Une ambition réaliste de Benabdelkader ?
Beaucoup de chantiers sont ouverts pour la mise en œuvre de la réforme tant attendue de l’administration publique. Le chef de département de tutelle, Mohamed Benabdelkader, compte prendre le taureau par les cornes en s’attaquant, en premier lieu, à la réforme de la haute fonction. Le point sur les projets en vue en 2018.
À l’entendre, Mohamed Benabdelkader semble déterminé à mettre sur les rails la réforme de l’administration ; un chantier ouvert depuis de longues années sans pour autant que des résultats satisfaisants soient réalisés. Mais, le ministre de la Réforme de l’administration et de la fonction publique pourra-t-il réussir là où ses prédécesseurs ont échoué ? En dépit de l’ampleur des défis, le responsable gouvernemental se veut rassurant en raison, entre autres, de «l’engagement gouvernemental, la volonté affichée au plus haut sommet de l’État et du processus enclenché de reddition des comptes». Il espère concrétiser, au cours de ce mandat gouvernemental, une grande partie de la réforme. Benabdelkader affiche un grand optimisme lors d’un point de presse, tenu hier à Rabat, sur le bilan de son département et les perspectives de 2018 ; une année qui devra être marquée par l’accélération du rythme de la réforme de l’administration. Des actions ont été déjà entreprises et d’autres devront être lancées dans les prochaines semaines. En tout cas, la vision paraît désormais claire. Le bal sera ouvert par une refonte de la haute fonction. Un objectif qui passe, d’une part, par la réforme de la loi sur la haute fonction qui a montré ses limites et, d’autre part, par l’instauration d’un nouveau modèle de gestion pour les 10.727 hauts fonctionnaires que compte l’administration publique (3 secrétaires généraux, 400 directeurs centraux, 27 inspecteurs généraux, 2.567 chefs de division et 7.700 chefs de services). Et comme le souligne si bien le chef de département de tutelle, «le corps de la fonction publique est malade. Ainsi, l’intervention doit commencer par la tête et le système nerveux». Il est, en effet, temps de mettre fin au laxisme et à la lenteur administrative au plus haut sommet de l’administration pour asseoir un nouveau système basé sur la contractualisation, les objectifs et la reddition des comptes.
Le système contractuel est mis en place par certains secteurs, mais il n’est pas systématique et n’est pas encore intégré dans la culture administrative. Dans l’avenir, un haut fonctionnaire devra travailler sur la base d’un cahier des charges annuel à l’instar de ce qui se fait dans le secteur privé en vue de donner un coup de fouet au rendement de l’administration publique. Un objectif on ne peut plus ambitieux, mais dont l’application risque de ne pas être de tout repos. Difficile, en effet, de secouer les mentalités et d’infliger les sanctions qui s’imposent à l’égard de ceux qui ne respecteront pas les objectifs fixés. Rien n’est encore tranché quant à cette restructuration en vue de la fonction publique. Un forum national sera bientôt tenu pour lancer la réflexion autour de ce chantier stratégique qui ouvrira la porte à la réforme globale touchant l’ensemble des fonctionnaires de l’administration publique. Il est également prévu de réviser de fond en comble le statut général de la fonction publique qui est dépassé et ne répond plus aux besoins actuels aussi bien des fonctionnaires que des citoyens. Un forum numérique dédié aux fonctionnaires vient d’être lancé sur le portail du ministère de tutelle pour entreprendre une large concertation sur les dysfonctionnements et la vision de réforme. Les syndicats sont aussi appelés à envoyer leur mémorandum au gouvernement pour pouvoir entamer la refonte du statut général de la fonction publique afin d’y introduire, entre autres, la formation continue, l’évaluation des fonctionnaires ainsi que la gestion prévisionnelle des compétences. Le ministre de la Réforme de l’administration entend réformer même les textes régissant le recrutement dans les cabinets pour pouvoir atteindre l’efficacité tant escomptée en termes de qualité. Par ailleurs, le gouvernement est très attendu sur la Charte de la déconcentration administrative, un texte qui a trop tardé à voir le jour.
Rappelons que le chef de gouvernement, Saâd Eddine El Othmani, s’était engagé à le sortir fin 2017 ou début 2018. La plateforme de cette charte a été élaborée par l’ancien gouvernement et a été révisée par l’actuel Exécutif, en vue de mettre en place le meilleur cadre de déconcentration administrative. Les administrations devront être regroupées en des pôles dans le souci de la rationalisation des dépenses et des ressources ainsi que de l’amélioration de la convergence entre les différents acteurs. La mise en place de cette charte devra être suivie par le lancement de la charte des services publics stipulée par la loi fondamentale. La première mouture préparée par le gouvernement de Benkirane a été amendée en y intégrant les droits de l’Homme, en vue d’ériger en priorité la notion de service public. Un principe qui devra s’accompagner de nombre de nouvelles mesures comme la transcription et l’affichage de toutes les procédures dans les administrations afin d’éviter les abus. Ce projet est inscrit dans le plan d’action de Benabdelkader. Toute réforme sera vaine sans une promotion de la dématérialisation. Un plan national pour la transformation électronique de l’administration devra être lancé. Le chantier est déjà entamé et plusieurs projets sont prévus. Il s’agit notamment du portail national des réclamations dont le lancement officiel est prévu le 9 janvier en présence du chef de gouvernement. Outre ce projet, il est envisagé de développer un ensemble d’outils prenant en compte le rôle incontournable des technologies de l’information et de la communication dans la simplification des procédures administratives. L’objectif est de permettre aux administrations d’interfacer leurs systèmes d’information avec la gateway gouvernementale et d’échanger les informations nécessaires au traitement des procédures administratives initiées par les usagers. Il est certain qu’en donnant un coup de fouet aux nouvelles technologies au sein de l’administration publique, celle-ci devra changer de fonctionnement. En effet, des métiers vont disparaître et d’autres vont naître. Un tel changement serait difficile à opérer face aux résistances.