Marché des capitaux : la dynamique de consolidation confirmée en 2024

Porté par un net rebond boursier, des levées de fonds record et un essor soutenu de la gestion collective, le marché des capitaux a connu en 2024 une dynamique remarquable. C’est ce que révèle le rapport de l’AMMC, lequel dresse le tableau d’un secteur en expansion mais toujours marqué par une faible participation des investisseurs individuels et un désengagement progressif des acteurs étrangers.
Portée par la résilience des activités non agricoles, la baisse progressive des tensions inflationnistes et un regain de dynamisme sur les marchés financiers, l’année 2024 marque une inflexion significative pour le marché des capitaux.
Dans son rapport «Le marché des capitaux en chiffres», l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) dresse le portrait d’un écosystème en expansion, où la progression des indicateurs phares traduit un retour progressif de la confiance des investisseurs, tout en soulignant les défis structurels d’un marché encore largement polarisé.
Une performance boursière au sommet
L’indice MASI, principal baromètre de la Bourse de Casablanca, s’est adjugé une hausse annuelle de 22,2%, porté par une dynamique sectorielle positive et des anticipations économiques plus favorables. Les autres indices, tels que le MASI 20 (+20,5%) et le FTSE CSE Morocco 15 (+21,8%), ont suivi la même tendance haussière.
Cette embellie s’est accompagnée d’une augmentation notable de la capitalisation boursière, qui atteint 752,4 milliards de dirhams (MMDH) à fin 2024, représentant 49% du produit intérieur brut national, contre 42,8% un an plus tôt. Signe tangible de la reprise de l’activité, le volume global des échanges a bondi de 52,3% pour s’établir à 99,1 MMDH.
Sur le marché central, cette dynamique est encore plus marquée (+82,5%), confirmant un retour des flux domestiques, notamment des personnes physiques marocaines, qui représentent désormais 25% du volume transactionnel, en hausse de 11 points sur un an.
À l’inverse, la part des investisseurs étrangers s’est contractée à 5%, contre 10% en 2023. Cette recomposition du profil des intervenants interroge sur l’attractivité relative du marché vis-à-vis des capitaux internationaux.
Levées de fonds, un financement de plus en plus diversifié
Autre signal fort, les levées de capitaux atteignent un niveau historique de 107,5 MMDH, soit une progression de 23,1% sur un an.
Cette performance repose principalement sur les titres de créances négociables (77,5 milliards) et les émissions obligataires (23,7 milliards, en hausse de 49%), traduisant un recours accru à l’endettement privé dans un contexte de besoins croissants en financement des entreprises. Les banques concentrent à elles seules 59% des levées obligataires, loin devant les sociétés de financement (14%) et les groupes miniers (18%).
Côté actions, le marché enregistre une levée de 6,3 MMDH, dont 1,1 milliard provient de l’introduction en Bourse de CMGP Group. Cette opération, très attendue, a suscité un engouement massif, le montant global souscrit ayant dépassé 40,7 MMDH, soit un taux de sursouscription de 37 fois. Un signe encourageant pour le compartiment actions, souvent considéré comme trop étroit et peu liquide pour attirer les grandes levées.
L’essor structurel de la gestion collective
Dans le domaine de la gestion d’actifs, les chiffres témoignent également d’une dynamique consolidée. L’actif net des Organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) atteint 653,2 MMDH, en hausse de 16,7%, tandis que celui des Organismes de placement collectif immobilier (OPCI) grimpe de 27,9% pour s’établir à 109,3 milliards. L’actif total sous gestion (OPCVM, OPCI, FPCT, OPCC) frôle désormais les 783 MMDH, soit 51% du PIB national.
Cette croissance se double d’une diversification des supports d’investissement. Les fonds actions progressent de 24%, tandis que les OPCVM diversifiés affichent +25,9%. Les fonds obligataires à moyen et long terme, qui concentrent plus de 50% de l’actif total, enregistrent une collecte nette de 31,8 MMDH.
À l’inverse, les fonds obligataires court terme subissent une décollecte de 10 milliards, confirmant une recomposition des préférences dans un environnement de taux plus stable. L’architecture de la détention reste toutefois dominée par les institutions financières résidentes (banques, assurances, CDG), qui concentrent 71,5% des encours. La part des personnes physiques reste marginale (7,8%), reflétant encore la faible pénétration de l’investissement collectif auprès du grand public.
Prêt de titres et conservation, montée en puissance des infrastructures
Le marché du prêt/emprunt de titres confirme sa montée en puissance, avec un volume annuel de 347,5 MMDH (+10,3%) et un encours de 36 milliards, à fin 2024. Les OPCVM représentent 84,4% des volumes prêtés, les banques arrivant en tête des emprunteurs (42,1%).
Ce marché, encore jeune, montre un potentiel de développement important dans la perspective de renforcer la liquidité globale. Côté conservation, le dépositaire central Maroclear enregistre un encours d’instruments conservés de 2.533 MMDH, répartis sur 1.695 titres. La moyenne quotidienne des flux dénoués s’élève à 87 milliards, avec 1.647 opérations sur titres, confirmant la robustesse des infrastructures de post-marché.
Un marché en progression
L’analyse des données 2024 confirme une trajectoire de consolidation du marché national des capitaux. Les hausses enregistrées sur la plupart des indicateurs – valorisation, volumes, levées, gestion collective – traduisent un regain de confiance et une meilleure mobilisation de l’épargne vers le financement de l’économie réelle. Mais cette dynamique reste inégalement répartie.
Le marché demeure caractérisé par une forte concentration de la détention au profit des investisseurs institutionnels, un flottant boursier limité (27,5%) et une faible participation des investisseurs étrangers (5% des volumes échangés sur le marché central en 2024).
Par ailleurs, les personnes physiques marocaines ne représentent que 7,8% de l’actif net des OPCVM, ce qui souligne la nécessité de renforcer la culture financière et la participation des épargnants individuels.
Dans ce contexte, les données publiées par l’AMMC mettent en lumière plusieurs leviers de progression pour approfondir et diversifier le marché, notamment à travers une mobilisation plus large de l’épargne, un élargissement de la base d’investisseurs et une offre de produits adaptée aux différents profils.
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO