Andalousies Atlantiques 2016 : «Accords de paix» à Essaouira !
La treizième édition du Festival des Andalousies Atlantiques n’a pas failli à ses habitudes puisqu’encore une fois la musique a fédéré à Essaouira. Coulisses d’un festival humain avant tout qui a su apaiser les moeurs du 27 au 30 octobre.
Des voix qui racontent des histoires, des instruments qui jouent la joie, la mélancolie, l’amour, des formations qui n’hésitent pas à surmonter tous les obstacles pour laisser la musique s’exprimer, des concerts intimistes à Dar Souiri, des moments uniques presque volés et des spectacles incroyables sur la Place Menzeh. Voilà tout le programme qu’a concocté la treizième édition des Andalousies Atlantiques du 27 au 30 octobre, laquelle a offert des journées bien remplies entre discussions du matin, concerts intimistes de l’après-midi et les spectacles du soir !
Maître et élève
La relation maître et élève a été célébrée à Essaouira. La joie et la fierté de transmettre à cette génération qui reprend dignement le flambeau et qui le rend bien. «Édition audacieuse, peut-être iconoclaste diront certains, Essaouira, agora insatiable de toutes les musiques, a fait le choix cette année de placer son Festival des Andalousies Atlantiques sous le signe de la jeunesse et de la transmission», annonce d’emblée le conseiller du roi et président de l’Association Essaouira Mogador : André Azoulay. «En effet et pour la première fois dans le monde feutré de la musique andalouse, ce sont les «Jeunes grands maîtres» de cette école prestigieuse qui seront au cœur et sous les projecteurs de cette 13e édition qui ne ressemblera à aucune autre». Et pour ce faire, une centaine de musiciens partis de Tanger, Tétouan, Fès, Chefchaouen, Salé et Essaouira sont venus rappeler les vraies valeurs de la musique en faisant converger, encore et toujours, les cultures musulmanes et juives, leur héritage et leur passé commun. En ouverture du festival, la jeune et talentueuse Sanaa Marahati a su montrer la «voix» en reprenant le répertoire de Samy El Maghribi pour mieux le partager avec un public averti et évidemment conquis. Qu’il soit andalou, liturgique, gharnati, chaabi ou hawzi, la chanteuse a rappelé ô combien le patrimoine légué par Samy El Maghribi est grand, le tout sous le regard bienveillant de sa fille venue assister à l’hommage du père mais surtout du grand artiste. Un autre hommage tout aussi touchant s’est fait durant cette édition, sans prétention et avec toute la sincérité que l’on connaît à la démarche des Andalousies. Il s’agit de l’hommage «fraternel et complice» rendu par Rachid Ouchehad et son groupe souiri à Maurice El Medioni, formidable musicien, chanteur et compositeur, qui depuis Oran a écrit et interprété les plus belles pièces du patrimoine musical judéo-arabe du 20e siècle.
Seulement à Essaouira…
Des moments de musique qu’on ne vit nulle part ailleurs, c’est ce que promettent chaque année les rendez-vous culturels d’Essaouira et plus particulièrement les Andalousies. Dans une ambiance presque familiale, à Dar Souiri, ce vendredi après-midi, Raymonde El Bidaouia s’empare du micro et chante de tout son cœur pour son pays et la ville qui lui apporte tant : «Je continue à venir ici, même avec ma canne !», s’exclame-t-elle, émue par l’accueil chaleureux que lui réserve l’audience souirie. La chanteuse qui reprend les classiques du répertoire marocain et arabe s’amuse à s’approprier les paroles et ajouter sa touche. Avec beaucoup d’humour et de sensibilité, elle livrera un concert chaleureux et généreux ce soir là. Le lendemain, ce sera une autre voix qui marquera les esprits, celle de Fatima Zohra el Qortobi venue interpréter des chansons du patrimoine maghrébin avec le trio Oud Caravan. 3 luths, des percussions et une voix, cela a suffit pour mettre le public d’Essaouira dans la poche. Et puisque l’ambiance andalouse n’est pas complète sans une touche flamenca, a surgi la troupe Tolédo dirigée par la sublime Rosario Toledo…
Des mots qui comptent
Le festival n’est pas seulement synonyme de concerts et d’enchaînements de morceaux. Il s’agit surtout de moments de partage, de retrouvailles et de débats à cœurs ouverts. C’est pour cela que la tradition des matinées «Forum» est primordiale dans la programmation du festival. Un des thèmes discutés d’ailleurs est celui de «La culture au coeur de la résilience de la société marocaine : les choix et les espoirs d’Essaouira». Un débat qui a mis en exergue les choix clairs de la ville depuis le début : miser sur la culture afin de se développer. Un pari réussi puisqu’Essaouira est passée de quelques dizaines d’hôtels il y a 20 ans à plus de 300 aujourd’hui, faisant d’elle une ville dans le top 3 des plus célèbres villes du royaume. La ville a également créé un statut pour les musiciens gnaouas, considérés longtemps comme des saltimbanques ; Aujourd’hui, les maâlems font des tournées mondiales et les artistes du monde se les arrachent. La ville continue donc sur cette lancée et enrichit chaque année ses rendez-vous culturels et en crée de nouveaux comme le Jazz sous l’arganier, qui fêtera ses 2 ans en décembre. L’espoir d’Essaouira ? Probablement une école des arts pour que ses Souiris plein de talents ne fuient pas ailleurs pour réaliser leurs rêves. Puisque l’avenir est à Essaouira et nul part ailleurs. Et comme le dirait André Azoulay : «La ville a cette inépuisable capacité à dire non aux amnésiques et ouvrir grands ses bras à ceux chaque année plus nombreux qui disent oui à cette fête de la mémoire retrouvée et du bonheur d’être ensemble».