Fuite des cerveaux en Afrique : une rencontre à Rabat pour stopper l’hémorragie

Alors que le continent africain continue de perdre une part significative de ses élites formées, responsables, diplomates et chercheurs se sont réunis à Rabat pour débattre des moyens de contenir ce phénomène aux lourdes conséquences économiques et sociales.
Réunis mardi à Rabat à l’initiative de l’ONG Action pour l’éducation citoyenne (APEC Internationale), plusieurs responsables africains, universitaires et étudiants ont dressé un constat unanime : la fuite des cerveaux constitue l’un des défis majeurs pour l’avenir du continent. Si le phénomène n’est pas nouveau, il s’est aggravé ces dernières années, sous l’effet combiné de la précarité de l’emploi, du manque d’infrastructures de recherche et de l’instabilité politique dans plusieurs pays.
Préserver le capital humain, priorité stratégique
Invité à ouvrir les débats, l’ambassadeur du Cameroun au Maroc, Mouhamadou Youssifou, également doyen du corps diplomatique africain, a appelé les États à s’emparer urgemment de cette question : «la fuite des cerveaux n’est pas une fatalité. Elle exige une réponse concertée, pragmatique, qui valorise les compétences africaines et leur donne les moyens de contribuer au développement du continent».
Soulignant que l’Afrique ne peut construire son avenir sans s’appuyer sur ses ressources humaines, l’ambassadeur a plaidé pour la mise en place de mécanismes efficaces de rétention des talents : incitations à l’investissement dans la recherche, amélioration des conditions de travail des professionnels qualifiés, mais aussi création d’opportunités économiques à l’échelle locale.
Apporter une réponse endogène au défi de la mobilité des talents
Même tonalité chez le président de l’APEC, Aboubacar Aldo Kourouma, qui a qualifié la fuite des cerveaux de «problématique cruciale» pour l’avenir de l’Afrique. Insistant sur la nécessité de solutions conçues «par les Africains et pour les Africains», il a invité les États à instaurer un climat propice au retour des compétences expatriées : «Les étudiants partis se former à l’étranger doivent pouvoir retrouver, dans leur pays d’origine, des conditions professionnelles et humaines attractives, leur permettant de mettre à profit les savoirs acquis».
L’intervention de l’ambassadrice de la Guinée-Bissau au Maroc, Filomena Mendes Mascarenhas Tipote, a souligné la gravité du phénomène, qu’elle n’a pas hésité à qualifier de «risque de désertification humaine». Pour y faire face, elle a appelé à l’adoption de politiques ambitieuses, adaptées aux réalités locales, et a insisté sur la coopération régionale en matière d’éducation et de développement.
Repenser les stratégies continentales
Dans cette optique, la conférence a été articulée autour de deux panels thématiques : «Analyser les causes profondes de la fuite des cerveaux en Afrique» et «Comment encourager le retour des compétences». Ces échanges ont permis de mettre en lumière la multiplicité des facteurs à l’origine du phénomène : faible valorisation des carrières académiques, déconnexion entre la formation et le marché du travail, mais aussi manque de perspectives pour les jeunes diplômés.
À travers cette rencontre, l’APEC Internationale ambitionne de fédérer les énergies autour d’un même objectif : transformer un défi structurel en levier de croissance inclusive, en plaçant le capital humain au cœur des stratégies de développement. Pour les participants, seule une mobilisation collective et cohérente permettra d’inverser la tendance et de redonner à la jeunesse africaine les moyens de bâtir son avenir sur son propre sol.
Sami Nemli / Les Inspirations ÉCO