Culture

L’interview confinée de… Abdellah Tourabi

Il est journaliste, animateur TV et spécialiste de l’Islam politique au Maroc. Sa bibliothèque est aussi passionnante que fascinante. Aussi diverse dans le genre que dans le propos, le confinement littéraire avec Abdellah Tourabi est une incitation au voyage intérieur.

Un livre insolite ?
«L’ivrogne dans la brousse» de l’écrivain nigérian Amos Tutuola. Un livre inclassable entre conte traditionnel et roman d’aventures, peuplé de monstres et de créatures malfaisantes. C’est à la fois drôle, absurde et fascinant.

Le livre qui a changé votre vision de la vie ?
C’est étonnamment un livre de critique littéraire que j’ai découvert au lycée. «Al Thabit wa Al Motahawil» (Le fixe et le mouvant) d’Adonis, le poète et écrivain syrien. Une critique du conservatisme et un éclairage sur les espaces de liberté et d’inventivité dans la culture arabo-musulmane. Un choc !

Le livre qui vous a donné envie de lire ?
L’épopée d’Antar Ibn Chaddad que je lisais goulûment quand j’étais enfant. Un esclave affranchi qui devient poète et chevalier et dont le récit mythique se raconte jusqu’à nos jours dans le monde arabe. Enfant, je rêvais de jouer ce rôle au cinéma mais je crois que c’est un peu trop tard maintenant.

Le livre qui vous fait rire ?
«Le barbier et le nazi» de l’écrivain allemand Edgar Hilsenrath. Les tribulations d’un soldat nazi et antisémite qui fuit l’Allemagne après sa défaite, s’installe en Palestine et devient un fervent sioniste et héros de l’État israélien. C’est hilarant et on rit à chaque page, tellement le personnage est grotesque.

Le livre qui vous émeut ?
Les œuvres complètes du poète égyptien Amal Donkol. Il y a une rage et un refus de la résignation et de l’abattement dans la poésie d’Amal Donkol, emporté par le cancer à l’âge de 43 ans. Il faut le lire à voix haute pour sentir la force des mots.

Le livre que vous avez détesté aimer ?
«La dictature» du philosophe Carl Schmitt. Une critique des faiblesses de la démocratie et notamment dans les moments de crise et éloge d’un État fort. On devine pourquoi l’ombre de ce juriste allemand revient fortement en ces temps de pandémie et de crise.

Le livre qui donne la pêche ?
«Verre cassé» d’Alain Mabanckou. Ce roman dégage une énergie entraînante et on sent la bonne humeur chez celui qui l’a écrit.

Le livre qui vous a fait peur ?
«La bête aveugle» du japonais Edogawa Ranpo. Le récit macabre et pervers d’un sculpteur aveugle fasciné par les corps parfaits des femmes. Son adaptation au cinéma est encore plus cruelle et déroutante.

Le livre que vous pouvez lire et relire ?
«Le monde d’hier» de Stefan Zweig. Autobiographie d’un immense écrivain et témoignage poignant sur une civilisation qui s’effondre. Zweig s’est suicidé immédiatement après avoir fini ce livre pourtant plein d’espoir et de douce nostalgie.

Le livre qui vous avez lu très vite ?
«Le Tunnel» de l’écrivain argentin Ernesto Sabato. En une nuit et d’une traite. Quel grand roman ! On avance sans savoir où l’on se dirige et on ne sait pas ce qui se trame dans la tête du personnage principal.

Le livre que vous auriez aimé écrire ?
«L’orientalisme» d’Edward Saïd mais il me faudra plusieurs vies et de multiples cerveaux pour le faire.

Le livre parfait pour le confinement ?
J’aurais aimé répondre «À la recherche du temps perdu» de Marcel Proust mais «la vie est trop courte et Proust est trop long», comme le disait Anatole France. Je m’en abstiendrai donc.

Le livre courageux ?
«Le passé simple» de Driss Chraïbi. Il fallait beaucoup de courage ou d’insouciance pendant les années 50 pour décrire avec autant de violence les structures sociales traditionnelles du Maroc.

Le livre qui vous a apaisé ?
«Le manuel d’Epictète», un petit livre de philosophie grecque avec des préceptes simples pour affronter les choses de la vie. Lisez juste la première page, vous allez voir.

Le livre que vous emmèneriez sur une île déserte ?
«Les voyages de Gulliver» de Jonathan Swift. Quand je penserais à la compagnie des êtres humains, ce roman m’en dissuadera.

Le livre qui vous ressemble ?
«Solal» d’Albert Cohen.

Votre coup de cœur du moment ?
«Le conseil d’Égypte» de Leonardo Sciascia. Roman historique qui se déroule dans l’Italie du 18e siècle, une satire politique sur les privilèges et les inégalités.

Votre livre de chevet ?
«De la démocratie en Amérique» de Tocqueville. C’est incroyable comment les sujets abordés dans ce livre sont toujours d’actualité, presque deux siècles plus tard ! 


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