Représentativité politique féminine : encore un long chemin à parcourir
La plupart des députées sortantes ne sont pas parvenues à être mandatées au niveau des circonscriptions locales.
Le chemin vers la parité est encore long. Quelque 96 femmes siègeront à la Chambre des représentants durant la onzième législature, contre 81 lors de la dernière législature. Il s’agit d’une avancée, certes, mais en trompe-l’œil. En effet, six femmes députés uniquement ont pu gagner leurs sièges au niveau des circonscriptions législatives locales, alors qu’en 2016, elles étaient dix à gagner ce précieux sésame. Les femmes parlementaires, qui ont percé localement, ne représentent que 1,9 % du total des députés des circonscriptions locales.
Malgré les promesses et les déclarations d’intention des dirigeants politiques, le plafond de verre s’avère difficile à briser. Les partis politiques, qui étaient très attendus sur la question de la promotion de la représentativité politique au sein de l’institution législative, n’étaient pas au rendez-vous. Encore une fois, les femmes n’étaient pas nombreuses à être accréditées en tant que mandataires de listes locales. La nature des accréditations aux élections législatives montrent que les barrières demeurent infranchissables pour les femmes même si, arithmétiquement, les partis politiques ont accrédité pour les législatives 2.329 femmes, soit un pourcentage de 34,17% du nombre global des candidats. Seulement 97 femmes ont été mandataires de listes locales, soit 6,5 %. La plupart des députées sortantes ne sont pas parvenues à être mandatées au niveau des circonscriptions locales.
Pourtant, le mécanisme de discrimination positive, de par son caractère provisoire, vise à propulser les femmes bénéficiaires au-devant de la scène politique en leur permettant d’acquérir l’expérience nécessaire en vue de mener la bataille électorale sur le plan local. Toutes les formations partisanes sont pointées du doigt, même si certaines ont fait mieux que d’autres. Sur les six femmes députées élues localement, quatre appartiennent au Parti authenticité et modernité alors que les deux autres sont affiliées au Parti de l’Istiqlal et au Parti du progrès et du socialisme. Pourtant, l’expérience montre que les femmes sont capables de percer au niveau local. L’unique femme que le parti de la balance a accréditée à la tête d’une circonscription locale a pu remporter son siège.
Ainsi, sans le système de discrimination positive, il est difficile pour les femmes d’être présentes en force au sein du Parlement. Grâce au quota, la représentativité féminine dans la Chambre basse grimpe à 24,3 % contre 17 % en 2011 et 21 % en 2016. Le Maroc demeure toujours derrière des pays similaires où le taux de représentativité politique féminine est supérieur à 30 %. Dans la plupart des pays arabes, les gains ont été, en grande partie, facilités par l’introduction de quotas ou par des nominations directes dans les institutions comme les assemblées législatives dominées par des hommes.
Quid du futur gouvernement ?
Par ailleurs, ce n’est pas uniquement la Chambre basse qui est concernée par la question de la promotion de la représentativité politique des femmes, mais l’ensemble des institutions, dont le gouvernement. Aziz Akhannouch est très attendu sur la représentativité féminine dans sa prochaine équipe gouvernementale. L’espoir du mouvement féminin est d’arriver, au moins, à un tiers en termes de représentativité féminine dans le futur gouvernement. La balle est dans le camp des chefs de file des partis politiques qui constitueront la nouvelle coalition gouvernementale. Ils sont appelés à gérer les ambitions internes et à mettre au-devant de la scène des femmes cadres. L’enjeu est de faire mieux que les expériences gouvernementales précédentes tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Rappelons à cet égard que le gouvernement, formé en 2017, comptait, certes, neuf femmes mais huit étaient des secrétaires d’Etat exerçant sous tutelle. Après le remaniement de 2019, l’Exécutif comprenait quatre femmes seulement. En 2012, le gouvernement de Benkirane n’avait qu’une seule femme. La sonnette d’alarme avait été alors tirée, d’autant plus que le gouvernement de Abbas El Fassi était composé de sept femmes. Il a fallu un remaniement ministériel, après le retrait du Parti de l’Istiqlal, pour rectifier le tir en nommant cinq autres ministres femmes.
À pas de tortue
Au Maroc, la représentativité politique féminine avance à pas de tortue. Sans la réforme de la loi organique de la Chambre des représentants, le pourcentage des femmes députées aurait été très bas. L’amendement législatif à la veille des élections a assuré l’entrée à la première chambre du Parlement à 90 femmes au lieu de 60, soit une augmentation de 50 %. Lors des législatives de 2016, les partis politiques sont allés au-delà du quota fixé par le législateur pour la représentativité féminine en accréditant des femmes dans la deuxième partie de la liste nationale dédiée aux jeunes. Ce qui avait permis d’élire, outre les 60 femmes imposées par le quota, 11 autres jeunes dames. Les partis politiques et les syndicats sont actuellement très attendus pour booster la représentativité féminine au niveau de la Chambre des conseillers. L’enjeu est de pouvoir dépasser le taux de 11,66 % enregistré en 2015.
Jihane Gattioui / Les Inspirations ÉCO