Justice : les contours de la nouvelle carte judiciaire se précisent
La lecture détaillée du projet de loi 38-15, relatif à l’organisation judiciaire, a été entamée par la Chambre des Conseillers. La nouvelle législation reste cruciale pour le chantier de l’efficience des tribunaux ainsi que pour améliorer l’accès des justiciables aux services judiciaires.
Après son adoption, en juillet dernier, à l’unanimité par la Chambre des représentants, le projet de loi portant sur la nouvelle organisation judiciaire a entamé l’étape de la 2e lecture parlementaire par la commission de la législation et de la justice à la Chambre des Conseillers. Les membres de la commission ont, en effet, procédé à l’examen détaillé du projet de loi 38-15, dans l’optique de voter la nouvelle législation dans les plus brefs délais. Il faut dire que la législation projetée devra mettre un terme au long attentisme qui a prévalu pendant plus de cinq ans, avec en ligne de mire la formulation d’amendements. Lesquels tiennent compte des changements intervenus en matière de renforcement des mécanismes de coordination entre le département de la justice, qui se charge du volet administratif, ainsi que des compétences propres des instances judiciaires et du conseil supérieur du pouvoir judiciaire se charge des autres volets..
Notons que le rapport parlementaire élaboré par la commission de la législation à la 1re instance législative a mis en avant la prise en compte des correctifs qui ont été demandés par la Cour constitutionnelle, même si les députés ont exprimé des réserves sur le retard enregistré en matière de dépôt du texte au Parlement, après la sentence qui a été rendue par la plus haute juridiction du pays. En dépit du laps de temps assez court réservé à l’examen des 111 articles qui forment la nouvelle législation, les parlementaires insistent sur le fait que «la nouvelle loi est fondatrice d’une nouvelle étape, en raison de l’importance des tribunaux dans la mise en œuvre des réformes qui ont été prévues et qui visent à améliorer la carte judiciaire», indique l’évaluation réalisée par les élus. Pour sa part, l’examen au sein de la Chambre des Conseillers devra donner plus de visibilité sur le calendrier de la mise en œuvre de la nouvelle législation.
Les principaux changements attendus
Entre la première version du projet de la nouvelle organisation judiciaire qui a été finalisé par le gouvernement en mars 2016 et la version définitive approuvée par le Parlement, plusieurs changements majeurs ont été apportés, essentiellement la révision de 8 articles qui ont fait l’objet d’une sentence de la Cour constitutionnelle. Ce sont les actions prévues pour la simplification des procédures, les services numérisés, la motivation des jugements et la rapidité de leur exécution qui sont venues en tête de liste des dispositions ayant focalisé l’attention durant l’examen détaillé de la loi 38-15. L’officialisation de la nouvelle répartition des juridictions devra surtout insister sur le fonctionnement régulier des tribunaux de manière à assurer la continuité des services et la tenue des audiences. La nouvelle organisation est également synonyme d’un accès plus aisé à l’information judiciaire, notamment via un suivi à distance des procédures. Pour la compétence de nomination des magistrats au bureau du tribunal et de son Assemblée générale, cette mission n’est plus du ressort du ministère, et reste l’un des grands apports de la nouvelle législation.
Les missions de cette structure représentative ont été aussi élargies. Ainsi, l’Assemblée s’occupera désormais de tout ce qui a trait à la formation continue et à l’évaluation des besoins financiers des juridictions ainsi qu’à leurs ressources humaines. Il faut dire que le choix opéré par la loi projetée consiste à instaurer une unicité des juridictions, avec un statut prééminent pour les tribunaux de première instance pour toutes les affaires qui ne sont pas considérées comme étant en dehors de leur champ de compétences. La principale exigence imposée lors de l’établissement de la carte judiciaire réside principalement dans «le respect des principes du découpage administratif, le volume des affaires, les services administratifs rendus ainsi que les données socio-économiques et démographiques», précise le nouveau cadre légal. Le principe de l’assistance judiciaire a été, de son côté, renforcé avec une transposition des dispositions constitutionnelles qui garantissent aux citoyens aux faibles revenus de bénéficier des avantages prévus par l’article 6 de la nouvelle loi. À souligner que l’usage de la langue amazighe a été également institutionnalisé durant les audiences, selon les exigences imposées par la loi organique relative à l’officialisation et l’intégration de la langue amazighe dans la vie publique. Sur ce point, la loi précise que «la langue arabe demeure la langue des audiences et de rédaction des jugements, en activant le caractère officiel de l’amazighité», selon la version finale de la loi 38-15.
Les délais pressent
Les délais de l’entrée en vigueur de ce texte névralgique pour la réforme judiciaire semblent être l’un des principaux enjeux stratégiques de la réforme du secteur. En ligne de mire figurent essentiellement l’entrée en vigueur des nouvelles normes de la carte judiciaire durant l’année 2022, ainsi que la finalisation de l’élaboration du schéma directeur du système d’information. «Le schéma directeur à réaliser donnera à chacun, dans le ministère, les moyens informationnels pour accomplir efficacement sa mission et prendre opportunément et rapidement les décisions que la situation justifie», indique la feuille qui a été tracée. Il s’agit d’opérer plusieurs changements au niveau de la qualité du traitement des services fournis au citoyen, selon la même source, ainsi que «la maîtrise de l’évolution importante des activités attendues qui ne peut se faire sans système d’information encore plus fiable et plus puissant». Ensuite, c’est la réduction des délais qui est visée par la refonte. «Les fonctions de communication seront une priorité du système à travers la mise à disposition de moyens logiciels à destination des opérateurs pour les besoins d’inscription, de saisie, de demande d’information et de consultation des données opérationnelles ou décisionnelles», souligne la même source.
Younes Bennajah / Les Inspirations ÉCO