Mobilité durable : un levier au service du leadership du Maroc à l’international
Ryad Mezzour, ministre de l’Industrie et du Commerce, affirme que le pays peut multiplier ses exportations par deux, voire par trois, grâce à la demande croissante de véhicules électriques. Avec des coûts de production de batteries inférieurs à la moyenne mondiale, le Maroc pourrait bien détrôner les leaders actuels de la mobilité verte. Zoom sur les enjeux économiques et énergétiques.
Les propos du ministre de l’Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, lors du récent Forum sur la mobilité durable, illustrent l’ambition du Maroc d’embrasser la transition vers des modes de transport plus verts et durables. Cette démarche revêt une importance cruciale, dépassant les simples considérations environnementales pour s’inscrire dans une stratégie de développement économique audacieuse et visionnaire.
Comme le souligne Mezzour, «la mobilité durable est par nature durable», même si toutes les conditions ne sont pas encore réunies.
Le Maroc a compris que cette transformation représente non seulement un défi environnemental, mais également une opportunité économique majeure. En effet, en se positionnant comme un acteur clé de la mobilité durable, le Royaume poursuit un double objectif : assurer sa souveraineté énergétique et stimuler son développement industriel.
«La question de la mobilité durable est une question de souveraineté, car nous ne disposons pas d’hydrocarbures en quantité suffisante, et nous avons tous les éléments nécessaires pour contribuer à cette transformation à l’échelle mondiale», affirme le ministre.
En misant sur les énergies renouvelables et les technologies de mobilité propre, le Maroc réduit sa dépendance aux importations d’hydrocarbures, source d’instabilité économique et de vulnérabilité face aux fluctuations des prix mondiaux.
Cette transition énergétique est d’autant plus cruciale que le secteur des transports est responsable d’environ 24% à 25% des émissions de CO2 au niveau mondial, selon les chiffres cités par Mezzour. En adoptant des solutions de mobilité durable, le Maroc contribue à la lutte contre le changement climatique tout en préservant le pouvoir d’achat de ses citoyens, affecté par la hausse des prix de l’énergie.
«Cela nous permet d’assurer notre propre transport grâce à nos propres ressources, des ressources locales», explique le ministre, soulignant ainsi l’opportunité de développer une industrie nationale de la mobilité durable.
En effet, le Maroc dispose d’un potentiel considérable en matière d’énergies renouvelables, notamment solaire et éolienne, ainsi que d’une main-d’œuvre qualifiée et d’infrastructures adaptées. En attirant des investissements dans ce secteur d’avenir, le Royaume peut non seulement répondre à ses besoins intérieurs en matière de transport, mais également se positionner comme un exportateur de technologies et de solutions de mobilité durable vers d’autres marchés en développement.
Cependant, cette transition ne sera pas sans défis. Elle nécessitera des investissements massifs dans les infrastructures, la formation de la main-d’œuvre et la recherche et développement. De plus, le cadre réglementaire devra évoluer pour favoriser l’adoption de véhicules électriques, l’utilisation de carburants alternatifs et le développement de transports en commun efficaces.
Le soutien du gouvernement sera donc essentiel, tant sur le plan des incitations financières que sur celui de la sensibilisation des citoyens aux enjeux environnementaux et économiques de la mobilité durable. Comme l’a souligné Sa Majesté le Roi, citée par Mezzour, le Maroc s’est engagé «très tôt dans cette voie avec une volonté très forte et d’importants investissements».
En embrassant pleinement la mobilité durable, le Maroc a l’opportunité de se positionner comme un leader régional et mondial dans ce domaine stratégique, tout en consolidant sa résilience économique et en préservant l’environnement pour les générations futures. Néanmoins, cette transition devra être menée de manière inclusive et concertée, en impliquant tous les acteurs concernés, afin d’assurer son succès à long terme.
Moins de 70 dollars le kilowattheure pour les batteries contre 100 dollars ailleurs
Il faut dire que la vision ambitieuse du Maroc pourrait transformer en profondeur l’économie marocaine et propulser le Royaume sur la scène mondiale de la mobilité électrique.
Selon Mezzour, «la mobilité durable offre au Maroc la possibilité de multiplier par deux, voire par trois, nos exportations, compte tenu de la demande mondiale. Un constat justifié par la rapide transition vers les véhicules électriques. «Actuellement, environ 15% à 16% des véhicules vendus dans le monde sont des véhicules électriques. Ce chiffre devrait être multiplié par trois au cours des six prochaines années. Nous atteindrons un équilibre d’environ 50% en 2032-2033, et cela se produira rapidement.» Cette opportunité repose sur un avantage compétitif crucial : des coûts de production de batteries parmi les plus bas au monde.
«Au Maroc, nous pouvons produire à moins de 70 dollars (le kilowattheure pour les batteries), contre 100 dollars dans les nouvelles usines européennes», souligne le ministre.
Un atout de taille qui s’explique par l’abondance des énergies renouvelables au Maroc, comme l’affirme Mezzour. «Nous produisons notre mobilité à partir du vent et du soleil, que nous avons en quantité suffisante et abondante.» Cette indépendance énergétique représente un enjeu de souveraineté stratégique pour le Royaume.
Un portefeuille d’investissements de 400 MMDH dans la chaîne de valeur des batteries
L’analyse économique confirme le potentiel colossal d’une telle opportunité. Avec un portefeuille d’investissements de 400 milliards de dirhams dans la chaîne de valeur des batteries, soit l’équivalent des exportations de biens en 2022, comme le souligne Mezzour, l’impact sur la capacité productive serait considérable.
Cependant, saisir cette opportunité nécessitera des efforts concertés de la part des autorités publiques et du secteur privé. Des investissements massifs dans les infrastructures de production, de recherche et de formation seront indispensables. De plus, une transition énergétique accélérée vers les renouvelables sera cruciale pour maintenir l’avantage compétitif du Maroc.
Le défi sera également d’attirer les investissements directs étrangers, en créant un environnement réglementaire et fiscal propice, tout en développant des partenariats stratégiques avec les leaders mondiaux de la mobilité électrique.
Malgré ces défis, les retombées économiques potentielles sont énormes. Une industrie nationale des batteries et des véhicules électriques pourrait créer des milliers d’emplois qualifiés, stimuler l’innovation technologique et renforcer l’intégration du Maroc dans les chaînes de valeur mondiales. Comme le souligne Mezzour, «l’échéance de 2030 est un rendez-vous transformateur» pour le Maroc. Une échéance cruciale, pas seulement pour accueillir la Coupe du Monde de football, mais surtout pour concrétiser cette ambitieuse vision de leadership dans la mobilité durable. En saisissant cette opportunité historique, le Maroc pourrait devenir un acteur incontournable de la révolution de la mobilité électrique, tout en accélérant sa transition énergétique et en renforçant sa souveraineté économique. Un pari audacieux, mais réalisable, si les efforts sont soutenus et concertés.
Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO