Éco-Business

Tissus importés : la taxe de trop

Face à une nouvelle revalorisation jugée brutale des valeurs douanières sur certains tissus importés, les professionnels du secteur tirent la sonnette d’alarme. Une décision qui les laisse perplexes, mais les met surtout dans l’embarras puisque les frais occasionnés se chiffrent en millions de dirhams. L’ANIT exhorte ainsi l’administration des douanes pour reconsidérer la décision qui déstabilise le secteur et se répercute in fine sur le consommateur final.

Pas de répit pour les professionnels du secteur textile et bonneterie. Après un épisode houleux avec le ministère du Commerce au sujet des certificats de conformité, les importateurs de tissus font face à un nouvel obstacle : depuis quelques jours, ils assistent à une revalorisation soudaine des valeurs douanières appliquées à certaines matières importées, provoquant inquiétude et tension au sein de la profession.

Préjudices
Dans une lettre adressée à la Direction générale des douanes et impôts Indirects, l’Association nationale des importateurs de tissus (ANIT) dénonce une hausse «flagrante» des valeurs de référence servant de base au calcul des droits de douane, et réclament ainsi une reconsidération de cette nouvelle nomenclature. En ligne de mire : le tissu «crêpe de soie», importé principalement de Corée.

La valeur douanière de ce produit, qui avait déjà été rehaussée à 80 dirhams le kilogramme il y a près de deux ans, vient de passer à 110 DH, soit une augmentation de 37,5%. Une décision qui aurait été prise sans préavis, selon les professionnels.

«Le même scénario se répète : aucune concertation, aucune annonce. Nous demandons simplement à être informés en amont de telles modifications pour pouvoir anticiper et prendre les précautions nécessaires», déplore Younès El Moufti, président de l’ANIT.

L’impact de cette hausse est considérable. Cette dernière se traduit par une augmentation de 10,50 DH par kilo en droits de douane, ce qui entraîne, pour les importateurs, un coût supplémentaire parfois supérieur à la valeur d’achat du tissu auprès du fournisseur (environ 2,30 DH le kilo).

Comme conséquence directe, une trentaine de conteneurs seraient actuellement bloqués dans les ports de Casablanca et Tanger, leurs propriétaires n’ayant pas les moyens de régler les nouveaux droits de douane. Le coût du dédouanement s’élèverait désormais à plus de 340.000 DH par conteneur, selon les estimations des professionnels.

Un marché sous tension
Les importateurs accusent certains industriels nationaux, membres influents de l’AMITH (Association marocaine des industries du textile et de l’habillement), de peser sur les décisions administratives pour protéger leur propre production. «Il est clair que cette mesure avantage des groupes locaux qui produisent des tissus similaires, mais souvent de moindre qualité et à des prix plus élevés», affirme un opérateur.

Selon les données recueillies auprès de professionnels, le tissu local similaire se vend en gros autour de 60 DH le mètre, contre 45 DH pour le tissu importé, dédouanement compris, avant l’application de la nouvelle tarification.

En matière de qualité, plusieurs acteurs estiment que le produit coréen reste supérieur. Pour eux, l’importation permet de répondre à une demande que la production nationale peine à satisfaire, tant en termes de volume que de standard.

Par ailleurs, cette nouvelle hausse intervient dans un contexte de révision des accords commerciaux entre le Maroc et ses partenaires, notamment la Turquie, où des mesures spécifiques ont été prises sur le textile. Si les autorités cherchent à favoriser la production nationale, les professionnels estiment que les petites structures en paient le prix fort.

«L’industrie locale ne parvient pas à monter en gamme. Il faut investir dans des machines performantes, comme en Corée, pour améliorer la qualité du tissu», explique un autre importateur.

Les professionnels s’inquiètent également des répercussions inévitables de cette hausse sur les prix de vente au détail.

«Cette charge supplémentaire finira par être supportée, in fine, par le consommateur. Or, le pouvoir d’achat des Marocains est déjà sous pression», prévient-on du côté de l’ANIT.

Dans un autre registre, les importateurs sont surpris de voir le textile supprimé de la liste des produits contrôlés à l’origine, après avoir bataillé pour maintenir le schéma classique pour l’obtention du certificat de conformité. Malgré des efforts affichés pour renforcer l’intégration locale de la filière, le secteur reste largement dépendant de l’extérieur. Près de 85% des intrants utilisés dans la confection textile au Maroc sont importés. Une dépendance structurelle difficilement conciliable avec un durcissement de la politique douanière, estiment les professionnels.

Dans ce climat tendu, les importateurs appellent à la tenue d’une réunion avec l’administration des douanes. Faute de dialogue, préviennent-ils, c’est tout un pan de la filière textile marocaine qui risque de se retrouver à l’arrêt.

Younès El Moufti
Président de l’ANIT

«Le même scénario se répète : aucune concertation, aucune annonce. Nous demandons simplement à être informés en amont de telles modifications pour pouvoir anticiper et prendre les précautions nécessaires. Il est clair que cette mesure avantage des groupes locaux qui produisent des tissus similaires, mais souvent de moindre qualité et à des prix plus élevés.»

Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO



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