négociations mais qui mettent en œuvre les actions décidées par les négociations. En suivant les conférences sur le climat, on s’est rendu compte que beaucoup d’initiatives sont portées par les acteurs de la société civile, de jeunes entrepreneurs et des collectivités territoriales, notamment dans les pays du Sud alors que personne n’en parle. Au lieu de verser dans la logique catastrophique, nous sommes plutôt dans une attitude positive vu que beaucoup d’actions sont initiées et qu’il faut juste les recenser, les valoriser, les faire connaître et les partager au niveau international. L’objectif est de faire remonter ces réponses aux décideurs politiques et aux négociateurs au niveau international. C’est de cette manière qu’est né le projet «Initiatives climat, Afrique francophone». Il faut dire que dans les conférences internationales, les acteurs des pays du Nord sont fortement représentés alors que la représentativité des pays du Sud, notamment l’Afrique, est faible en matière de diplomatie parallèle en raison de la faiblesse des moyens ainsi que la barrière de la langue pour les pays francophones.

En tant qu’experte, quelles sont vos attentes vis-à-vis de la COP22 ?
Je pense que l’on arrivera à Marrakech à concrétiser quelques mécanismes de mise en œuvre de l’Accord de Paris. Deux questions s’avèrent de la plus haute importance. La première est celle des financements. Il faut tracer une feuille de route de mobilisation de la communauté internationale pour débloquer les financements et mettre en place des outils pour que les acteurs qui sont sur le terrain puissent en bénéficier. De bonnes intentions sont émises, mais c’est le processus de concrétisation qui est déterminant. Même si je suis optimiste, je reste sceptique. Tout dépend des négociateurs des pays du Sud qui sont appelés à s’imposer et essayer de débloquer de véritables mécanismes accessibles à tous. Par ailleurs, la question de l’atténuation est très importante. Les pays du Sud sont les principales victimes des émissions de gaz à effet de serre sans en être responsables. Les attentes portent sur la valorisation de l’axe «adaptation» dans les financements pour renforcer les capacités des pays à faire face aux changements climatiques. Or l’adaptation n’est pas une priorité pour les pays du Nord.

Quelles sont, selon vous, les contraintes à dépasser et les secteurs prioritaires ?
Trois secteurs sont prioritaires. Il s’agit en premier lieu de la question de l’accès à l’énergie notamment en Afrique. L’enjeu est de taille. Les énergies renouvelables sont une vraie réponse pour améliorer l’accès à l’énergie et par conséquent promouvoir le développement sans impacter l’environnement. L’accès aux énergies vertes nécessite de grands investissements pour rattraper le retard accusé depuis des années. L’agriculture est aussi un secteur prioritaire. Le premier enjeu en Afrique a trait à la sécurité alimentaire, d’autant plus que le secteur dans la plupart des pays s’appuie sur la pluie. Il faut mettre en place des systèmes d’irrigation intelligente à travers notamment le goutte-à-goutte. Un intérêt particulier doit aussi être accordé aux forêts pour lutter contre la désertification et améliorer la qualité de vie en replantant les terrains arides.

Le financement ne peut pas à lui seul résoudre la problématique dans les pays en voie de développement…
Pour atteindre les objectifs escomptés, il faut une réelle volonté politique portée au plus haut sommet des pays. Si tous les décideurs politiques érigent les changements climatiques en priorité tout en étant convaincus qu’il s’agit d’une réponse à la lutte contre la pauvreté et au développement, on dépasserait la question des financements. Il faut que les pays du Sud apprennent à développer des projets et à créer des sources de financements par eux-mêmes. Cela suppose une prise de conscience, une sensibilisation et un portage politique ainsi que la mobilisation des moyens et le renforcement des capacités humaines.  

Vous portez un intérêt particulier à la jeunesse. Comment inclure les jeunes dans les changements climatiques ?
Toutes les décisions politiques d’aujourd’hui auront un effet sur les jeunes qui ont un rôle très important en termes de plaidoyer et d’actions. C’est aux jeunes d’interpeller les décideurs et les négociateurs sur l’urgence de la lutte contre les changements climatiques et d’apporter des solutions efficaces en matière d’innovation et de créativité pour relever les enjeux.   



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