Éco-Business

Secteur électrique : une régulation proactive

Le rapport annuel 2023 de l’ANRE, publié au Bulletin officiel en août 2025, constitue un document de référence pour comprendre les dynamiques du secteur électrique national. Il offre une radiographie complète de la production, de la consommation, des mutations réglementaires et des ambitions stratégiques.

Urgence climatique, volatilité des marchés de l’énergie et reconfiguration des équilibres géopolitiques, trois motivations stratégiques qui ont poussé le Maroc à s’inscrire dans une dynamique ambitieuse de transition énergétique. C’est dans cette logique que l’Autorité nationale de regulation de l’électricité (ANRE) a vu le jour en 2016, avec pour principale mission de veiller au bon fonctionnement du marché, dans un cadre transparent, équitable et concurrentiel.

Quelques années plus tard, le rapport annuel du régulateur au titre de l’année 2023, qui vient de paraître dans le tout dernier Bulletin officiel, renseigne que ces prérogatives se sont traduites par un travail approfondi sur plusieurs axes : révision tarifaire, gouvernance, accompagnement de la libéralisation progressive du marché et dialogue renforcé avec les parties prenantes.

Dans l’avant-propos dudit rapport, le président de l’ANRE, Abdellatif Bardach, affirme : «L’année 2023 confirme l’engagement constant de l’Autorité en faveur de la transparence, de l’innovation et de l’ouverture sur l’avenir».

Cette volonté s’est matérialisée par des avancées concrètes, notamment la finalisation d’une nouvelle méthodologie tarifaire, des concertations accrues avec les gestionnaires de réseau, et la participation active à des forums internationaux majeurs sur la régulation énergétique.

Une demande en forte croissance
En 2023, la demande nationale nette d’électricité a atteint 43,95 TWh, marquant une hausse de 3,8% par rapport à 2022. Ce rebond confirme la reprise économique post-Covid, soutenue par la consommation industrielle et le développement de nouveaux pôles urbains.

Le réseau de transport a parfaitement répondu à cette demande croissante, avec un taux de couverture interne de 96,3%, limitant ainsi la dépendance aux importations. Par ailleurs, la structure de la production a elle aussi évolué. Le mix énergétique national reste dominé par le charbon (64%), mais les énergies renouvelables confirment leur montée en puissance.

Avec 21,7% de la production totale, elles ont progressé de 22,7% en un an, grâce à la consolidation des capacités éoliennes et solaires opérationnelles. Quant au gaz naturel, il a connu une véritable résurgence (10%), conséquence directe de la signature en 2022 du premier contrat d’achat de gaz naturel liquéfié (GNL), permettant au Maroc de diversifier ses approvisionnements.

L’ANRE observe par ailleurs que «le Maroc répond de plus en plus à sa demande en énergie en opérant une transition graduelle vers des sources plus durables», en cohérence avec les orientations de la Stratégie énergétique nationale.

Réforme tarifaire, un chantier stratégique majeur
Parmi les initiatives phares de 2023, le rapport recense l’élaboration d’un nouveau cadre tarifaire pour l’utilisation du réseau de transport et des services du système électrique. Ce dispositif, élaboré en concertation avec les opérateurs (ONEE, concessionnaires, producteurs indépendants), repose sur une méthodologie transparente visant à «garantir un juste retour sur investissement pour les gestionnaires tout en préservant la compétitivité économique».

L’ANRE, dans son rapport, anticipe que la décision tarifaire définitive, programmée pour l’exercice 2024, introduise une différenciation selon les profils de consommation, des incitations à l’efficacité énergétique et une meilleure valorisation des services système (équilibrage, secours, etc.).

Cette décision est considérée comme un virage structurant, visant à faire du tarif un levier de transformation plutôt qu’un simple outil de recouvrement de coûts.

Gouvernance, transparence et transformation numérique
L’ANRE s’est également attelée à moderniser sa gouvernance interne et ses outils de pilotage. Le rapport évoque le déploiement d’un système d’information intégré, articulé autour de trois piliers : performance institutionnelle, gestion des ressources humaines et supervision du marché.

Dans ce cadre, la feuille de route 2023-2027 a été définie pour assurer l’implémentation de ces chantiers, avec un accent particulier sur la numérisation des processus et la traçabilité des décisions.

Cette démarche de transformation numérique s’inscrit dans une vision plus large d’exemplarité et de redevabilité publique. Le président Bardach insiste sur «la nécessaire agilité institutionnelle pour réguler un secteur en pleine mutation».

Autoproduction, hydrogène vert, dessalement : les nouvelles frontières
Dans un secteur en mutation et afin d’anticiper les défis émergents, trois champs majeurs de régulation ont été définis en 2023. D’une part, la mise en selle d’un cadre réglementaire spécifique pour encadrer l’accès au réseau des producteurs autonomes, notamment industriels et territoriaux.

D’autre part, l’année 2023 a aussi été marquée par l’engagement du Maroc dans la voie de l’hydrogène vert. Le rapport de l’ANRE rappelle, notamment, l’institution d’un groupe de travail dédié afin de bâtir les bases juridiques et techniques de ce futur pilier de la décarbonation, notamment pour l’export vers l’Europe. Le document retrace ainsi la création d’une commission nationale (2019), d’une feuille de route (2021) et de l’initiative «Offre Maroc» (2022), couvrant toute la chaîne de valeur.

Troisième chantier clé, celui du dessalement. C’est ainsi que l’ANRE a accompagné la structuration d’un marché compétitif pour les projets de dessalement alimentés en énergie renouvelable, jugés «d’une portée stratégique régionale». Afin de mesurer le chemin accompli par le Royaume dans ces trois volets, depuis 2023, il faut souligner que plusieurs avancées ont été accomplis.

L’ANRE a ainsi accompagné l’entrée en vigueur des lois 40.19 (production autonome d’électricité) et 82.21 (renouvelables), qui renforcent ses prérogatives. Ces textes confèrent à l’Autorité la responsabilité de fixer et publier annuellement la capacité d’accueil des énergies renouvelables sur le réseau national, un mécanisme essentiel pour garantir la transparence et attirer les investisseurs. Ils confient aussi à l’ANRE le soin de réguler la vente du surplus d’électricité produit par les autoproductions, une avancée notable pour dynamiser l’écosystème énergétique marocain.

Sur le terrain, le cadre de l’autoproduction a été concrètement élargi. Le seuil de capacité est passé de 300 MW à 5 MW, ouvrant l’accès aux PME et aux collectivités. Quatre décrets d’application de la loi 82.21 sont en cours de finalisation, couvrant le raccordement, la gestion des surplus et le stockage.

Parallèlement, une plateforme d’accompagnement est prévue, incluant un fonds d’appui aux PME spécialisées et un soutien à la fabrication locale de composants solaires et de systèmes de gestion. Concernant l’hydrogène vert, le Maroc a confirmé sa détermination à devenir un acteur de poids.

En 2025, six projets ont été retenus dans ce cadre, représentant environ 319 milliards de dirhams d’investissements, pour une capacité de 20 GW en renouvelables, 10 GW d’électrolyseurs et une production de 8 millions de tonnes de dérivés d’hydrogène (ammoniac vert, carburant synthétique, acier vert). Un consortium international (Ortus, Acciona, Nordex, Taqa, Cepsa, Nareva) est mobilisé.

Dans le domaine du dessalement, enfin, le Royaume a accéléré ses projets depuis 2023 : 16 stations opérationnelles, 5 en construction, et un objectif de couvrir 50% des besoins en eau potable d’ici 2030. L’usine d’Agadir produit déjà 275.000 m³/jour. Le projet de Casablanca se distingue comme la première station au monde alimentée à 100% en énergies renouvelables, grâce à un parc éolien de 360 MW à Bir Anzarane.

Le Maroc déploie également 200 stations mobiles de dessalement pour desservir trois millions de personnes d’ici fin 2025. Des acteurs comme Taqa Morocco ou Amea Power s’impliquent dans des projets combinant dessalement et hydrogène vert, confirmant la portée stratégique régionale de ces chantiers.

De manière générale, l’ANRE réaffirme son ambition d’être une autorité proactive, agile et orientée vers la durabilité. «Nous continuerons à garantir un climat d’investissement sécurisé, une transition énergétique inclusive, et une interconnexion croissante avec nos partenaires régionaux et continentaux», souligne le rapport.

Diplomatie énergétique studieuse

Sur le plan régional et international, l’année 2023 a été marquée par un rayonnement diplomatique accru de l’ANRE. Le Maroc a assuré la présidence de la MEDREG (Association des régulateurs méditerranéens) et de la Plateforme francophone de régulation, deux postes clés qui ont permis de promouvoir l’expertise marocaine en matière de régulation énergétique.

L’ANRE a également renforcé ses partenariats avec des homologues stratégiques, tels que la NARUC (USA), l’ERERA (Afrique de l’Ouest), ou encore l’ICER (forum mondial des régulateurs). Ces coopérations ont porté sur la régulation du gaz, les mécanismes de flexibilité du réseau, et la place croissante des technologies numériques dans le suivi des flux électriques.

H.K. / Les Inspirations ÉCO



PLF 2026 : cap sur l’investissement et l’inclusion


Recevez les actualités économiques récentes sur votre WhatsApp Suivez les dernières actualités de LESECO.ma sur Google Actualités

Rejoignez LesEco.ma et recevez nos newsletters




Bouton retour en haut de la page