Marc Ona: “Le débat sur l’exploitation des ressources fossiles est un débat faussé”
Pour Marc Ona, Secrétaire exécutif de l’ONG «Brainforest», il est grand temps que les pays africains commencent eux-mêmes à financer les grands projets climatiques à dimension continentale, à l’instar de la Grande Muraille Verte Africaine. Dans cette interview, il soutient que le débat sur l’exploitation des ressources naturelles est faussé, car, quelle qu’en soit l’énergie utilisée, les ressources naturelles seront exploitées.
Qu’est-ce que les pays africains ont aujourd’hui à attendre de ces COP ?
Les pays africains n’ont rien à attendre de ces COP. Ils sont d’abord appelés à mobiliser le peu de moyens qu’ils ont afin de montrer qu’il y a déjà un pas accompli. Il faut arrêter de tendre la main en permanence. L’Afrique présente de nombreux défis climatiques et beaucoup de projets sont dans les tiroirs, comme la Muraille Verte. Il faut que l’Afrique montre quels sont les efforts accomplis dans ce sens, afin que la communauté internationale puisse accompagner ses efforts.
Quelle est votre position sur la question de l’exploitation des ressources fossiles par rapport aux énergies renouvelables ?
Je pense que c’est un débat faussé dès le départ. Si nous nous orientons vers les énergies renouvelables, solaires ou éoliennes, nous serons toujours obligés d’exploiter les ressources naturelles en Afrique. La seule problématique à poser, ce sont les études d’impact environnemental, qui prennent en compte les problèmes climatiques dans l’exploitation de nos ressources. Le problème se pose au niveau du rythme d’exploitation des ressources et pas forcément dans l’exploitation de ces ressources. Nos pays ont eux aussi besoin de se développer à l’image des pays occidentaux. L’essentiel des ressources naturelles qui font vivre le monde viennent d’Afrique, alors que nous sommes les derniers à en bénéficier.
Si les financements arrivent, quels sont les projets prioritaires sur le continent ?
Je pense que c’est là où les pays africains doivent nous dire exactement ce que l’on fera de cet argent. Il ne sert pas à grand-chose de mobiliser des financements, mais le plus important c’est de montrer la pertinence des choix pour la destination de ces fonds. Avec le Covid, beaucoup de pays ont mobilisé des fonds Covid, mais dans certains pays africains, l’essentiel de cet argent a été détourné. Est-ce que le même risque ne se pose pas avec le Fonds climatique ? Prenons l’exemple de la fameuse Muraille Verte africaine : est-ce qu’elle va être construite uniquement avec des fonds étrangers ? A quel niveau de participation les pays africains sont en train de s’illustrer ? Il nous faut donc des projets prioritaires, qui ont un impact sur la vie des populations. Les fonds doivent aussi être contrôlés par l’action citoyenne.
Pensez-vous qu’au-delà des engagements, il y a une prise de conscience de la question climatique au niveau des gouvernements ?
Le premier «couac» de ce COP27 est que les deux gros pollueurs ont montré une certaine indifférence. Le président des États-Unis ne s’est déplacé qu’après les élections de mi-mandat chez lui, alors que celui de la Chine n’a même pas jugé nécessaire de se déplacer. Cela dit, je dénonce la multiplication de ces COP, qui finissent souvent par des échecs. Il nous faut un engagement ferme et sincère, au-delà des aspects financiers, surtout que nous sommes dans un contexte de réchauffement réel des températures et de multiplication des risques et des répercussions de cette hausse des températures.
Comment se matérialise au quotidien le changement climatique en Afrique ?
Au niveau du continent, le changement climatique se matérialise par des faits que nous sommes en train de vivre au quotidien. La question des inondations est là pour nous le rappeler et cela s’explique par le fait que dans nos villes, il n’y a pas de système d’assainissement performant. Pourquoi continuons-nous, sur un autre volet, à accorder des permis forestiers alors que nous avons le choix entre une exploitation durable et celle basée sur l’économie. Il ne faudrait pas que la question climatique soit uniquement une question d’argent, mais de prise de conscience des phénomènes que nous sommes en train de vivre au quotidien.
Que doivent faire les pays africains pour améliorer le quotidien des populations afin de limiter l’impact du changement climatique ?
Au niveau de chaque pays, des faits comme les inondations doivent être gérés de façon efficace. Et cela n’exige pas forcément d’attendre des fonds étrangers. Figurez-vous que dans des pays comme le Gabon ou le Congo, on fonctionne avec des groupes électrogènes dans les villages, alors qu’il y a la possibilité d’utiliser de l’énergie solaire ? Donc franchement, des solutions simples existent, il suffit juste de les utiliser et les généraliser.
Abdellah Benahmed / Les Inspirations ÉCO