Mobilité durable : une stratégie ambitieuse aux défis multiples
Un certain nombre de territoires s’engagent ca et là dans des stratégies ambitieuses pour promouvoir la mobilité durable, mettant l’accent sur la transition vers le transport électrique et l’amélioration des infrastructures routières. Cependant, des défis techniques et financiers importants doivent être relevés pour concrétiser cette vision.
La mobilité durable est au cœur des priorités de la province de Berkane, comme l’a souligné Mohamed Ali Habouha lors du Forum de la mobilité durable. Décryptage d’une feuille de route ambitieuse, mais semée d’embûches techniques et financières à relever.
«Le transport durable est aujourd’hui une nécessité par rapport aux attentes du monde, aux engagements du Maroc et au changement climatique», a déclaré le gouverneur.
Une prise de conscience forte des enjeux environnementaux dans cette région agricole de l’Oriental. L’initiative phare porte le nom de BIGGEST (Berkane inclusive good governance and Eco-Smart sustainable territory). Véritable feuille de route territoriale, elle vise à «implémenter les orientations de Sa Majesté en termes de développement durable et d’inclusion économique et sociale». Le transport en est la «composante importante». Concrètement, une société de développement local «Harakiat Berkane» a été créée par les 16 communes. «Son conseil d’administration assure le transport urbain et interurbain», permettant de desservir l’ensemble des citoyens, selon le gouverneur.
Objectif zéro carbone
L’ambition est de passer au transport électrique pour réduire l’empreinte carbone. La région dispose actuellement d’une «flotte de bus fonctionnant à l’énergie combustible». Un passage délicat, comme l’a admis le responsable : «quand on parle d’énergie propre ou de transport électrique, on pense que le transport électrique suffit pour être durable. Or, ce n’est pas le cas si l’électricité provient d’énergies fossiles». La solution résiderait dans l’installation de «fermes solaires» pour alimenter les futurs bus électriques en énergie propre. Un défi de taille sur les plans technique et financier.
«Le financement est un défi majeur», a reconnu Mohamed Habouha, même s’il n’a pas chiffré les investissements nécessaires.
Au-delà des véhicules, l’amélioration des infrastructures routières est cruciale pour «mieux desservir les citoyens». Un autre front sur lequel la province devra investir pour concrétiser ses ambitions de mobilité durable, selon les experts. «Il faut avoir un réseau d’infrastructures routières permettant la circulation des véhicules sur de longues distances», a plaidé le gouverneur, conscient que les défis sont multiples.
Berkane démontre ainsi sa détermination à s’inscrire pleinement dans la dynamique nationale du développement durable, portée par la vision éclairée du Souverain. Une ambition louable, mais dont la concrétisation supposera des investissements massifs et un accompagnement adéquat de l’État.
Les défis du financement
Comme indiqué précédemment, le principal défi général est celui du financement, qui représente un problème transversal. À cet égard, Africa 50 peut jouer un rôle clé dans le financement des infrastructures et de la mobilité durable en Afrique. La structure dispose d’atouts significatifs pour favoriser la mobilité verte sur le continent. Mais les défis de financement, notamment pour les infrastructures lourdes, resteront cruciaux dans les années à venir pour atteindre ces objectifs ambitieux.
«La durabilité dans le secteur des transports est très importante pour nous», affirme Yousra Khayati, directrice des investissements chez Africa 50.
Cette institution financière panafricaine se positionne, en effet, comme un acteur clé du financement de la transition énergétique et de la mobilité verte en Afrique. Créée il y a moins de 10 ans par des États africains et la BAD, Africa 50 a pour mandat «d’aider les États à financer les infrastructures». Son modèle repose sur trois volets : l’appui en amont avec les études préliminaires, le financement direct des projets viables, et la mobilisation de fonds privés et de dettes. «On investit dans l’énergie, les télécoms, l’eau…, mais le transport est l’un des secteurs clés», souligne Yousra Khayati. Avec des capitaux propres de 1 milliard de dollars, complétés par la dette, la capacité de financement avoisine 10 milliards de dollars de projets.
Faciliter les échanges commerciaux
L’une des priorités est d’accélérer les échanges interrégionaux, un levier de croissance économique durable. Africa 50 a ainsi investi dans la modernisation de six postes-frontières en Afrique de l’Ouest. «En concession, ils permettent de réduire de 50% le temps de passage des voitures et de diviser par six celui des cargos», explique la responsable. Un nouveau pont entre Kinshasa et Brazzaville va également «fluidifier le trafic» dans la région des Grands Lacs. Autant de projets favorisant une «réduction de la consommation de carburants».
Le transport fluvial comme alternative durable
Dans certaines métropoles comme Abidjan, le recours au transport fluvial s’envisage comme une option durable. «L’idée est d’acquérir des bateaux électriques pour décongestionner la ville», indique Khayati. Une manière de «réduire l’impact énergétique des transports». Plus globalement, la mobilité électrique urbaine constitue un axe prometteur. «Dans beaucoup de pays, on fera le leapfrog comme pour les télécoms, en passant directement à l’e-mobilité», estime la directrice. Des projets de location avec échange de batteries pour deux ou trois roues émergent ainsi.
Comment trouver l’équilibre entre viabilité économique et accessibilité ?
Bien que proactif, Africa 50 reste tributaire des opportunités et de la rentabilité des projets. «On est approché par les États et le privé, mais on prospecte aussi nous-mêmes», explique Yousra Khayati. L’implication publique dépend ensuite du potentiel commercial : «Si un projet routier nécessite des péages bas, il faudra des subventions étatiques. À l’inverse, les investissements purement privés peuvent se passer d’appui financier public». Trouver l’équilibre entre viabilité économique et accessibilité constitue donc un défi de taille.
«Notre rôle est de structurer les projets pour en maximiser la rentabilité, tout en préservant leur dimension sociale et environnementale», souligne la directrice des investissements.
Des mécanismes de partage des risques et des coûts avec les pouvoirs publics permettent parfois de concilier ces différents impératifs. De même, le recours aux financements mixtes, associant capitaux publics et privés, se révèle être une piste prometteuse.
«Au final, chaque projet est un cas d’espèce nécessitant des arrangements spécifiques», admet Khayati.
Un défi de négociation permanente pour Africa 50, mais indispensable pour assurer le succès de la transition vers une mobilité réellement durable sur le continent.
Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO