Programme national du logement social : Le grand ratage
Un déphasage est relevé entre les objectifs et les besoins, selon l’état des lieux dressé par la Cour des comptes. Les incitations fiscales sont, par ailleurs, jugées inadaptées. L’absence de mécanismes de régulation de l’offre en logement social reste également préoccupante.
Le diagnostic livré par les magistrats de la Cour des comptes à propos du programme national du logement social n’a rien du satisfecit. En effet, la haute Cour a estimé qu’une panoplie de failles ont entaché la gestion de ce chantier, qui a connu sa vitesse de croisière depuis l’investiture de l’ancien gouvernement de Benkirane (janvier 2012 à octobre 2017) et qui devait impacter positivement le niveau de vie de la population cible des divers programmes arrêtés par l’État, en partenariat avec les collectivités territoriales et les promoteurs immobiliers.
Le constat majeur des juges de la Cour des comptes est sans aucun doute le hiatus flagrant entre les objectifs tracés et les résultats obtenus et qui ont pour origine «l’insuffisance des mesures de ciblage et d’attribution de ces produits et « un manque de verrouillage susceptible de faire bénéficier les efforts financiers de l’État à la véritable catégorie pour laquelle le logement social a été instauré», selon les conclusions du rapport couvrant la période 2016-2017. Les dysfonctionnements relevés par la Cour ont porté aussi sur «la modulation inadaptée des incitations fiscales», rappelant au passage que l’État a donné le coup d’envoi, respectivement en 2008 et 2010, au programme de production du logement social à 140.000 DH et 250.000 DH.
«L’État a fixé comme objectifs, de produire 130.000 logements à 140.000 DH sur la période 2008-2012 et 300.000 unités à 250.000 DH à l’horizon 2020», rappelle le rapport de la haute Cour qui met en avant la difficulté de «retracer avec précision sur quelle base ces objectifs ont été fixés, puisqu’ils ne concordent pas avec la nature et le volume des besoins identifiés, tels qu’ils ressortent des résultats de l’enquête logement 2012». Les alternatives offertes par les magistrats de la Cour des comptes tournent autour de la focalisation des mesures d’encouragement sur le segment de 140.000 DH, «là où le besoin est avéré», insiste la plus haute juridiction financière du pays.
Les données collectées par les juges durant leurs investigations montrent qu’en termes de dépenses fiscales de l’État, des collectivités locales et des établissements publics, et à fin juin 2015, le volume global des dépenses afférentes au type de logement à 250.000 DH est estimé à près de 14,9 MMDH, alors que celui consacré au produit à 140.000DH ne dépasse pas 574 MDH, ce qui représente une déviation par rapport aux objectifs tracés par l’État et ses partenaires dans ce chantier crucial du département de l’Habitat.
À noter que le calcul opéré par la Cour indique pour chaque unité à 250.000DH produite et ayant reçu le certificat de conformité, la contribution publique est de près de 84.368,12 DH, contre 40.136,86 DH pour chaque unité à 140.000 DH, ce qui a impacté négativement les réalisations de ce programme destiné aux couches vulnérables et aux revenus limités. Parmi les handicaps majeurs listés par le rapport figure aussi l’absence de mécanismes de régulation de l’offre en logement de cette catégorie, ce qui a eu des résultats directs sur l’accentuation des déséquilibres spatiaux et qui de surcroît «caractérisé par un effort financier considérable qu’il aurait été judicieux de réorienter vers d’autres régions ou vers le segment de logement à 140.000 DH, si des mécanismes de régulation de conventionnement inter-dispositifs et inter-régions ont été instaurés», déplorent les magistrats de la Cour des comptes.