Politique

Dialogue social : L’UMT maintient la pression sur le gouvernement

Face à l’intransigeance du gouvernement, l’UMT se tourne vers le patronat «pour sortir le pays de l’impasse où il se trouve». Un appel a été lancé pour la tenue d’une conférence nationale du dialogue social comme une proposition de sortie du blocage actuel des pourparlers entre les partenaires sociaux.

Les rencontres des Matinales Human Age démarrent l’année 2016 en trombe. Ce rendez-vous mensuel des spécialistes des RH, organisé le 21 janvier par ManpowerGroup en partenariat avec les ÉCO, a en effet invité Miloudi Moukharik, SG de l’Union marocaine du travail (UMT) pour répondre à une question cruciale: «Que faire face à l’agonie du dialogue social ?» Moukharik a tenté d’apaiser les craintes du monde des entreprises face au durcissement du bras de fer entre les syndicats et le gouvernement. Le n°1 de la centrale historique siégeant à Casablanca est allé droit au but : «nous ne voulons pas pénaliser le privé à cause du comportement du gouvernement, mais je ne vous cache pas que le principe d’une grève nationale générale y compris dans le privé n’est pas écarté. Il est exclu qu’on ne prenne pas d’initiatives et seul le dialogue peut de sortir le pays de l’impasse». Les syndicats œuvrent à rester unis «loin de la surenchère syndicale», selon Moukharik, qui a fait une allusion directe à la position de l’UNTM, qui ne soutient pas le mouvement de contestation entamé par l’UMT, la CDT, l’UGTM et la FDT.

La bonne foi des syndicats
Après avoir fait le détour des modes de résolution des conflits ainsi que du cadre de médiation mis conjointement en place par l’UMT et la CGEM, Moukharik a dressé un état des lieux pour démontrer «l’absence de la volonté politique de négocier et même une absence de l’esprit de partenariat puisque les invitations aux rounds du dialogue social étaient sous forme de convocations administratives voir policières», a noté le SG de l’UMT. Le boycott des rounds par les syndicats découlait aussi du fait que «le gouvernement a traité la question des retraites de la manière la plus rétrograde, en instaurant un régime obligatoire et non optionnel pour la hausse de l’âge du départ à la retraite». Dans son argumentaire autour de cette question, le leader syndical a cité les travailleurs dans des emplois pénibles ainsi que «la volonté dissimulée» de porter l’âge à 65 ans à partir de 2019. «Nous ne sommes pas contre la réforme de la CMR, mais il ne faut pas que seuls les salariés supportent le coût avec non seulement un rallongement de la durée de leur travail, mais également la baisse des pensions», a-t-il expliqué. Après le dépôt des 6 nouvelles lois au sein de la Chambre des conseillers, les syndicats vont tenter de renverser la tendance et chercheront à obtenir l’appui des partis de l’opposition, majoritaires au sein de 2e Chambre pour amender les textes proposés. Le chef de file des syndicats contestataires a tout de même insisté sur la lutte menée actuellement «indépendamment des partis politiques» et précisé que «le groupe parlementaire des syndicats usera de tous les moyens pour faire entendre ses revendications».

Le bilan bilatéral
Lors de son exposé portant sur les relations professionnelles entre l’UMT et le tissu productif, Moukharik a indiqué que le courant passait très bien entre les deux acteurs sociaux malgré la paralysie vécue par le dialogue social depuis 2012. Le nombre des conventions collectives a atteint 34 contrats, a noté Moukharik à propos de ce mécanisme instauré en 2004. «Cette culture commence à prendre forme au milieu d’un désintéressement total du gouvernement face à la naissance de conflits collectifs», a souligné le SG de l’UMT. Les syndicats reprochent en effet au gouvernement de rester dans l’expectative «alors qu’il y a une nécessité urgente de mettre en place des mécanismes d’alerte sur le non respect des libertés syndicales pour pouvoir prévenir les conflits». À propos des décalages qui peuvent survenir entre la vision des décideurs au sein du syndicat et de ses délégués, le SG de l’UMT a reconnu l’existence de divergences entre les représentants des salariés qui sont sur place au sein des entreprises et des consignes données en vue d’anticiper les conflits collectifs. Ceci n’a pas empêché le leader syndicaliste de défendre le recours à la grève non pas en cas de non satisfaction des demandes, mais en cas d’absence de dialogue. «Après avoir épuisé la force de l’argument, on passe à l’argument de la force. Évidemment la grève est un moyen d’exprimer le mécontentement des salariés, mais elle demeure l’unique outil pour pousser à s’asseoir autour de la table des négociations», a noté Moukharik.


Vers une conférence nationale

La proposition formulée lors de cette rencontre tend à fédérer les partenaires sociaux autour de nouveaux objectifs. L’idée reste séduisante dans la mesure où elle permettra de répondre aux exigences fixées par l’Organisation internationale du travail (OIT) ainsi que les principes de base de la charte sociale sur laquelle le CESE est chargé de peaufiner. La nouvelle forme de dialogue proposée devrait également permettre de dépasser le problème de l’ordre du jour différencié ente l’État et les syndicats. La nouvelle formule a aussi l’avantage d’impliquer plus le privé dans l’apaisement du climat social. Jusqu’à présent, le tissu des entrepreneurs a été écarté du débat sur la réforme des retraites, de même que la proposition de la CGEM relative à la loi sur la grève n’a pas réussi jusqu’ à présent à mobiliser les syndicats et les partis politiques. Reste à savoir si les partenaires sociaux vont réussir d’ici la fin du mandant du gouvernement à trouver un nouveau consensus et surtout faire des concessions réciproques pour mettre un terme à la crise de confiance qui perdure depuis l’ultime réunion sociale de juin 2015.


Les données relatives aux salariés agricoles

Oubliés du débat, même s’ils forment une frange importante des travailleurs au Maroc, les salariés agricoles ne sont pas épargnés par la détérioration du climat social. Les statistiques du département de l’emploi montrent que le nombre des conflits collectifs liés au travail enregistrés dans le secteur agricole au titre de l’année 2014 a atteint 201 conflits, dont 166 cas ont été résolus soit 78,81% d’entre eux. Depuis l’entrée en vigueur du Code du travail en 2004, seules trois conventions collectives ont été conclues, alors que 64 protocoles ont été signés lors du premier semestre de l’année 2015, pour porter le nombre à 276 protocoles ayant concerné les autres secteurs productifs. Le bilan établi en novembre 2015 indique aussi que «l’absence d’un dialogue social dans le secteur agricole s’explique par l’inexistence de mécanismes de dialogue aux niveaux national et régional, l’absence d’une représentativité professionnelle des employeurs agricoles sur le plan local et une représentativité professionnelle faible dans le secteur agricole, notamment pour les élections des délégués des salariés». Il est à rappeler que 80% des habitants ruraux travaillent dans l’agriculture et participent au PIB à hauteur de 19%.


Miloudi Moukharik,
SG de l’UMT

Le dialogue social n’a jamais connu un tel blocage. À l’UMT, nous croyons dans les vertus du dialogue que ce soit pour le renforcement de la compétitivité des entreprises ou pour l’intérêt des salariés. Depuis l’installation de ce gouvernement, les séances sont loin d’être des rencontres de dialogue social. Ce sont plutôt des rencontres formelles, sans objectifs et sans contenus. Ce gouvernement a détruit toutes relations sociales construites par les gouvernements précédents, à commencer par celui d’Abdellatif Filali, en passant par ceux de l’alternance et de Jettou et enfin celui d’Abbas El Fassi. Durant toutes ces étapes, les partenaires sociaux ont pu débloquer plusieurs questions cruciales, comme la mise en œuvre du Code du travail et la couverture médicale de l’AMO. Ce qui est navrant, c’est que le gouvernement veut passer en force des textes d’une importance capitale pour les générations futures. Les syndicats vont se battre contre ces projets car il s’agit de préserver la paix sociale.

Jamal Belahrach,
Président de ManpowerGroup Maghreb

La situation est anormale. Le dialogue social doit être réinventé car on ne peut pas se permettre un dialogue social bloqué. Les choses devront bouger après les élections et le dialogue social ne doit pas être une utopie purement marocaine. Je pense que tout le monde est confronté au problème de l’identification des problèmes urgents à régler, mais ce qui est intéressant, c’est que l’ensemble des parties concernées ont la volonté de changer la donne actuelle. Le renouveau du dialogue social proviendra d’une conférence nationale du dialogue social. Il faut absolument élever le niveau du dialogue et partir du fait que le syndicalisme n’est pas un problème mais une opportunité pour canaliser le dialogue. Il faudra aussi penser au chômage car l’équation à résoudre pour les entreprises est comment créer plus d’emplois avec moins de croissance.


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