Formation du gouvernement : où va l’USFP ?
Certains partisans de l’USFP estiment que le parti devrait se reconstruire, dans le cadre de l’opposition, pour retrouver sa place d’antan.
Le Chef du gouvernement désigné est très attendu cette semaine, au sujet de l’annonce de la composition de la nouvelle coalition gouvernementale. Pour l’heure, deux partis politiques ont garanti leur place pour le deuxième round des négociations qui porte, non pas sur la constitution de la majorité, mais sur la répartition des responsabilités au sein du gouvernement. Le PAM et l’Istiqlal ont mandaté leurs chefs de file pour mener les négociations, lesquelles s’annoncent ardues. D’autres partis nourrissent encore l’espoir de compléter la future alliance gouvernementale, bien qu’ils n’aient pas encore reçu la moindre offre de la part d’Aziz Akhannouch. En tête de ces prétendants, on trouve l’Union socialiste des forces populaires. Le parti de la rose, qui a tenu son Conseil national dimanche dernier, se dit favorable à la participation au prochain gouvernement si sa formation reçoit une proposition convenable et en phase avec son ambition de former un cabinet solidaire, homogène et fort». Ambition jugée légitime par les héritiers d’Abderrahim Bouabid.
Le premier secrétaire, Driss Lachgar, ne cache pas son souhait de participer au gouvernement, précisant que, compte tenu du poids électoral du parti ainsi que de «ses référentiels, son programme, sa force politique, ses relations et la nature de ses alliance», il a vocation à intégrer le pouvoir exécutif en cette étape cruciale.
«Notre place est au sein de l’équipe gouvernementale pour accompagner la nouvelle étape et la mise en œuvre du Nouveau modèle de développement», relève-t-il.
Même son de cloche auprès de Habib El Malki, président du Conseil national de l’USFP et l’un des principaux dirigeants du parti. Il indique que le deuxième round des consultations sera plus précis à travers des propositions concrètes. Dans un appel du pied en direction du Chef du gouvernement désigné, El Malki tient à relever que son parti est «fidèle à ses alliés et a respecté tous ses engagements».
Rappelons que le blocage qu’ont connu les tractations pour la formation du gouvernement, après les élections de 2016, est dû, notamment, au refus de Benkirane d’intégrer l’USFP au gouvernement alors qu’Aziz Akhannouch tenait à sa participation. Le parti de la rose s’était même vu attribuer, par la suite, la présidence de la Chambre des représentants, en dépit de la faiblesse de son poids électoral. Aujourd’hui, il compte beaucoup sur ses relations privilégiées avec celui de la colombe. Cette position a suscité tout un tollé sur les réseaux sociaux. Certains partisans de l’USFP estiment que le parti devrait se reconstruire dans le cadre de l’opposition pour retrouver sa place d’antan au sein de l’échiquier politique. Certes, il est arrivé à occuper la quatrième position aux élections du 8 septembre, glanant 15 sièges supplémentaires par rapport aux élections législatives de 2016, mais il n’a pas encore retrouvé sa position de leader, à même de lui permettre de tenir les commandes et de choisir ses alliés en vue de mettre en œuvre sa propre vision et son programme gouvernemental. Ainsi, certaines voix internes plaident pour un positionnement dans les rangs de l’opposition. En tout cas, l’USFP, malgré ses ambitions assumées, ne se fait guère d’illusions. Son Parlement exprime, en effet, «la disposition du parti à servir la patrie à partir de n’importe quelle position lui permettant d’accompagner la nouvelle étape». Sa direction est, d’ailleurs, mandatée pour gérer la prochaine étape, «concernant la position à adopter dans la nouvelle carte politique ainsi que l’orientation à suivre, en harmonie avec ses idéaux politique et idéologique». Le premier secré taire souligne que l’USFP ne craint pas de rejoindre les rangs de l’opposition qu’il avait déjà choisi d’intégrer, de son plein gré, après les élections anticipées de 2011. Le patron des ittihadis indique que, si le Chef du gouvernement désigné a d’autres considérations que celles exprimées par l’USFP, celui-ci optera pour l’opposition.
«On ne va pas se cacher derrière le soutien critique. Ceux qui ont exercé le soutien critique, au début du gouvernement d’Abderrahmane Youssoufi, sont passés par la suite à une opposition frénétique, après avoir failli plonger le pays dans une division sociétale en raison de leur opposition au plan national d’intégration des femmes dans le développement… », rappelle-t-il. Les observateurs estiment que le parti de Lachgar pourrait exercer une forte opposition et créer, ainsi, l’équilibre nécessaire avec le pouvoir exécutif. Depuis l’annonce des résultats électoraux, les débats sur la formation du gouvernement font référence aussi à la nécessité de consolider la place de l’opposition en «sacrifiant» l’un des premiers partis politiques. On s’attendait à ce que le RNI ne laisse pas tomber l’USFP qui est l’un de ses alliés privilégiés. Aujourd’hui, cette certitude devient une vague hypothèse en l’absence d’une offre concrète en direction du parti de la rose, lors du premier round des consultations. On s’oriente plutôt vers le scénario idéal, sur le plan arithmétique, et qui reflète les résultats des urnes, le RNI, le PAM et l’Istiqlal comptant 269 sièges à la Chambre basse, soit un taux de 68,1%. Quant à l’opposition, elle pourrait être, cette fois-ci, à caractère socialiste avec, essentiellement, l’USFP et le PPS. Les deux partis auront des groupes parlementaires forts et seront bien représentés dans les instances décisionnelles de la Chambre des représentants (le bureau de la Chambre et les commissions permanentes). Ce serait l’occasion de rapprocher les deux vieux alliés de la Koutla qui sont à couteaux tirés depuis quelques années.
Jihane Gattioui / Les Inspirations ÉCO