Éco-Business

Opération mains propres

Une solution définitive aux arriérés TVA du secteur privé a fait l’objet d’une convention signée hier à Rabat entre le ministère des Finances, le GPBM et la CGEM. Assimilé à une opération d’affacturage et basé sur la volontariat, le remboursement du crédit cumulé se fait auprès des banques, adossé à un taux de sortie de 3,5%. La DGI s’engage à son tour à rembourser les banques sur une durée de 5 ans. Le démarrage de l’opération est prévu le 5 février. 

Chose promise chose due. Le ministre de l’Economie et des Finances, Mohamed Boussaid, a levé le voile mercredi à Rabat sur la solution apportée par le gouvernement à l’épineuse problématique des arriérés de crédit TVA, connue aussi sous l’appellation «butoir TVA». L’Etat traîne à ce titre environ 30 milliards de DH de créances, dont près de 10 milliards   dus au secteur privé, des montants colossaux cumulés sur plusieurs années et face auxquels le Trésor s’était montré dans l’incapacité d’honorer ses engagements malgré quelques efforts consentis depuis le gouvernement Benkirane. En effet, les deux premières vagues de remboursements décrétées jusqu’ici couvrent particulièrement les crédits TVA dont le montant est supérieur inférieur à 500 millions de DH, avec un échéancier de remboursement s’étalant sur trois exercices (2015 à 2017). Pour résoudre le problème, l’ingénierie du gouvernement, avec l’appui de la Banque centrale selon nos sources, a débouché sur une recette innovante dans laquelle le secteur bancaire est appelé à jouer un rôle de premier plan. Une convention a été signée hier entre le ministère de l’Economie et des finances, le Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM) et la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM). En préambule de cette rencontre, le ministre Boussaid s’est voulu rassurant. Le gouvernement, dit-il, a fait du chemin pour que la TVA puisse retrouver sa neutralité, rappelant à ce titre que la DGI a remboursé 10 MMDH en 2016 contre une moyenne annuelle auparavant de 5 à 6 MMDH. L’année 2017, elle, s’est soldée par le remboursement de 8 MMDH. «Grâce à la loi organique des lois de finances, le remboursement ne se fait pas via la restitution des recettes. Tout un chapitre précise les recettes brutes, donnant à nos partenaires la possibilité de mesurer l’effort consenti par l’Etat», souligne Boussaid, faisant allusion aux remarques contenues dans un récent rapport de la Cour des comptes.

Une solution sous forme d’affacturage
En vertu de la convention signée hier, les entreprises ayant déposé des demandes de remboursement devront s’adresser à l’administration fiscale pour obtenir une reconnaissance de dette. Une fois soumise à la banque, celle-ci avance le montant de la créance. «La DGI s’engage à rembourser sur cinq ans cette créance», affirme le ministre qui assimile ce mécanisme à un escompte, voire à une opération d’affacturage (une facture TVA visée par la DGI et factorée par les banques). Etant donné que l’opération va générer un coût, la Banque centrale va fournir un effort au niveau de l’assimilation de ces créa adossées à un taux de sortie de 3,5% sur une période de cinq ans. L’opération, insiste-t-on, se fait sur la base du volontarisme : «dès 2018, nous envisageons de régler à temps les remboursements futurs. Le démarrage effectif de l’opération est prévu à partir du 5 février prochain». Pour la présidente de la CGEM, la convention requiert deux principales conditions : la reconnaissance totale des arriérés de la TVA et l’engagement de ne pas reconstituer un butoir. Meriem Bensaleh estime que ce n’est qu’une première étape de normalisation des arriérés de l’Etat. «Ce n’est qu’un début de solution, en attendant le règlement du problème des délais de paiement, entre autres», précise la patronne des patrons. «Toutes les banques sont mobilisées pour répondre positivement aux besoins de l’Etat et de nos concitoyens», renchérit de son côté le président du GPBM, Othman Benjelloun.

Aux origines du problème du butoir TVA
Le phénomène du Crédit de TVA renvoie à un problème structurel dont les origines remontent à la Loi de finances 2007, depuis l’annulation de l’exonération permanente de la TVA sur les biens d’investissement et d’équipement, remplacée par une exonération temporaire au cours des 24 premiers mois d’activité (ce délai a été porté à 36 mois par la Loi de finances 2015). Etant exclues du domaine d’exonération au titre de leurs investissements, les entreprises engagées dans des programmes d’équipement à long terme se sont retrouvées dans une situation structurellement créditrice vis-à-vis de l’Etat. Les entreprises publiques, de part l’imporance des investissements mobilisés chaque année, sont les premiers touchés par le phénomène du butoir (un total de 28,5 MMDH à fin 2016 dont 16 MMDH pour le seul cas de l’OCP). La plupart des entreprises publiques concernées n’étaient pas éligibles aux remboursements mobilisés dans le cadre de la loi de finances 2014, lesquels étaient destinés aux contribuables de «petite taille» dont le montant du crédit TVA est inférieur à 500 MDH. Or, la plupart des entreprises publiques ne sont pas éligibles au bénéfice de cette mesure, en raison d’un crédit TVA bien supérieur à ce seuil. La loi de finances 2016 avait mis en place un dispositif de remboursement du crédit de TVA sur les biens d’équipement mais en a expressément exclu les entreprises publiques. En revanche, elle avait prévu des mesures d’exonération des opérations d’acquisition d’aéronefs et de matériel de transport ferroviaire à l’importation qui devraient bénéficier notamment à la RAM et à l’ONCF. Parmi les autres actions engagées dans le sens de l’apurement du crédit de TVA, on retient également le relèvement du taux à 20% au péage des autoroutes (loi de finances 2015) et au transport ferroviaire loi de finances 2016), outre les deux protocoles d’accord signés en novembre 2015 qui autorisent l’ONEE et l’ONCF à lever sur le marché des prêts à hauteur des crédits de TVA cumulés sur la période 2004 à 2013, soit 1,94 MMDH pour l’ONEE et 1,78 MMDH pour l’ONCF (Le remboursement en principal et intérêts de ces emprunts est pris en charge par l’Etat). L’objectif est d’apurer la situation de leurs dettes fournisseurs et, partant, réduire les délais de paiement et soulager la trésorerie des PME ayant des relations d’affaires avec ces deux entreprises.

Ces mesures, quoique louables, restent insuffisantes dans la mesure où les entreprises publiques continuent de traîner des crédits de TVA importants (l’OCP réclame 16,1 MMDH à fin 2016). «En plus du risque d’enrayer le modèle d’entreprise publique investisseur et vecteur de croissance économique, cette situation plombe les performances économiques et financières des entreprises publiques en raison des charges financières et du surendettement qu’elle induit», peut-on lire dans le dernier rapport de la Cour des comptes sur l’exécution du budget. Les juges de la Cour présidée par Driss Jettou avaient recommandé au gouvernement de trouver une solution définitive à la problématique du crédit de TVA. En tout cas, la convention signée à Rabat concerne uniquement le secteur privé. Le secteur public, lui, peut toujours attendre. «Nous sommes en train d’apporter des solutions, au cas par cas», assure le ministre des Finances.



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