PLF 2023 : justice, le talon d’Achille
Efficacité et rapidité dans l’exécution, transparence, regain de confiance, limpidité des lois, reddition des comptes, autant d’éléments qui permettront de tendre vers une équité judiciaire. Mais à l’examen des actions prévues par la loi de Finances 2023, et dédiées à la réforme de la justice, bon nombre de pièces semblent manquer au puzzle.
En dépit des amendements apportés, le système judiciaire au Maroc n’a toujours pas chassé ses vieux démons. Stéréotypée d’inefficiente, la justice marocaine n’arrive pas à se défaire des obstacles qui entravent son dénouement et participent à la persistance du sentiment dominant d’insécurité judiciaire. Et comme l’avait conclu le rapport du Nouveau modèle de développement, «le pays continue de souffrir de sa justice».
Une réforme qui peine à prendre
Pour remédier à la situation, une charte judiciaire a été mise en place en 2013. Certes, des révisions législatives ont été opérées depuis, mais à aujourd’hui, la réforme tarde à donner ses fruits. Le projet de loi de Finances 2023 sera-t-il en mesure de rattraper ce retard et de changer la donne ? Pas sûr, puisqu’il semble bien que bon nombre des orientations préconisées par le NMD, dans le sens de davantage d’équité judiciaire, ne sont guère prises en compte.
En effet, dans le chapitre consacré à la réforme de la justice, il est mentionné que la poursuite de la mise en œuvre de la Charte nationale de la réforme de la justice, à travers un certain nombre d’actions, s’impose. L’objectif étant de promouvoir la construction démocratique, la consolidation de la stabilité sociale ainsi que le développement économique et la protection des droits, des libertés et des obligations des citoyens et des acteurs économiques et sociaux. Sont évoqués, notamment, la généralisation des tribunaux de la famille à l’échelle régionale et leur accompagnement en ressources financières et humaines. Une mesure qui répond aux directives de la plus haute instance du pays, comme évoqué dans le discours Royal, prononcé à l’occasion de la Fête du trône.
Dans la même perspective, il est stipulé que l’Exécutif s’attèlera à l’amélioration des mécanismes d’assistance dans le domaine de la justice pénale et de l’action du ministère de la Justice dans le domaine civil. Ceci devant passer, entre autres, par la réhabilitation des sections de la justice de la famille, pour y intégrer des espaces dédiés à l’enfant et à la révision de la carte judiciaire.
Quid de la reddition des comptes ?
Mais il n’en va pas de même pour les tribunaux de commerce, notamment administratifs, comme l’avait recommandé le NMD, qui a appelé à leur accorder un intérêt particulier. L’autre activité concerne la transformation digitale du système judiciaire et la modernisation de cette administration. La note de présentation du PLF 2023 comprend également – parmi les actions qui devraient contribuer à la réforme de la justice – le développement de l’infrastructure des tribunaux, à travers la construction de nouveaux bâtiments et l’aménagement, l’extension et la rénovation des structures existantes.
«En outre, et conformément au programme gouvernemental 2021-2026, l’année 2023 sera marquée par la consolidation des acquis de la réforme, le renforcement de l’État de droit et la garantie d’une justice indépendante et favorable à l’attractivité du climat des affaires», est-il précisé dans le PLF 2023.
En revanche, si le rythme de numérisation des procédures internes pourrait être accéléré, la publication des décisions de justice, pour plus de transparence, ainsi que la création d’une plateforme numérique judiciaire offrant un service efficace, rapide et proche, ne sont pas à l’ordre du jour. Alors que ce système de notification électronique pointe la nécessité d’activer le principe de la corrélation entre responsabilité et reddition des comptes, auquel appelle le NMD. S’ajoute à cela la faible compatibilité des lois nationales avec les conventions internationales.
Parmi les déséquilibres dénombrés à ce niveau, figure l’ambiguïté de certaines lois marocaines, qui sont parfois confuses, laissant le champ ouvert à des pratiques peu orthodoxes, d’où l’intérêt d’édicter des lois claires et ne prêtant pas à ambiguïté. In fine, l’équité judiciaire n’est pas uniquement liée aux citoyens. Elle a trait au développement économique du pays car l’existence d’un pouvoir judiciaire indépendant – qui protège aussi bien les droits des citoyens que ceux des acteurs économiques, dont les investisseurs étrangers – ne peut que rassurer. Par définition, le capital étranger étant «prudent», il est légitime qu’il cherche un terrain propice reposant sur la transparence et l’égalité pour «élire domicile». Des conditions sine qua non pour drainer davantage d’investissements directs étrangers.
Maryam Ouazani / Les Inspirations ÉCO