Les entreprises doivent se préparer à un ‘‘avenir renouvelable’’
Certes, nos besoins en énergie électrique ont décliné suite aux deux récessions mondiales, résultant de la crise financière de 2008 et de la pandémie actuelle.
Cependant, la demande en la matière dépasse toujours largement la capacité actuelle de production des sources d’énergie renouvelable (SER).
En effet, malgré une amélioration notable de l’offre, constatée depuis 2008, grâce à des actions coordonnées tant sur le plan national qu’international, la proportion de SER dont nous disposons aujourd’hui ne dépasse toujours pas les niveaux que nous avions connus au début des années 90.
De plus, les nouvelles technologies conçues pour réduire les émissions de carbone, telles que celles développées pour les voitures électriques, ont creusé le fossé entre l’offre et la demande, rendant la tâche encore plus ardue. Plusieurs raisons expliquent le fait que les énergies renouvelables produites ne couvrent pas les besoins, dont, principalement, les questions de rentabilité et de capacité de stockage.
Premièrement, la technologie pour produire de l’électricité, à partir de sources renouvelables, si elle existe, n’est pas encore vraiment rentable. Ceci étant, les choses évoluent, et la situation s’améliore rapidement.
De petits projets indépendants se sont déjà montrés très prometteurs, comme dans l’île grecque de Tilos, qui est la première contrée autosuffisante en énergie en Méditerranée grâce à un fort investissement dans les énergies renouvelables.
Nous pourrions voir cette tendance se généraliser d’ici 2030. Deuxièmement, si les modes de consommation sont assez prévisibles, la production d’énergie à partir des Systèmes d’énergie renouvelable (SER) ne l’est guère, et nous sommes confrontés soit à un déficit ou à un excédent énergétique.
Le stockage constitue donc un élément essentiel de l’utilisation des SER en matière d’électricité, mais alors que la technologie des batteries se développe rapidement, une option de stockage abordable, tant du point de vue technicité que rentabilité, est loin d’être acquise. Bien sûr, de nombreux autres facteurs entrent également en jeu, tels que la volonté politique, les avancées technologiques et les innovations financières.
En outre, pour les pays en transition, la décarbonation pourrait s’avérer particulièrement difficile, les prévisions les plus optimistes ne l’envisageant pas avant 2050. Pendant ce temps, nos besoins en énergie, en particulier électrique, continuent de croître, et nous devrons trouver des moyens de créer des capacités supplémentaires sans augmenter notre dépendance aux combustibles fossiles.
La tendance actuelle est aux investissements de taille dans les carburants de transition, tels que le gaz naturel liquéfié (GNL), qui devrait devenir une source d’énergie majeure. Dans ce contexte, les entreprises ont beaucoup à faire pour se préparer et s’adapter à ce nouvel environnement en mutation. Elles devraient ainsi se pencher au plus vite sur cinq domaines majeurs.
S’adapter à l’évolution réglementaire
On assistera à l’arrivée de nouvelles réglementations pour freiner l’utilisation des ressources et limiter l’impact environnemental des entreprises.
Les entreprises doivent planifier et intégrer la notion de «responsabilité sociale des entreprises (RSE)» dans leur stratégie.
Actuellement, la RSE peut parfois sembler contre-productive et non rentable, mais à plus long terme, les entreprises qui ne se conforment pas à une réglementation de plus en plus stricte se verront, de toute façon, pénalisées.
En conséquence, la RSE doit dorénavant être considérée comme une «option de vente», dans l’optique d’un durcissement de la réglementation.
Financer leurs projets de décarbonation
Le processus de décarbonation, au niveau micro (entreprise), requerra des financements lourds, ce qui n’est pas toujours simple dans un monde qui privilégie les retours sur investissement rapides.
Les entreprises souhaitant financer un projet de RSE, qui semblerait actuellement nuisible en terme d’avantage concurrentiel, pourraient découvrir qu’il sera difficile, ou peu rentable, d’émettre des produits financiers tels que des actions ou des obligations. Aussi, le recours à de nouveaux outils financiers, spécifiquement conçus pour gérer la transition énergétique, deviendra impératif.
Contracter des assurances
Les entreprises doivent s’adapter à l’innovation financière concernant les produits d’assurance ainsi que les risques de changement climatique et de dépendance énergétique.
L’innovation financière conduira à la mise en place de produits financiers spécifiquement conçus pour financer la transition énergétique, avec des clauses d’assurance atténuant les effets négatifs liés à l’énergie.
S’adapter rapidement aux changements démographiques
Les jeunes générations sont fortement sensibilisées aux enjeux environnementaux et énergétiques. En conséquence, la consommation agrégée devrait évoluer rapidement, et les entreprises doivent concevoir de nouvelles stratégies pour cibler ces marchés prometteurs, constitués de jeunes consommateurs.
Dépendance au réseau
Les entreprises, tout comme les particuliers, sont les utilisateurs finaux et devront modifier leurs habitudes de consommation d’énergie et s’adapter aux nouveaux modes de comportement.
La tendance générale des politiques énergétiques repose sur le transfert d’une part conséquente de la gestion de l’énergie entre les mains de l’utilisateur final. En raison de leur taille et la nature de leur demande inélastique, et parce qu’elles sont de grandes consommatrices d’énergie, les entreprises seront des acteurs majeurs, et auront à concevoir des structures opérationnelles en conséquence.
Cette question est particulièrement pertinente tant pour les grandes entreprises que les PME. Pour accélérer la mise en œuvre de ce processus, nombreuses sont celles qui pourraient bénéficier de l’aide d’un consultant en énergie, une profession susceptible de devenir incontournable dans un avenir prochain.
Lordanis Kalaitzoglou / Professeur à Audencia