PLF 2020. Quelles marges pour la nouvelle équipe gouvernementale ?

En présentant lundi les grandes lignes du projet de loi de Finances 2020 aux partenaires sociaux et au patronat, le chef de gouvernement espère recueillir des propositions de qualité. Néanmoins, avec le peu de marge dont dispose le Budget, la rationalisation des dépenses et une bonne réforme fiscale s’imposent.
C’est la deuxième rencontre après celle du 25 avril dernier qui a débouché sur le fameux accord tripartite. Lundi dernier, gouvernement, syndicats représentatifs et patronat se sont mis autour de la même table pour discuter du PLF 2020. Un exercice annuel tout ce qu’il y a de plus normal, sauf que les enjeux sont cette fois-ci plus importants. Les finances de l’État seront mises à rude épreuve avec un engagement de plus de 14 MMDH dans le cadre du dialogue social ainsi que l’augmentation des transferts au profit des régions (9,6 MMDH au lieu de 8,5 MMDH en 2019), et bien évidemment le poids toujours important de la Caisse de compensation (13,6 MMDH). La présentation des grandes orientations du PLF 2020, par le chef de gouvernement, est censée déclencher les opinions, idées et propositions des uns et des autres pour les implémenter dans la version définitive qui sera soumise au Parlement dans quelques jours, précisément le 20 octobre, en respect de l’article 75 de la Constitution. Il leur reste donc peu de temps (CGEM et syndicats) pour concocter leurs visions, et au gouvernement pour rectifier le tir.
Dans un communiqué de la primature, Saâd Dine El Otmani dit rester ouvert à toutes les propositions. Selon lui, à travers cette rencontre annuelle, l’Exécutif tente de rassembler les avis et de prendre connaissance des attentes des partenaires économiques et sociaux par rapport aux différentes questions pour affiner certaines dispositions du PLF avant de le présenter en Conseil de gouvernement. Toutefois, avec la nouvelle configuration gouvernementale, le PLF 2020 pourrait-il être chamboulé, ne serait-ce qu’au niveau des budgets sectoriels? Avec une équipe restreinte, des réajustements budgétaires seraient-ils nécessaires, dans le processus de redistribution? La question qui se pose alors est de savoir si le gouvernement arrivera à dégager un surplus ou, au contraire, raclera les fonds de caisses pour régler le coût des transferts et les réaménagements RH et logistiques.
Toutefois, pour l’économiste Mohamed Benmoussa, l’enjeu est ailleurs. Selon lui, le remaniement ministériel n’a pas supprimé des départements, il les a regroupés avec, en perspective, des changements de nomenclature des postes budgétaires. Un changement de forme, en somme.
La CGEM se trouve aussi face à une nouvelle urgence après le départ de Salaheddine Mezouar: l’impératif de sa reconstruction. La vraie question qui se pose aujourd’hui a trait aux marges budgétaires de la nouvelle équipe gouvernementale. Les projets qui attendent sont exigeants en termes de besoins de financement, tandis que les engagements budgétaires rendent l’addition encore plus salée. Pour dégager des marges, il n’y a pas de solution miracle en dehors de la rationalisation de la dépense publique et la gestion du portefeuille. La réforme fiscale est également une bonne entrée en matière pour dégager des marges considérables, à plus forte raison que les récentes Assises de la fiscalité ont tenté de sortir des sentiers battus pour proposer de nouvelles réformes. Selon Benmoussa, à elle seule, la réforme fiscale permettrait, dans un délai de 5 ans, de collecter 100 MMDH supplémentaires de ressources par an. «Nous avons des taux d’imposition apparents élevés (IS, IR, TVA) par rapport à ce qui se pratique en Europe. Toutefois, le taux de pression fiscale ne dépasse pas les 21,5%. Et si on y ajoute les cotisations sociales, on sera autour de 25%, alors que la moyenne européenne est à 40%», a-t-il étayé.
Le Maroc a donc 15 points de PIB de recettes fiscales à grappiller, ce qui correspond à la coquette somme de 150 MMDH. Avec une réforme ambitieuse qui porterait sur l’élargissement de l’assiette, la réduction des dépenses fiscales, la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale, la progressivité de l’IR -et la liste est longue- il serait possible de réaliser une telle prouesse.