Les reco’ du CESE
Comment réussir la transition vers des villes durables ? Une question complexe à laquelle répond le Conseil économique, social et environnemental. Ainsi le CESE émet une série de recommandations d’ordre économique, législatif, social, environnemental… Un projet de développement stratégique s’impose pour juguler les différents problèmes structurels qui pèsent sur la ville.
La transition vers des villes durables n’est pas une mission de tout repos comme en témoignent les constats d’un récent rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE). De l’avis de la commission chargée des affaires de l’environnement et de développement durable au CESE qui s’est penchée sur le dossier de la transition vers des villes durables, la concrétisation des objectifs escomptés passe par un projet à caractère politique et sociétal visant à libérer les potentialités de durabilité et de créativité et de compétitivité de la ville et nécessitant une approche de conduite de changement multidimensionnelle impliquant divers acteurs. La réussite de ce projet est, en effet, tributaire «d’un leadership et d’une volonté politique locale forte des partis politiques traduite par des élus locaux engagés, qualifiés et initiés aux enjeux de la gouvernance locale et au management du développement durable, d’une démocratie représentative transparente et mobilisatrice, d’une démocratie participative professionnelle et responsable, d’une citoyenneté active et consciente de ses devoirs et droits, et enfin d’une synergie et d’une intégration structurée du programme de développement des villes durables avec la planification stratégique régionale et nationale». Les pouvoirs publics sont appelés à tirer profit de la croissance urbaine massive qui constitue à la fois une opportunité et un défi. Pour y arriver, il faut faire face aux déficiences structurelles du système urbain. Les enjeux sont de taille car c’est dans les villes que se joue le sort du développement économique du pays.
Les limites du financement
Les villes doivent affronter nombre de problématiques pour atteindre le niveau de développement souhaité. Il s’agit en premier lieu de la question du financement qui demeure encore en deçà des aspirations, comme le confirme encore une fois le CESE : les budgets locaux des villes marocaines sont modestes. Ils ont enregistré durant l’année 2015 des recettes et des dépenses respectivement de l’ordre de 50,6% et 51,3% par rapport aux recettes et aux dépenses publiques globales alors que sous d’autres cieux, ces chiffres sont beaucoup plus élevés. À titre d’exemple, les dépenses d’investissement des collectivités territoriales représentent, en France, environ 70% des dépenses de l’État. Le financement des villes Maroc a démontré ses limites à cause, entre autres, d’une forte dépendance à l’appui financier de l’État. Aussi, est-il on ne peut plus nécessaire d’agir sur ce volet. Le CESE plaide pour l’accélération de la réforme du processus de la fiscalité locale et la diversification des instruments de la finance climat locale pour adapter les recettes et les ressources des villes à leurs besoins croissants de développement durable. Le chantier est déjà ouvert. À ce titre, l’instance de Nizar Baraka (photo) propose des pistes afin d’adapter les ressources des communes urbaines à leurs besoins croissant : accélérer la promulgation du décret de recours des collectivités territoriales à l’emprunt afin de sécuriser les banques pour investir le secteur local, taxer les pollueurs et bénéficier des financements verts, localiser la finance climat, diversifier les financements verts et mieux couvrir le coût des services urbains qui deviennent de plus en plus onéreux comme celui du transport
Problématique du foncier
Le Conseil économique, social et environnemental pointe également du doigt la problématique en matière du foncier en ville qui se pose en termes de déficience du dispositif juridico-administratif et de gouvernance. Les conditions actuelle ne permettent pas à la ville de maîtriser son foncier ; ce qui continue à entrainer des charges accrues pour les finances publiques à défaut d’une prospective dans la gestion des sols urbains et périurbains. À cet égard, il s’avère crucial de mettre en place une politique foncière en harmonie avec les politiques d’aménagement et d’urbanisme afin de faire du foncier un levier de développement économique et social dans la ville. Le CESE appelle à optimiser la gouvernance du foncier en instaurant des moyens institutionnels et juridiques pour la maitrise et la gestion du foncier comme préalables à la mobilisation des emplacements réservés aux équipements et installations d’intérêt général et la constitution des réserves foncières publiques.
Compétitivité économique des villes
Souvent, les activités économiques ne sont ni planifiées ni bien accompagnées. Les villes nouvelles n’échappent pas à cette tendance alors que la durabilité requiert une efficacité économique à travers l’utilisation rationnelle des ressources matérielles, humaines et financières. Aujourd’hui plus que jamais, il faut œuvrer à faire des villes marocaines des pôles économiques et industriels compétitifs et résilients à l’échelle nationale et internationale, créateurs de richesses et d’emplois décents et inclusifs des femmes et des jeunes. Le CESE plaide pour la co-construction pour chaque ville d’une vision économique à long terme basée sur son potentiel, ses atouts et ses spécificités selon une approche intégrée et cohérente avec la vocation de la région documentée dans le schéma régional d’aménagement du territoire ( SRAT) et en assurant la complémentarité entre les villes de la région et avec la politique industrielle nationale. À cela s’ajoute la nécessité de favoriser les conditions nécessaires au développement du secteur privé local et au captage des investissements internationaux. Sur le plan local, une meilleure résilience économique de la ville est à assurer à travers la diversification de son économie (savoir, sociale et solidaire, nouvelles filière industrielles vertes) ainsi que la mise en place d’un mécanisme institutionnel d’intelligence économique et l’amélioration de l’inclusion économique et financière des femmes, des jeunes et des migrants (accompagnement approprié des TPME en termes d’accès aux financements, la promotion de l’entrepreunariat via le statut de l’auto emploi en favorisant le passage de l’informel au formel). Sur le plan législatif, il faut procéder à l’accélération du processus d’adoption du projet de loi 49-17 relatif à la réforme de l’étude d’impact sur l’environnement des projets d’investissement, au renforcement des moyens humains et matériels du contrôle des cahiers des charges et à la mise en place de l’évaluation stratégique préalable des politiques publiques et programmes de développement au niveau régional et local.
Nouvelle gouvernance
Une nouvelle gouvernance urbaine s’impose. Le CESE recommande de co-construire avec le Conseil de la ville, les citoyens, selon une méthodologie participative adaptée, une ambition et un projet sociétal de la ville de demain à long terme intégré à la Région. De son côté, le gouvernement doit accélérer l’implémentation de la charte nationale de la déconcentration qui tarde à voir le jour. Sur le plan territorial, le wali et le gouverneur devraient adopter une approche facilitatrice garantissant la coordination nécessaire entre les politiques territoriales et sectorielles, en vue d’assurer une cohérence entre la prospective, la planification urbaine et la production de l’espace urbain. Pour leur part, les partis politiques devraient assumer leur responsabilité quant à la transition vers des villes durables en assurant leurs missions en matière d’encadrement des citoyens et de préparation d’une élite politique locale qualifiée en matière de gouvernance locale. Par ailleurs, une importance particulière est à porter à d’autres volets pour réussir la transition vers des villes durables comme la nécessité d’assurer la sécurité urbaine; l’impératif de passer de la logique quantitative en logements à résorber vers une logique d’Habitat et de logement décent, inclusif et durable; l’enjeu de faire de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la formation professionnelle un levier de promotion de la culture de développement durable…
Urbanisation galopante
Le Maroc abrite 278 villes et 74 centres délimités, soit 352 entités urbaines. Cette structure est marquée par une nébuleuse de petites villes de moins de 50 000 habitants et des villes moyennes de moins de 100 000 habitants qui représentent ensemble près de 70% du nombre total des villes. Ces entités urbaines abritent moins de 15% de la population urbaine totale. Sept grandes villes abritent environ le quart de la population du Royaume (24,9%), ce qui représente une part de 41,3% de la population urbaine. L’analyse de l’armature urbaine permet de distinguer l’aire métropolitaine centrale (s’étendant sur 200 km de Kénitra à El Jadida), d’une part, et les autres villes, d’autre part. L’aire métropolitaine représente à elle seule la moitié du potentiel économique du pays. Par ailleurs, bien que les métropoles marocaines concentrent 60% du PIB et que 51% de la croissance nationale en est tributaire, elles accusent globalement certaines déficiences au niveau de leur croissance qui est légèrement en deçà de la dynamique observée au niveau national. Le taux de chômage y demeure de 17,4%, légèrement supérieur à celui du niveau national qui est de 16,2%, quoiqu’elles enregistrent un taux de salariat de 66,2%, supérieur au niveau national de 8,4 points.