Métaux stratégiques : les pays africains en ordre de bataille

L’Afrique entend mettre en place une coalition de pays producteurs de métaux critiques, afin de préserver ses richesses et éviter que la valeur ajoutée de celles-ci ne lui échappe.
C’est la nouvelle bataille qui se déclenche sur le continent, ou plutôt que les pays africains n’entendent surtout pas laisser se faire sans eux. Il s’agit de la course aux métaux précieux. À l’heure où les grandes puissances américaines, asiatiques et européennes affichent leurs ambitions d’exploiter les ressources minières africaines, les pays du continent ont eux aussi annoncé une nouvelle stratégie pour protéger ces ressources.
C’est du moins ce qui semble se dégager de l’alliance annoncée début septembre à Addis-Abeba, lors du Sommet africain sur le climat. Cette alliance de pays africains détenteurs et producteurs de minerais stratégiques est censée faire profiter le continent de ses richesses, au lieu de les voir encore une fois tomber aux mains de puissances étrangères.
«La Commission de l’Union africaine étudiera et soutiendra la création d’une coalition de pays africains producteurs de minéraux essentiels afin de promouvoir une coopération régionale stratégique et durable, de soutenir la création de valeur ajoutée et la valorisation», fait-on savoir du côté de l’UA.
Engagements
Pour l’instance panafricaine, cette initiative de «stratégie africaine pour les minéraux verts» devrait constituer un «véhicule permettant d’exploiter les vastes richesses minières de l’Afrique pour un développement résilient au changement climatique».
Cette décision intervient alors que Washington, notamment, cherche à s’approvisionner en minéraux stratégiques en provenance de la République démocratique du Congo (RDC), afin de contester le quasi-monopole actuel de la Chine sur ce secteur lucratif. L’UA, dans la même déclaration, demande également «des engagements et des partenariats internationaux plus forts pour combler le déficit de financement et soutenir l’adaptation, la résilience et le développement durable».
Pour Mahamoud Ali Youssouf, le président de la commission de l’UA, il y a nécessité d’une «justice climatique», en exigeant plus de fonds aux pays pollueurs, au nom des fortes conséquences du réchauffement subies par l’Afrique, quand celle-ci «ne contribue qu’à hauteur de 4% aux émissions de gaz à effet de serre».
Fonds insuffisants
À ce propos, il faut noter que selon un rapport publié par l’ONG Oxfam et l’IGAD, un bloc d’États d’Afrique de l’Est, ses États membres, à savoir Djibouti, Érythrée, Éthiopie, Kenya, Ouganda, Somalie, Soudan et Soudan du Sud, «ont reçu ensemble, en moyenne, 1,7 milliard de dollars par an entre 2013 et 2022, en «équivalents subventions», soit la valeur réelle de l’aide climatique après intérêts et remboursements de la dette».
Il est étonnant de constater que «ce montant est inférieur de 96% aux 41,8 milliards de dollars dont les pays de l’IGAD affirment avoir besoin chaque année pour mettre en œuvre leurs plans d’action nationaux sur le climat jusqu’en 2030», poursuivait ce rapport.
Lors du sommet COP29 de l’ONU de l’année dernière en Azerbaïdjan, les nations riches se sont engagées à fournir 300 milliards de dollars par an pour le financement climatique des pays en développement, un montant qualifié d’extrêmement insuffisant. L’un des objectifs du Brésil pour la COP30 de cette année, qui se tiendra à Belém en novembre, est de trouver d’autres sources de financement pour combler le déficit.
Métaux critiques : les candidats se bousculent
Le Japon et les pays africains ont convenu de travailler ensemble pour garantir un «approvisionnement stable et un développement responsable» des minerais stratégiques, dans un contexte mondial de renforcement de la sécurité économique. Cette déclaration a été faite à l’issue de la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique qui s’est tenue fin aout dernier.
«Compte tenu de la demande mondiale en minerais stratégiques, nous prônons un partenariat juste et équitable qui soutienne le traitement local et la valorisation de ces ressources en Afrique», indique la déclaration.
«Nous travaillerons à accroître les investissements pour l’avenir de l’Afrique, à renforcer la coopération industrielle et à développer les ressources humaines», a déclaré le Premier ministre japonais.
Lancée en 1993, la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique est co-organisée par le Japon, l’ONU, la Banque mondiale et l’Union africaine.
Abdellah Benahmed / Les Inspirations ÉCO