Éco-Business
Taux obligataires : vers une lente décrue dans un marché encore tendu

Dans un contexte marqué par une tension persistante sur la liquidité bancaire, les rendements obligataires amorcent une légère décrue, portée par la prudence du Trésor et un positionnement maîtrisé de Bank Al-Maghrib.
Dans un contexte de tensions persistantes sur la liquidité bancaire, le marché obligataire donne des signes de détente progressive. La dernière édition du Fixed Income Weekly de BMCE Capital Global Research (BKGR) livre une lecture nuancée des dynamiques monétaires et obligataires de la semaine écoulée, où la prudence du Trésor contraste avec la poursuite du resserrement monétaire de la Banque centrale.
Une liquidité bancaire sous pression croissante
La tendance de fond reste inchangée sur le marché monétaire. Le déficit de liquidité bancaire continue de se creuser, atteignant une moyenne hebdomadaire de -176,4 milliards de dirhams (MMDH), soit une aggravation de 4,28% par rapport à la semaine précédente.
Pour contenir cette tension, Bank Al-Maghrib a accru le volume de ses avances à 7 jours, injectant 52,4 MMDH, en hausse de plus de 3,4 milliards. Malgré cette intervention, les indicateurs de taux à court terme demeurent stables, signe d’une relative efficacité du pilotage monétaire.
Le taux moyen pondéré interbancaire (TMP) reste ancré à 2,25%, tandis que le MONIA, indice de référence pour les opérations de pension livrée, recule marginalement à 2,225%. Ces niveaux reflètent l’ancrage des anticipations autour d’un statu quo de la politique monétaire à court terme.
Un Trésor attentiste malgré une position de force
Sur le marché primaire, la stratégie du Trésor semble dictée par une posture de retenue. Lors de la dernière adjudication, il n’a levé que 500 MDH sur une offre totale de 4,18 milliards, soit à peine 12% du montant mis sur le marché. Cette levée a été concentrée sur la ligne à 2 ans, à un taux limite de 2,3555%, en léger repli de 0,9 point de base.
Cette timidité relative s’explique par des fondamentaux budgétaires actuellement favorables. Comme le souligne BKGR, les récentes rentrées fiscales, notamment les acomptes de l’impôt sur les sociétés, ainsi que le recours réussi au financement international, offrent au Trésor une marge de manœuvre appréciable.
Dans ce contexte, il privilégie une gestion opportuniste de son calendrier d’émissions, dans l’attente de meilleures conditions de taux.
Un marché secondaire orienté à la baisse
La détente est également visible sur le marché secondaire, où la courbe des taux s’oriente franchement à la baisse. Les plus fortes variations concernent les maturités 2 ans (-4,37 points de base), 5 ans (-2 points) et 52 semaines (-1,84 point).
Ce mouvement est interprété par BKGR comme le signe d’une consolidation baissière des taux souverains, portée par les anticipations d’une offre modérée du Trésor à court terme et l’absence de tombées significatives jusqu’au mois de juin.
La courbe des taux reste néanmoins relativement pentue, traduisant la persistance de primes de risque liées aux incertitudes macroéconomiques globales, notamment sur les marchés émergents. Mais la dynamique actuelle conforte les acteurs du marché dans une lecture plus optimiste des conditions de financement de l’État sur le moyen terme.
Stabilité des conditions de financement
Du côté de la dette privée, les émissions de certificats de dépôt demeurent dynamiques, avec des taux faciaux stables dans une fourchette de 2,42% à 2,63% selon les émetteurs et la maturité.
Parmi les opérations notables, on relève l’émission par CFG Bank d’un certificat de dépôt à un an au taux de 2,63%, le plus élevé de la semaine, confirmant la sélectivité du marché en matière de prime de crédit.
Dans le segment des bons de sociétés de financement, Wafasalaf a procédé à une émission à 3 ans avec un taux facial de 2,91%, reflet d’une prime de durée plus marquée sur ce type d’instrument.
Vers une consolidation modérée des taux
Pour les prochaines semaines, BKGR anticipe une poursuite du mouvement de consolidation sur les taux. En l’absence de besoins urgents du Trésor et avec une Banque centrale vigilante mais pas encore en phase d’assouplissement, les rendements pourraient se stabiliser, voire refluer légèrement sur certaines maturités.
Toutefois, le déficit de liquidité bancaire, s’il venait à s’aggraver davantage, pourrait exercer une pression haussière ponctuelle, notamment sur les taux courts.
En définitive, le marché obligataire semble s’engager sur un sentier de normalisation progressive, où la prudence reste de mise, mais sans signaux de tensions majeures à ce stade. L’équation reste sensible aux arbitrages du Trésor, à l’évolution des équilibres extérieurs et aux signaux de politique monétaire de Bank Al-Maghrib. Un triptyque que les investisseurs continueront de scruter avec attention dans les semaines à venir.
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO