Politique

Réforme électorale : vers la fin du cumul de mandats

Le Maroc s’achemine vers l’interdiction du cumul des mandats électifs. Le sujet a été soulevé par les partis politiques et le ministère de l’Intérieur qui a proposé de s’attaquer à ce dossier en vue d’instaurer l’incompatibilité entre le mandat de parlementaire et celui de maire.

Tout porte à croire que cette fois-ci sera la bonne, sauf rebondissement. C’est en tout cas la conviction de quelques-unes de nos sources politiques. Le principe de l’interdiction du cumul des fonctions électives ne fait pas partie des points de discorde. Bien au contraire, la proposition d’élargir les cas d’incompatibilité au poste de maire semble susciter l’adhésion de tous les partis, du moins pour le moment. Si cette réforme est actée, il sera interdit d’être à la fois député et maire d’une grande ville (Casablanca, Rabat, Salé, Fès, Tanger et Marrakech). Il a été même proposé d’étendre cette incompatibilité aux présidents des conseils communaux d’autres villes (Meknès, Tétouan, Oujda, Kénitra, Safi, Témara et Agadir).

C’est un sujet, précisons-le, qui suscite toujours des débats animés à la veille de chaque rendez-vous électoral. L’interdiction du cumul des fonctions a failli être actée, il y a cinq ans. Rappelons à cet égard la volte-face parlementaire sur ce dossier en 2015, à la veille des élections législatives et locales. Les parlementaires avaient alors réussi à introduire un amendement de fond de l’opposition sur l’article 32 de la loi organique relative à l’organisation et à la conduite des travaux du gouvernement et au statut de ses membres, en ajoutant aux cas d’incompatibilité celui de président de commune, avant que cet amendement soit rejeté par le gouvernement en deuxième lecture. Le revirement de position dans les rangs des députés de la majorité qui avaient voté contre cette disposition en plénière, alors qu’ils l’avaient approuvée en commission, avait suscité l’ire de l’opposition et des observateurs.

Pour les prochains mandats parlementaire et gouvernemental, sauf coup théâtre de dernière minute, la réforme devra être actée d’autant plus qu’elle est approuvée par plusieurs sensibilités politiques. Même le PJD, qui est le plus grand bénéficiaire de la situation actuelle et qui pourrait éventuellement s’opposer à ce changement, semble adhérer à cette réforme comme le laissent entendre les récents propos de ses dirigeants. Le scénario de 2015 ne risque donc pas de se reproduire. On s’attend à ce que le débat au sein du Parlement soit enrichi par les propositions de loi qui ont été déjà déposées par certains groupes parlementaires pour élargir les cas d’incompatibilité à tous les niveaux des mandats électifs.

Les dernières en date émanent du groupement parlementaire du Parti du progrès et du socialisme (PPS) qui estime qu’il est, à titre d’exemple, inconcevable de cumuler les fonctions de ministre et de président de commune ou de conseil préfectoral et provincial ou celles de parlementaire et de président de commune ou de conseil préfectoral ou provincial. Le plaidoyer des députés progressistes est on ne peut plus clair : chacune des fonctions doit être exercée à plein temps pour donner du sens à la gestion des affaires publiques et à la représentativité électorale. Les parlementaires sont appelés à s’atteler entièrement à leurs missions de contrôle, de législation et de diplomatie parlementaire pour améliorer l’image écornée du Parlement auprès de l’opinion publique. L’absentéisme qui frappe de plein fouet cette institution est dû, parfois, au problème du cumul des mandats. Quant aux membres du gouvernement, ils doivent se concentrer sur leur mission ministérielle en actant noir sur blanc l’incompatibilité de leur fonction avec celle de président de commune (ndlr : cas de Aziz Rabbah). Ce sont en effet deux postes stratégiques qui nécessitent des efforts considérables, ainsi qu’une présence physique et un investissement important en temps. Déontologiquement, cette situation est inacceptable dans plusieurs pays en raison non seulement du conflit d’intérêts, mais aussi du souci d’efficacité et d’optimisation de rendement.

En France, à titre d’exemple, la charte de déontologie des membres du gouvernement leur interdit d’exercer une fonction exécutive locale. Sur le plan local et régional, à l’heure où le Maroc tend à la mise en place de la déconcentration administrative et de la régionalisation avancée, il est grand temps d’améliorer l’action de proximité et de rehausser le rendement des élus au niveau territorial.

À cet égard, même la présidence des chambres professionnelles doit être ajoutée à la liste des cas d’incompatibilité de cumul des fonctions. Le groupe parlementaire socialiste avait, lui aussi, déposé en 2017 une proposition de loi axée sur l’interdiction du cumul des indemnités qui est vivement critiqué, mais ce texte a été gelé. D’aucuns estiment que le Maroc qui tend à réformer son échiquier politique gagnerait à s’inspirer des pays démocratiques, dont certains ont même instauré l’interdiction du cumul «chronologique» des mandats afin de donner un véritable coup de fouet au renouvellement des élites et à l’efficacité de l’action publique et politique. Les pays démocratiques tendent en effet de plus en plus à restreindre le cumul des fonctions et des responsabilités, en vue de rénover la vie publique. Par ailleurs, il serait temps aussi d’élargir le débat sur l’incompatibilité du mandat du parlementaire et son adhésion à des instances consultatives. Les élus de la nation, en vertu de la loi, sont déjà présents dans quelques instances de gouvernance, alors que sous d’autres cieux, le cumul des fonctions est très limité, voire interdit de manière générale.

Jihane Gattioui / Les Inspirations Éco


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