Les Cahiers des ÉCO

Acteur intense

Félicien Juttner, comédien

Il joue Axel, le fils rebelle de Richard Berry qui ne veut pas voir Mathilde Seigner remplacer sa mère dans la pièce «La nouvelle» au Théâtre de Paris jusqu’en janvier 2018. Une comédie à succès qui révèle un Félicien Juttner que l’on connaît déjà et qui reste fidèle à lui-même dans la précision presque innée d’un jeu sublimé par un supplément d’âme. Rencontre sur le vif avec un comédien brillant.

Être acteur pour lui est une seconde peau, voire la seule et unique puisque selon Félicien Juttner, on ne devient pas un personnage, on l’est déjà. C’est ce qui explique sûrement cette intensité de jeu et cette sincérité dans l’interprétation. Pensionnaire de la comédie française de 2010 à 2014, le comédien perfectionne un diplôme dans le cinéma avec des années en classe libre des cours Florent et un passage au Conservatoire national de Paris. «La comédie française apporte, indéniablement, l’expérience de plusieurs registres théâtraux, donc sans doute une flexibilité, je l’espère en tout cas», confie humblement l’acteur qui joue presque tous les soirs au Théâtre de Paris aux cotés de Richard Berry, qui joue aussi et met en scène «La Nouvelle». Ce dernier a contacté le jeune comédien et lui a demandé d’auditionner pour le rôle d’Axel, son fils rebelle. Un rôle qu’il lui confie aussitôt : «je pense que la comédie française apporte une exigence vis-à-vis des autres, vis-à-vis de soi, des spectacles dans lesquels on est engagé. Une quantité de travail et une profusion de projets qui font qu’on a une efficacité dans le travail. Veiller à apporter dans chacun des projets qu’on se voit confier, quelque chose dans le goût de servir le spectacle dans lequel on est engagé, au moins autant que l’on se sert soi-même». Chose que le comédien niçois réussit à chaque fois sur scène. Et tous les soirs au Théâtre de Paris Félicien Juttner est ce personnage qui propose une palette large, un personnage qui n’est pas le même au début et à la fin. «On est tous plusieurs choses et ce personnage est comme nous tous, on peut être dans des colères terribles, habités par des fantômes et puis soudain la vie fait que l’on peut révéler aux autres un côté plus lumineux de notre personnalité», continue celui qui se dit ravi d’avoir été dirigé par Richard Berry. «Ce qui était agréable, c’est que c’est vraiment la parole d’un acteur à un autre acteur. Richard est toujours tourné vers le jeu dans ce que ça peut avoir de ludique tout en gardant une grande exigence de la situation et en tenant les enjeux de la pièce sans verser dans des effets qui seraient gratuits». Gratuit, un mot que le comédien connaît bien tant son jeu est pur et sa démarche sincère. Un don de soi qui s’explique par le fait que le comédien se sent mal à l’aise dans les situations où il doit vendre ou acheter quelque chose. «Je dis souvent que j’ai choisi un métier où je n’ai jamais bien compris ce que les gens venaient acheter, et ce que moi je leur vendais. Au moins sur ce malentendu, cela me permet de vivre dans cette société telle qu’elle est».

D’ailleurs, lorsque l’on s’attarde avec Félicien Juttner, il s’amuse à se poser des questions existentielles sur ce monde et sa place dans le monde. C’est ce qui le pousse à devenir acteur, telle une évidence qui serait presque arrivée par hasard : «Acteur sans doute, artiste certainement, déjà très jeune je voyais mal comment m’inscrire dans le monde, dans une vie ultra normée, qui je trouve l’est de plus en plus. Je ne voyais pas bien comment m’exprimer. L’évidence c’était d’abord de me dire qu’il fallait que j’invente ma façon d’exister dans la cité, dans la société. J’allais avoir un peu de mal à me ranger dans une case prévue à cet effet. Finalement l’art dramatique m’a trouvé, je l’ai cherché aussi !». Il s’est trouvé dans cette bulle créative où il joue, écrit des histoires, fabrique des personnages et de la fiction qui «révèlent les fonctionnements et dysfonctionnements de nos humanités» mais révèlent surtout des jeunes talents, en sa qualité de professeur de théâtre au cours Florent, là où tout a commencé pour lui. Cet amoureux de cinéma qui fait beaucoup de théâtre et qui donne une belle dimension à ses personnages ne joue pas, il est tout simplement.

Dans «Hernani» de Victor Hugo pour lequel il rafle le prix d’interprétation, Félicien Juttner devient Hernani et puise au fond de lui puis va dans des endroits de sa personnalité où il n’est jamais allé mais qui existent déjà selon lui. Un travail qu’il fait pour chaque personnage puisque si on pose la question à l’acteur cornélien, «comment faites-vous pour devenir ce personnage ?», il répond tout simplement : «Je dis souvent, vous feriez mieux de demander au personnage ce que ça lui a fait de devenir moi ! Je pense qu’on est irrémédiablement soi-même, les personnages sommeillent en nous, un personnage pour moi est un prix dans la multitude de facettes d’une personnalité. Je vais piocher des choses qui sont déjà moi. Je ne crois pas au sentiment de devenir un autre, je crois en la quête éternelle d’essayer d’être soi-même», continue un Félicien Juttner qui vient de terminer l’écriture d’une pièce sur le rapport au langage et l’impossibilité pour chacun de communiquer. Une pièce qu’il baptise «La loi du corps noir» sur l’échec des mots face à la grandeur des sentiments. Il ne reste plus qu’à lui souhaiter que celui qui a dit : «Car le mot, qu’on le sache, est un être vivant» continue de veiller sur lui… 


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