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Transitions durables : un think tank décentraxlisé pour façonner l’Afrique de demain

Fraîchement créé, l’Institut international pour la transition durable en Afrique se donne pour mission de repenser l’avenir du continent en misant sur la décentralisation face aux défis démographiques, économiques et climatiques.

Lorsqu’il est question de transitions en Afrique, l’attention se porte souvent sur la dimension climatique, reléguant au second plan d’autres enjeux tout aussi fondamentaux. À Marrakech, le Forum de la transition africaine, organisé par UCLG Africa, s’est donné pour mission de transcender ce prisme réducteur.

Le comité exécutif fraîchement constitué de l’Institut international pour la transition durable en Afrique entend élargir la réflexion à toutes les facettes de la durabilité, interrogeant les modèles sociaux, économiques et culturels du continent.

Réuni au Musée Mohammed VI de la civilisation de l’eau, ce forum a rassemblé divers acteurs pour débattre des transitions économiques, environnementales et sociales. L’ambition affichée est de stimuler l’innovation, de renforcer les compétences des principaux acteurs et d’attirer les ressources nécessaires à la réalisation de projets concrets.

Démographie : un défi majeur
Cet espace de réflexion s’est penché sur les défis auxquels l’Afrique est confrontée, en cherchant à élaborer des solutions adaptées aux spécificités locales. Parmi ces enjeux majeurs, la dynamique démographique retient toute l’attention. Avec une population qui pourrait doubler d’ici 2050, le continent se trouve face à un défi colossal, celui de transformer cette croissance en un levier de développement. Majoritaire et de plus en plus éduquée, la jeunesse africaine incarne une promesse majeure.

Cependant, le défi demeure immense. Il s’agit d’offrir à cette génération des opportunités d’emploi suffisantes tout en préservant un équilibre social fragile. L’urbanisation galopante, reflet direct de cette poussée démographique, redessine la carte du continent.

De Lagos à Kinshasa, en passant par Le Caire, les mégapoles africaines sont devenues des laboratoires où se joue, en partie, l’avenir du continent. Ces villes incarnent à la fois l’espoir d’une modernité africaine et les risques d’une croissance non maîtrisée.

Lors de la première journée du forum, deux panels ont particulièrement capté l’attention des participants. L’un portait sur les paradoxes des transitions, l’autre sur le rôle crucial des dynamiques locales. Les échanges ont mis en lumière les contradictions inhérentes à certains projets de transition, tout en soulignant l’importance de l’ancrage local dans le succès de ces initiatives

L’urgence climatique
L’Afrique est en première ligne face au réchauffement climatique, bien qu’elle n’en soit qu’un contributeur marginal. Du Sahel aux côtes de l’Océan Indien, les effets sont déjà dévastateurs : sécheresses, inondations, érosion des littoraux.

Face à cette vulnérabilité, le continent mise sur des projets d’envergure, comme la Grande muraille verte, pour répondre aux défis environnementaux.

«Il ne suffit plus de se concentrer sur l’adaptation et l’atténuation des effets du changement climatique, il faut aller plus loin dans l’action», souligne Lahouari Bounoua, scientifique au sein de la NASA, insistant sur l’urgence de repenser la manière dont les pays africains abordent leur réponse aux bouleversements climatiques.

«L’Afrique doit être à l’avant-garde, en prenant des mesures audacieuses et en exploitant son potentiel naturel et humain pour véritablement transformer ses sociétés».

En ce sens, le Maroc s’est imposé comme un modèle en matière de transition énergétique, avec une stratégie ambitieuse axée sur les énergies renouvelables. Le Royaume vise à porter la part de ces énergies à plus de 52% de son mix énergétique d’ici 2030. Ce positionnement en fait un acteur clé de la transition verte en Afrique, un exemple concret de l’alliance entre innovation et durabilité.

Initiative Atlantique
Le Forum a également mis en exergue la nécessité d’une coopération Sud-Sud, soulignant que les solutions aux défis africains doivent d’abord émaner du continent lui-même. Fort de ses ressources humaines et naturelles, l’Afrique a la capacité de devenir l’architecte de son propre avenir durable, à condition de mobiliser des ressources adéquates et d’encourager l’innovation locale. À cet égard, l’initiative Atlantique, qui vise à désenclaver les pays du Sahel, s’inscrit pleinement dans cette dynamique.

Ce projet stratégique prévoit la construction d’un réseau d’infrastructures reliant les pays enclavés du Sahel aux corridors maritimes de l’Atlantique, facilitant ainsi le commerce intra-africain et l’intégration économique.

«L’Afrique doit tirer parti de sa géographie unique pour construire des ponts entre ses régions, non seulement sur le plan économique, mais aussi en termes d’infrastructures de développement. Et l’initiative Atlantique incarne cette vision», souligne Ahmed Said Ould Bah, président de l’Université moderne de Chinguitt.

Fracture numérique
Sur le plan économique, l’Afrique cherche à se redéfinir. L’entrée en vigueur de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) en 2021 ouvre de nouvelles perspectives de développement, avec un marché unique de 1,2 milliard de consommateurs. Cette initiative pourrait renforcer le commerce intra-africain et favoriser l’émergence d’une industrie locale compétitive.

Dans cette dynamique, l’innovation technologique joue un rôle clé pour accélérer cette transformation. Le potentiel de la révolution numérique est immense. Des initiatives comme M-Pesa au Kenya ou Jumia au Nigeria illustrent la capacité du continent à transformer son économie grâce aux technologies. Toutefois, les disparités numériques demeurent importantes, et l’Afrique devra combler ce fossé pour véritablement intégrer l’économie mondiale en mutation.

Comme l’a souligné Ahmed Said Ould Bah, président de l’Université moderne de Chinguitt  : «Critiquer la technologie est facile, mais elle reste un vecteur d’égalité. Il suffit de voir le nombre croissant de chercheurs et experts africains dans des domaines de pointe aux États-Unis et en Europe».

Transitions interdépendantes
Ces transformations s’avèrent indissociable des modèles de gouvernance.  Les transitions politiques que traverse le continent sont marquées par des avancées inégales. Si certaines nations africaines ont consolidé leurs institutions démocratiques, d’autres restent confrontés à des crises d’instabilité.

Pourtant, l’essor de la société civile et l’émergence de mouvements citoyens témoignent d’un désir de changement. La décentralisation, soutenue par des organisations comme UCLG Africa, apparaît comme une solution prometteuse pour rapprocher le pouvoir des citoyens.

Cependant, cette démarche se heurte encore à la résistance des pouvoirs centraux. Laila Mandi, secrétaire générale de l’Institut international pour la transition durable en Afrique, a rappelé l’importance d’un renforcement des moyens de gouvernance par la technologie, pour garantir une souveraineté accrue des États africains.

Ces transitions, qu’elles soient politiques, économiques ou sociales, sont toutes étroitement liées et nécessitent une approche intégrée. En cela, ces transitions interdépendantes pourraient faire de l’Afrique un véritable laboratoire d’innovations face aux enjeux de l’époque.

Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO



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