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PLF 2020. Benchaâboun a-t-il été convaincant?

Ses réponses aux députés de la Commission des finances ont porté sur la dette publique, la saisie des biens de l’État, la LPL, la fiscalité à l’export et d’autres sujets.

La discussion du projet de loi de Finances en commission parlementaire est toujours un grand moment de questionnement des choix gouvernementaux. En réponse aux interrogations des députés de la Commission des finances et du développement économique, présidée par le PJDiste Abdellah Bouanou, jeudi dernier, Mohamed Benchaâboun a fait preuve de pédagogie pour défendre son projet de Budget. Le ministre des Finances s’est épanché sur la question de la saisie des biens de l’État lors de l’exécution des jugements à l’encontre de l’administration. L’article 9 du PLF 2020, qui a suscité une levée de boucliers de la part des avocats et des associations de droits de l’Homme, n’est pas nouveau. Le gouvernement a déjà tenté de l’introduire en 2015 et en 2017, avant de faire machine arrière à chaque fois.

Article 9 : saisie ou non des bien de l’État…
Mais Benchaâboun a plaidé en faveur de l’article 9 qui interdit la saisie des biens de l’État à l’image de ce qui est en vigueur dans des pays comme la France, la Belgique, le Canada, la Suisse ou l’Égypte. Raison: garantir la continuité du service public au profit du contribuable en respect de l’article 154 de la Loi suprême. «À travers cette disposition, le gouvernement ne tente ni de violer la Constitution ni de vider les jugements de leur contenu», a-t-il expliqué. Mais en même temps, il faut que l’État trouve d’autres moyens pour garantir l’applicabilité des jugements prononcés à son encontre. Durant les trois dernières années, ces saisies ont totalisé 10 MMDH. Une enveloppe qui menaceront les équilibres financiers de l’État et des collectivités territoriales si les jugements ne sont pas appliqués de manière à prendre en compte les défis du Budget et les limites des ressources. Déjà, pour faciliter l’application des jugements, des engagements dépassant 1 MMDH et profitant de la procédure de paiement sans ordonnancement préalable sont annuellement programmés.

Fini, l’exonération à l’export ?
Une autre disposition, cette fois-ci fiscale, n’a pas manqué de susciter l’ire des entreprises exportatrices qui ne doivent plus profiter de l’exonération sur le chiffre d’affaires à l’exportation durant les premières 5 années. À ce propos, l’argentier du pays a minimisé l’impact sur la performance de ces entreprises, arguant que la plupart d’entre elles exercent une activité industrielle et profitent de facto de l’exonération quinquennale. Par ailleurs, les entreprises ayant réalisé la première opération d’exportation avant début janvier 2020 continueront de profiter de l’exonération sur le CA à l’export durant 5 années encore. De plus, les entreprises exportatrices bénéficieront d’une baisse de l’IS, passant de 31% à 28%, ce qui est à même de compenser, est-il indiqué, la hausse de 17,5% à 20% de l’impôt sur le CA à l’export. Dans cette même configuration, les sociétés labellisées CFC (Casablanca Finance City) profiteront d’une baisse de l’IS de 31% à 15% pour contrebalancer la hausse de 8,75% à 15% sur le CA à l’export, sachant que la plupart de ces entreprises ont un CA à l’export qui ne dépasse pas 60% du CA global.

Comprendre la dette publique
Avec 65,3% du PIB, le Maroc est un peu loin du seuil d’endettement du Trésor, fixé, pour les pays en développement, à 70% par le Fonds monétaire international (FMI). Toutefois, la question de la dette publique revient chaque année telle une Arlésienne. Les choses se sont surtout corsées après la crise mondiale de 2008. Car, contrairement à la décennie 2000-2009 où ce taux a baissé de 68,1% à 46,1%, la tendance s’est renversée depuis. Ce taux est reparti à la hausse à partir de 2010 pour atteindre 58,2% en 2012, 63,3% à la fin de 2014, 65,1% en 2017 et 65,3% en 2018. Toutefois, comme expliqué par le ministre, la dette du royaume reste soutenable selon les récents examens du FMI. Cela s’explique par le fait que l’argent de la dette est exclusivement injectée dans les projets d’investissement, en respect de la Règle d’or inscrite dans l’article 20 de la Loi organique des Finances. Quant à la dette contractée par le Trésor auprès des banques nationales, elle n’a pas dépassé 23% du volume global de la dette intérieure à fin juin 2019. En d’autres termes, l’État ne rogne pas trop la part des entreprises dans le financement bancaire. S’ajoute à cela l’évolution qu’a connue la garantie des financements bancaires au profit du secteur privé par l’État à travers la CCG. Les prêts garantis ont ainsi totalisé 20,5 MMDH en 2018, en augmentation de 16% par rapport à 2017.

LPL: pourquoi est-ce toujours maintenue?
La ligne de précaution et de liquidité (LPL) est devenue un sujet récurrent au Maroc. Répondant aux questions des députés sur sa raison d’être, le ministre a commencé par planter le décor. Le Maroc a signé quatre accords LPL avec le FMI dont le montant est passé de 6,2 milliards de dollars en 2012 à 3 milliards de dollars en 2018. C’est, selon le ministre, la preuve de confiance de cette institution financière mondiale dans les fondamentaux de l’économie marocaine. La LPL a également fait office de faire-valoir auprès des investisseurs étrangers et des agences de notations quant à la pertinence des politiques suivies au Maroc. Par ailleurs, dans un contexte mondial volatil, la LPL représente un amortisseur de choc. Pour ce qui est de son coût, il ne dépasse pas, selon le ministre, 90 MDH sur la période 2018-2020. En revanche, elle contribue fortement à baisser le coût de l’emprunt auprès des institutions financières mondiales.


Abdellatif Berraho
Député du PJD

Des instruments flous

L’article 9 du PLF 2020 sur l’annulation de la saisie des biens de l’État a suscité un grand débat. Pourquoi?
C’est un débat qui a commencé en 2013 lorsque les jugements à l’encontre de l’État commençaient à être appliqués suivant la procédure de saisie. Il porte d’abord sur la faisabilité de la saisie des biens de l’État et son impact sur le service public. Mais d’un autre côté, il n’est pas acceptable qu’un jugement comprenant une indemnité au profit d’un citoyen ou d’une entreprise ne soit pas appliqué. Sachant que durant quatre décennies, l’administration marocaine n’était pas encline à appliquer les jugements à son encontre. Aujourd’hui, les jugements à l’encontre de l’administration totalisent 35 MMDH (dont 2 MMDH exigibles aux collectivités territoriales), soit plus de 15% du Budget de l’État. Si, durant une année, on applique tous ces jugements, l’État prendra un coup dur.

Mais à ce jour, il n’existe pas de solution valable?
En 2017, lorsque cette disposition a été retirée du PLF, le gouvernement a promis de revenir avec un projet de loi qui amenderait le Code de procédure civile. Il s’agit d’un projet complet, d’une vingtaine d’articles, garantissant l’application des jugements même sur 3 ou 4 ans, tout en interdisant la procédure de saisie. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir pourquoi le gouvernement n’a pas introduit ce projet de loi dans le circuit législatif. Benchaâboun a pour la première fois introduit ce qu’on appelle les instruments innovants de financement. Toutefois, ces instruments restent flous en l’absence d’explications de la manière avec laquelle le gouvernement compte les mettre en œuvre… Vous savez, ces nouveaux instruments dits innovants représentent un moyen de financement des projets dans les pays développés. Cela permet de limiter le recours à l’endettement par exemple, tout en maintenant un bon rythme de matière d’investissement. Lorsque l’État veut construire un hôpital ou une autoroute, il se tourne vers le privé ou le secteur public dans le cadre de PPP. Ces 12 MMDH ne sont pas inscrits comme recettes dans le corps du Budget car il s’agit d’une ressource indirecte. 


L’ASMEX rejette une disposition du PLF 2020

La moutarde monte au nez des exportateurs marocains. Dans un communiqué de l’Association marocaine des exportateurs (ASMEX), ces derniers demandent à surseoir aux mesures proposées par le PLF 2020 suite à un comité de crise réuni le 30 octobre. Il s’agit principalement de l’annulation de l’exonération sur le chiffre d’affaires à l’exportation durant les premières 5 années. En réaction, le comité de crise s’inquiète de «la rupture de la confiance dans le partenariat public-privé pour l’environnement des affaires au Maroc». Pour les exportateurs, cette exonération ne faisait que compenser les surcoûts de facteurs de production et contribuait à faire face à la vive concurrence sur les marchés internationaux.



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