Les Cahiers des ÉCO

Administrateur indépendant : Tout comprendre pour sortir du flou

Poser les questions qui fâchent et apporter une nouvelle vision aux dirigeants d’entreprises, telle est la lourde tâche d’un administrateur indépendant (AI) au sein d’un Conseil d’administration. Si l’intérêt du recours à un AI est prouvé, les entreprises ont encore du mal à se familiariser avec le concept.

L’importance de la présence d’administrateurs indépendants (AI) au sein d’un Conseil d’administration n’est plus à démontrer; pourtant, les entreprises ne se bousculent pas au portillon. Si, au Maroc, la notion d’administrateur indépendant est incluse dans le Code de gouvernance des entreprises depuis 2008, force est de constater que peu de structures sont aujourd’hui sensibilisées aux rôles que peut jouer l’AI. C’est même un terme dont l’emploi est souvent galvaudé. Dans les grands groupes -et surtout les sociétés cotées- la pratique voudrait que certains d’entre eux aient déjà intégré le principe, alors que chez les PME, le recours à un administrateur indépendant est très rare. Le dirigeant peut être réticent à ouvrir son conseil pour diverses raisons tenant au coût du mandat, à son emploi du temps, à la susceptibilité du «patron» mais surtout à un sens aigu de la confidentialité. Ceci étant, le fait que ces entreprises soient aujourd’hui tournées vers l’international appelle à un alignement sur les bonnes pratiques de gouvernance au niveau mondial.

Aussi, pour une société qui débute, le recrutement d’un AI peut paraître inutile ou largement anticipé, mais ce n’est pourtant pas le cas. Ces entreprises doivent être capables de se développer rapidement pour s’assurer une activité durant les mois et les années suivant sa création. L’AI est donc parfaitement dans son rôle, consistant à accompagner les décisions du dirigeant et lui permettre de faire challenger et contrôler sa stratégie. «Les AI dans notre groupe sont au final acceptés comme membres à part entière de l’équipe sans que cela nuise à leur indépendance de jugement», souligne Janie Letrot, administratrice indépendante chez BMCI, lors de la rencontre organisée par nos confrères d’Économie-Entreprise. Avec tout les éléments exogènes et scandales financiers recensés, les dirigeants sont de plus en plus à la recherche d’administrateurs qui ne vont pas seulement s’asseoir à des Conseils d’administration pour percevoir leurs jetons de présence, mais qui vont apporter une véritable valeur ajoutée. L’enjeu est donc clair: démontrer et convaincre les actionnaires majoritaires des entreprises de la nécessité d’ouvrir leurs Conseils d’administration à des tiers.

Pour cela, il faudra également trouver des administrateurs indépendants qui soient «bons» et «expérimentés». Le pari est en fait de mobiliser les cadres marocains les plus compétents. Une perle rare donc qui, dans les moments clés de l’entreprise, exercera son mandat en alternant les fonctions d’auditeur et celles de stratège, pour assurer l’équilibre entre le pouvoir souverain des actionnaires propriétaires et le pouvoir exécutif des dirigeants (qui peuvent être les mêmes personnes).

À mi-chemin entre un coach et un consultant, l’AI développe une relation particulière avec le dirigeant tout en le contrôlant, le challengeant et le soutenant dans les moments difficiles. «Il sait se montrer exigeant le moment venu», précise Mohamed Horani, PDG de HPS. Le terme «indépendant» a toute son importance puisque l’AI est une personne extérieure à l’entreprise qui va pouvoir apporter un avis et, ainsi, s’exprimer de manière complètement libre, sans avoir peur de quelconques représailles. Curieux, interrogateur, l’AI saura, suivant ses années d’expérience dans le monde des affaires, épauler l’équipe dirigeante, mais aussi oser poser les questions difficiles. C’est souvent une puissance pour l’entreprise et cela aide à la croissance de l’entreprise. «L’AI n’a pas de dépendance, il ne représente aucun actionnaire. Il ne dépend ni économiquement ni relationnellement d’un membre du conseil ou du chef d’entreprise. Il a donc la particularité d’être neutre et est naturellement focalisé sur l’intérêt social de l’entreprise», martèle Ahmed Rahhou, président-directeur général de CIH Bank.

Ce banquier multitâches est également AI au sein d’Aluminium du Maroc, Mutandis, Royal Air Maroc ou encore de l’ANRT. La nationalité, le domaine d’activité, la personnalité et la façon de penser importent peu du moment que prévaut la compétence. Cela peut même être très pratique d’avoir autour de la table une personne experte en financement bancaire (ou d’autres formes de financement) en fiscalité, en droit ou d’autres domaines plus pointus et techniques. Pour la PME ou l’entreprise familiale, l’enjeu est d’autant plus important que l’entreprise qui prend des décisions stratégiques plus équilibrées gagne en crédibilité sur les marchés financiers et évite de ce fait les dysfonctionnements habituels. L’AI a tendance, dans ces cas-là, à professionnaliser les Conseil d’administration et pousse ses membres à traiter des sujets de fond (au-delà du contrôle des comptes et la conformité, l’élaboration, le choix puis le suivi des stratégies, la maîtrise des risques, la gestion du capital humain, la relation avec les parties prenantes…).

Au final, pour s’assurer l’implication de l’AI, mieux vaut cibler les besoins de l’entreprise en termes d’expertise et de conseil. L’AI doit donc se plonger dans les dossiers et non les survoler rapidement. Il est même conseillé qu’il participe au moins à un comité spécialisé. «Au vu de la masse de travail à faire au niveau du conseil et des comités spécialisés, nous sommes arrivés au point d’envisager des réunions supplémentaires aux 4 réunions annuelles», atteste Letrot. Aussi, il ne doit pas cumuler trop de mandats (pas plus de cinq) pour préserver sa disponibilité. La durée du mandat des membres du conseil n’excède généralement pas six ans.  


Abdou Diop
Associé gérant de Mazars

Le rôle de l’AI est de pouvoir apporter un éclairage à partir d’une expertise particulière d’un élément externe, qui n’est pas actionnaire. Qui, d’une part, n’a pas d’intérêt financier dans l’entreprise, et va donc défendre l’intérêt général. D’autre part, qui dispose d’une expertise en termes de vision stratégique pour pouvoir accompagner les décisions de l’entreprise par un apport technique à valeur ajoutée… Sa rémunération varie en fonction de la nature et des revenus de l’entreprise. Un AI peut ainsi coûter entre 50.000 DH l’année comme toucher 1 MDH. Mais cela dépend aussi des profils recherchés.


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