Culture

Presse électronique : Les défis de la course au digital

Modèle économique des médias :En l’absence d’étude, les professionnels se trouvent en terra incognita

Difficile de comparer le Maroc et la France en ce qui concerne la viabilité des sites d’information (le Desk vs Médiapart). Une étude de l’Unesco sur les indicateurs de développement des médias au Maroc patauge depuis deux ans.

Contrairement au syndicat de la presse et à la fédération des éditeurs qui veulent mettre de l’ordre dans la presse électronique, d’autres acteurs prêchent l’ouverture à tous sans critères préétablis. Ils partent du droit de tous à utiliser le web pour informer sans limitation aucune. Une vision universaliste qui trouve son écho chez certains observateurs et professionnels. C’est le cas de Bachir Znagui, qui pense que les vétérans de la presse écrite voient dans le foisonnement des sites un phénomène préoccupant, les assimilant à des intrus. Ce journaliste de longue date, aujourd’hui coordinateur éditorial à Economia, ne voit pas d’un bon œil l’ultimatum lancé par la loi 88.13 sur la presse et l’édition. Celle-ci stipule que tout site d’information doit avoir un directeur de publication titulaire d’au moins une licence et de la carte de presse professionnelle. «Le rôle de l’État, c’est de promouvoir les libertés», renchérit-il. Mais quid de la qualité de l’information et de sa véracité qui subit une dégradation continue depuis le «baby-boom des sites d’information»? Pour Znagui, la qualité dépend aussi des moyens -très rudimentaires- de ces sites. Car comme le soutient Said Essoulami, président du Center for Media Freedom, il n’y a pas lieu de parler de modèle économique de la presse électronique au Maroc.

Le Desk vs Médiapart
Le fait de se baser uniquement sur des revenus publicitaires qui n’évoluent presque pas alors que le nombre de journaux, de sites, de radio et de web TV augmente n’est pas tenable. Certains sites ont tenté un accès payant comme le Desk, mais en vain. Mais cet échec reste propre au Maroc, car en France par exemple, Médiapart a fait, dès le départ, le pari d’un accès payant à des abonnés. En moins de 10 ans d’existence avec un modèle économique à contre-courant du marché, le site fondé par Edwy Plenel emploie aujourd’hui 74 salariés, compte plus de 130.000 abonnés avec un chiffre d’affaires de 11,4 millions d’euros et un résultat net de 1,8 million d’euros en 2016. De quoi faire des jaloux. Mais il ne faut pas non plus oublier que Médiapart, au-delà de capitaliser sur l’aura de journalistes vedettes, a privilégié l’enquête pour intéresser son lectorat. Au Maroc, la situation est inextricable. Alors qu’en France, pays auquel l’on se réfère souvent comme modèle, les pure players (sites d’actualité tout en ligne) ne dépassent pas les 391, l’on parle de quelques milliers au Maroc selon le recensement de 2015. Il est donc normal que les entreprises de presse et les sites d’information structurés se sentent en terra incognita, obligés de s’adapter au risque de se retrouver prisonniers de l’avalanche.

Question de déontologie
La concurrence devient alors déloyale quand on sait que ces sites sont plus ou moins regardants sur la déontologie et les valeurs journalistiques. Mais Essoulami ne l’entend pas de cette oreille. «Le marché devrait se réguler tout seul, et seuls les tribunaux sont censés trancher dans les cas de non-respect de la déontologie», estime-t-il. Mais peut-on transposer le modèle universaliste à cette inflation des sites d’information, qui continue d’aller crescendo? La situation est un peu délicate, au moment où la fédération et le syndicat sont en pleines négociations avec le ministère de tutelle sur les modalités de mise en place du Conseil national de la presse (CNP). Le CNP, qui doit jouer le rôle principal dans l’autorégulation de la profession, ne peut se constituer au milieu d’une multitude d’entités dont on ne connaît ni la structure, ni l’obédience politique, ni les visées.

Le CNP face à l’inflation des sites électroniques
Une réunion tripartite ministère-fédération-syndicat, qui devait avoir lieu le 15 septembre autour du CNP, a été reportée à la semaine prochaine pour des raisons d’agenda, apprend-on. Et il y a du pain sur la planche, car le conseil doit être constitué de 21 membres élus par les journalistes professionnels, soit un total de 2.300 titulaires de la carte de presse à fin 2016. Il faut dire que la mise en place du CNP a enregistré beaucoup de retard. Approuvée par le gouvernement en juillet 2015, la loi 90.13 a été votée en décembre de la même année pour être publiée dans le B.O du 7 avril 2016. Rappelons aussi que le CNP figurait déjà parmi les engagements pris aux Assises de la presse tenues à Skhirat en 2005, soit plus de 12 ans de cela. Plus encore, l’existence d’un code d’éthique de la presse -y compris de celle électronique- dépend aussi du CNP. À ce dernier incombe la constitution d’une commission qui doit plancher sur ce code de conduite que tous les organes de presse doivent respecter. Mais avant tout, les professionnels de la presse veulent la visibilité qu’aucun organe ne daigne aujourd’hui leur donner. L’absence d’études et d’enquêtes sur le sujet exacerbe le climat d’expectative qui règne dans le secteur. L’Unesco a essayé de percer le mur de l’ignorance en lançant il y a deux ans un rapport sur «Les indicateurs de développement des médias au Maroc», sans succès. Le rapport, qui devrait être publié en décembre prochain, a buté sur plusieurs obstacles, dont l’absence de statistiques et d’études.


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