Restructurations des groupes de sociétés : une fiscalité encore plus souple en 2025
En 2025, le régime fiscal des transferts d’actifs entre sociétés du même groupe sera encore plus accessible et flexible, grâce aux changements majeurs introduits par la Loi de finances. Décryptage de ces nouvelles dispositions qui optimisent la gestion des actifs pour les groupes.
En 2025, «les entreprises auront la possibilité d’évaluer les actifs transférés soit à leur valeur réelle, soit à leur valeur nette comptable. Cette option permet une meilleure adaptation aux réalités spécifiques des entreprises, apportant ainsi plus de souplesse et d’optimisation dans la gestion des actifs», explique Lhaj Boulanouar, expert-comptable et commissaire aux comptes.
Il faut dire que la possibilité désormais offerte d’évaluer les actifs transférés soit à leur valeur réelle, soit à leur valeur nette comptable, constitue un changement majeur et un réel atout pour les groupes.
Cette flexibilité permettra une meilleure adaptation aux spécificités de chaque situation et une optimisation accrue de la gestion fiscale des actifs. L’option d’évaluer à la valeur réelle consiste à réévaluer les immobilisations au prix du marché actuel. Elle permet de prendre en compte d’éventuelles plus-values latentes sur des actifs qui auraient pris de la valeur dans le temps. Transférer ces actifs à leur valeur réelle actualisée génère alors une plus-value qui restera non taxée grâce au régime de faveur. Un moyen judicieux d’incorporer ces plus-values dans le patrimoine de la société receveuse sans fiscalité immédiate.
A l’inverse, certains actifs peuvent avoir été dépréciés sur le plan comptable par rapport à leur valeur d’acquisition initiale. Dans ce cas, une évaluation à la valeur nette comptable historique plutôt qu’à la valeur vénale réelle permettra d’éviter de cristalliser une moins-value fiscale lors du transfert.
Cette possibilité offrira plus de souplesse, notamment dans le cadre d’opérations de regroupement d’activités déficitaires. Ce double choix d’évaluation constitue un levier fiscal puissant pour lisser l’impact des transferts d’actifs selon leur nature et leur historique comptable au sein du groupe. Les entreprises pourront ainsi parfaitement ajuster leur stratégie de gestion des plus et moins-values pour chaque opération de restructuration interne.
Combiner cette option d’évaluation flexible avec les autres avantages du régime (report d’impôt sur les plus-values, périmètre élargi avec l’abaissement du seuil de participation, etc.) permettra aux groupes d’optimiser significativement leurs opérations de transferts et d’organiser des restructurations en toute agilité et efficacité fiscale. Mais ce n’est pas tout. Zoom sur d’autres changements clés du nouveau régime fiscal incitatif prévu par l’article 16 bis I du Code général des impôts pour la restructuration des groupes..
Abaissement du seuil de participation minimale requis
Désormais, le groupe doit être constitué autour d’une société mère détenant au moins 66,67% (deux tiers) du capital des filiales, contre 80% auparavant. Cet abaissement du seuil de participation minimale de la société mère dans ses filiales constitue un assouplissement majeur qui élargit considérablement le champ d’application du régime fiscal avantageux pour les transferts d’actifs au sein des groupes.
Auparavant, seuls les groupes dont la société mère détenait au moins 80% du capital de ses filiales pouvaient prétendre au régime de faveur de l’article 16 bis I du CGI. Un seuil élevé qui en excluait un grand nombre, notamment ceux ayant opté pour une répartition capitalistique différente ou ayant dû ouvrir une partie du capital à des investisseurs minoritaires.
Désormais, en abaissant ce seuil à 66,67%, de nombreux autres groupes où la société mère n’a qu’une participation aux deux tiers dans ses filiales pourront eux aussi bénéficier de ce cadre fiscal allégé. Une ouverture du dispositif à davantage de configurations capitalistiques réelles. Ce seuil assoupli facilitera grandement les opérations de restructuration pour de nombreux groupes. Ils pourront procéder à des transferts d’actifs de manière plus aisée et optimisée entre la société mère et les filiales dans lesquelles elle détient les deux tiers du capital, ou entre ces filiales elles-mêmes.
«C’est un changement qui va dans le bon sens pour accompagner au mieux les besoins de flexibilité et de réorganisation des groupes d’entreprises», précise un analyste.
Davantage de groupes éligibles, c’est aussi plus d’opportunités saisies pour rationaliser les actifs, regrouper des activités similaires, mutualiser des moyens de production, etc. Le régime deviendra ainsi un catalyseur encore plus puissant pour les opérations de croissance externe, de restructuration interne, ou encore de transmission d’entreprise au sein des groupes familiaux. Un accès désormais très large qui devrait encourager de nombreux groupes à se réorganiser et optimiser leur structure juridique tout en bénéficiant des avantages fiscaux de ce dispositif allégé.
Conditions sur les titres reçus en échange
Mais, attention ! Ces titres, obtenus en contrepartie des actifs apportés, doivent impérativement rester détenus au sein du périmètre du groupe consolidé. Toute cession ou utilisation en dehors de ce cadre est prohibée. Cette condition concernant les titres reçus en contrepartie des actifs transférés dans le cadre du régime fiscal de faveur est une clause essentielle qui encadre strictement le périmètre d’application de ce dispositif. Lorsqu’une société du groupe apporte des actifs (immobiliers, financiers, incorporels, etc.) à une autre entité liée, elle reçoit en échange des titres (actions, parts sociales) de cette dernière.
Le nouveau régime impose que ces titres ainsi obtenus restent obligatoirement détenus dans le giron du groupe après l’opération. Toute cession externe ou utilisation de ces titres en dehors du périmètre d’appartenance au groupe est donc formellement prohibée. Ils ne peuvent être cédés à un tiers, apportés à une société externe, ou utilisés comme moyen de paiement hors groupe par exemple.
Cette clause restrictive très stricte vise à garantir l’intégrité du périmètre capitalistique du groupe avant et après les transferts d’actifs. Elle empêche que le régime de faveur ne soit indûment détourné pour effectuer des opérations de désinvestissement ou de restructuration capitalistique sortant du cadre consolidé du groupe. Il s’agit d’une condition impérative pour continuer à bénéficier des avantages fiscaux permis par ce dispositif dérogatoire. Tout manquement ou velléité de contournement entraînerait une remise en cause du régime de faveur, avec une régularisation des plus-values réalisées devenues alors immédiatement imposables.
Cette obligation reflète bien la philosophie derrière ce régime fiscal, qui vise à faciliter la gestion et l’optimisation des actifs au sein d’un groupe économique unique, en autorisant temporairement certains transferts et restructurations dans un cadre juridique et capitalistique parfaitement maîtrisé et contraint.
Au final, c’est un garde-fou qui sécurise l’utilisation du régime dans son esprit initial, tout en interdisant les potentielles dérives vers des montages de portage, d’acquisition ou de transmission déguisée au-delà du périmètre consolidé du groupe.
Prendre en compte toutes les implications
Si le nouveau régime fiscal encadrant les transferts d’actifs au sein des groupes s’avère très avantageux, les entreprises ne doivent pas pour autant se lancer tête baissée dans ce type d’opérations complexes. Une analyse minutieuse au cas par cas reste primordiale pour maximiser la portée et la pérennité des bénéfices escomptés. Il ne suffit pas de décider de transférer des actifs entre sociétés liées pour automatiquement profiter des avantages fiscaux. De multiples aspects doivent être soigneusement examinés et anticipés pour réussir ce type de restructurations dans les règles de l’art.
Au-delà des simples économies d’impôts temporaires, l’impact juridique, comptable et de gestion patrimoniale des transferts doit être parfaitement mesuré et intégré dans une démarche globale. Sans compter les enjeux de gouvernance, d’organisation et de stratégie industrielle du groupe à prendre en compte. C’est pourquoi une méthodologie rigoureuse, impliquant l’ensemble des expertises juridiques, fiscales, comptables et financières est requise. Seule une approche véritablement transversale et coordonnée permettra d’appréhender toutes les dimensions de ce type de projets. Il s’agit d’arbitrer en amont les différentes stratégies envisageables, d’en parfaitement sécuriser la mise en œuvre opérationnelle et juridique, tout en assurant un suivi administratif et comptable rigoureux dans la durée. Le tout en respectant scrupuleusement les conditions d’éligibilité au régime fiscal de faveur.
«Ce n’est qu’au prix d’une telle démarche structurée et globale que les entreprises pourront véritablement tirer la quintessence des nouveaux aménagements du régime fiscal tout en sécurisant leurs opérations», insiste un fiscaliste.
Optimiser la valorisation des actifs, organiser des redéploiements efficients d’activités, arrimer la structure juridique et capitalistique à la stratégie industrielle, autant d’objectifs qui ne pourront être durablement atteints que par une mise en œuvre experte et professionnelle des transferts.
Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO