Politique

Gestion de la dette publique : parlementaires inquiets, Benchaâboun optimiste

La crise sanitaire vient alourdir la dette publique, déjà dramatiquement élevée. La règle d’or a été transgressée. Les parlementaires affichent leurs inquiétudes quant à la gestion de cette dette, tandis que le ministre de l’Économie et des finances se veut rassurant. Benchaâboun estime que cette hausse n’affectera pas d’une manière significative la viabilité de la dette, compte tenu «des marges disponibles et de la structure saine de la dette».

Le ratio de la dette du trésor par rapport au PIB devrait atteindre 76% à fin 2020, après avoir diminué à 64,9% en 2019, une première depuis dix ans ! Un chiffre qui inquiète les parlementaires des deux Chambres. Lhou Lmerbouh, parlementaire du PAM, membre de la commission des Finances, de la planification et du développement économique à la Chambre des conseillers, estime que la vigilance est de mise, précisant que s’il est normal de s’endetter pour financer les investissements, il n’en demeure pas moins que des craintes demeurent quant à l’éventuelle affectation d’une partie des dettes à la gestion. Cela constitue «le chemin le plus court vers la faillite d’autant plus que, pour la première fois depuis des années, les recettes ne vont pas permettre de couvrir les dépenses», estime notre interlocuteur. Même son de cloche auprès de nombre d’autres parlementaires qui tirent la sonnette d’alarme et mettent en garde contre une mauvaise gestion de la dette. C’est le cas de la présidente du groupe parlementaire de l’Union marocaine du travail (UMT), Amal Amri, qui affiche son inquiétude vis-à-vis de la hausse du ratio de la dette qui «aurait pu être compréhensible si l’endettement était destiné à faire face aux défis sociaux». Sauf que, dit-elle, ce n’est pas le cas comme en témoigne, à titre d’exemple, la généralisation de la couverture médicale qui sera financée de la poche des citoyens. L’opposition n’y va pas de main morte en soulevant, au sein du Parlement, ce sujet très sensible dont les conséquences pourraient être fatales pour les prochaines générations. Le seul espoir est de parvenir rapidement à booster la croissance afin d’absorber progressivement le poids grandissant de la dette publique. Or, là encore, le doute plane sur la capacité de l’économie marocaine, dans les conditions actuelles, à retrouver rapidement les niveaux espérés.

Du côté de la majorité, l’appréhension est également au rendez-vous bien que les choix gouvernementaux soient soutenus. Abdessamad Marimi, député du groupe parlementaire du Parti de la justice et du développement ( PJD), estime que le recours à l’endettement extérieur est une mesure justifiée dans le contexte actuel, mais il appelle, en revanche, à se doter de la fermeté requise dans la gestion des risques de cette dette, tout en rationalisant son utilisation et en l’orientant pour répondre aux besoins nécessaires et combler le déficit enregistré. À cet égard, le ministre de l’Économie, des finances et de la réforme de l’administration, Mohamed Benchaâboun se veut rassurant, en dépit de l’augmentation du taux d’endettement du trésor enregistré en raison du double impact de la baisse de la croissance et de la hausse du déficit budgétaire ( 7,5 % contre 3,5% initialement prévu). «Cette hausse, conséquence inévitable et mécanique de la crise sanitaire et économique inédite, n’affectera pas d’une manière significative la viabilité de la dette compte tenu des marges disponibles et de la structure saine de la dette», a-t-il souligné. Pour l’argentier du royaume, les indicateurs de coût et de risque y afférents restent à des niveaux sûrs et maîtrisés. Ainsi, la part de la dette extérieure ne dépasse pas 20% de la dette totale du trésor, alors que la majorité de cette dette est contractée à des conditions favorables. Le responsable gouvernemental cite la durée moyenne de remboursement restante, d’environ 7 ans à la fin du premier semestre 2020, en amélioration par rapport à fin 2019. À cela s’ajoute la part de la dette à court terme qui ne dépasse pas 13,2%, «ce qui réduit le risque de refinancement».

Benchaâboun rassure aussi quant à l’amélioration, au cours de cette année, du coût moyen de la dette du trésor grâce à la baisse significative des taux de bons du trésor, et au maintien à des niveaux bas des taux d’intérêt sur les marchés internationaux dont dépend le coût des dettes extérieures contractées auprès des bailleurs de fonds ou du marché financier international. Le ministre des Finances exprime son optimisme, relevant que le plan de relance économique, combiné à l’accélération du rythme des réformes administratives visant la maîtrise du déficit budgétaire, permettra au cours des prochaines années de «maîtriser progressivement les niveaux du développement du volume de la dette du trésor». Quid du respect de la règle d’or qui figure dans la loi organique de la loi de Finances, qui consiste à lier l’endettement aux dépenses d’investissement et à orienter les recettes fiscales et non fiscales vers le financement des dépenses courantes ? Cette règle, qui permet de maîtriser le développement de l’endettement, a été respectée à partir de 2016 et jusqu’en 2019, comme le précise le chef du département des Finances. Mais à partir de 2020, il a été nécessaire de recourir, selon Benchaâboun, à des ressources additionnelles d’endettement pour compenser la baisse des ressources propres. «Aussi, le principe de la règle d’or a été dépassé.» Rappelons que le Fonds monétaire international recommande au Maroc d’entamer la réduction du ratio dette publique/Produit intérieur brut (PIB) à partir de l’année 2022.

Le gouvernement est, ainsi, appelé à gérer ce dossier avec beaucoup de tact afin d’éviter d’hypothéquer la souveraineté économique du pays et d’évoluer, à terme, vers l’augmentation des impôts. Pour l’Exécutif, les objectifs fondamentaux de la stratégie de gestion de la dette marocaine «consistent à assurer au Trésor un financement stable et durable lui permettant de couvrir l’ensemble de ses besoins de financement tout en réduisant, à terme, le coût d’endettement de l’État, limiter l’exposition du portefeuille de la dette aux risques financiers et contribuer au développement du marché domestique des valeurs du Trésor».

Le plafond des financements extérieurs dépassé

Dès le déclenchement de la crise sanitaire, le Maroc s’est empressé d’éteindre l’incendie en recourant, notamment, à l’endettement qui était en tête des mesures actionnées par l’Exécutif pour faire face aux répercussions de la pandémie. Le décret-loi 2.20.320 a été adopté pour autoriser le gouvernement à dépasser le plafond des financements extérieurs déjà fixé en vertu de l’article 43 de la loi de Finances 70-19 pour l’année budgétaire 2020. Ainsi, le potentiel des mobilisations extérieures au titre de cette année a été augmenté de près de 30 MMDH pour atteindre 60 MMDH, afin de maintenir le stock des avoirs extérieurs à des niveaux adéquats, étant donné que plusieurs secteurs d’activité, générateurs de recettes en devises étrangères, ont été impactés par les mesures prises par l’État pour endiguer la propagation de la pandémie de Covid-19.

Jihane Gattioui / Les Inspirations Éco


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