Éco-Business

Les défis d’une montée en puissance réussie

Le Maroc multiplie les annonces et les projets structurants autour de l’hydrogène vert. La réussite de cette ambition dépendra moins de la ressource que de sa capacité à bâtir une filière compétitive, ancrée localement et pensée à long terme. Infrastructures mutualisées, cadre réglementaire adapté, financements massifs, intégration industrielle progressive et partenariats internationaux sont autant de leviers que le Royaume devra activer pour transformer cette promesse technologique en moteur de souveraineté économique.

L’essor de la filière hydrogène vert au Maroc repose sur la mise en place d’infrastructures collectives à la hauteur des ambitions affichées. Il ne s’agit plus seulement de déployer des réseaux électriques ou des ports adaptés, mais d’imaginer des écosystèmes complets capables d’accueillir des projets intégrés de grande échelle.

Terminaux d’exportation, unités de dessalement mutualisées, postes électriques, plateformes logistiques… Ces éléments doivent être pensés dans une logique de mutualisation, de rentabilité et de massification.

Au-delà des aspects techniques, l’enjeu est aussi institutionnel. La réussite de ces projets dépendra d’une gouvernance agile, capable de coordonner les efforts du gouvernement, des développeurs privés et des collectivités territoriales. Une réflexion est également attendue sur le financement public des infrastructures dites «partagées», qui conditionnent la rentabilité des investissements industriels.

Un cadre réglementaire à ajuster pour soutenir la dynamique d’investissement
Si les fondations réglementaires sont posées, notamment à travers l’initiative «Offre Maroc», la filière requiert désormais des ajustements ciblés. La mise en place de standards de certification, l’harmonisation avec les cadres européens, la clarification des conditions d’accès aux infrastructures stratégiques ou encore la stabilité contractuelle pour les investisseurs à long terme deviennent prioritaires.

Les autorités publiques devraient également arbitrer entre incitation et régulation. Par exemple, la tarification de l’eau industrielle issue du dessalement, ou encore les modalités d’accès au réseau électrique haute tension, seront des paramètres clés pour attirer des investisseurs internationaux tout en garantissant la viabilité économique des projets à long terme.

Un enjeu massif de financement à piloter stratégiquement
Avec un coût estimé entre 20 et 30 milliards de dirhams pour chaque gigawatt de capacité intégrée, les projets d’hydrogène vert exigent des volumes de capitaux inédits. À l’échelle des 160 GW projetés à horizon 2050, ce sont plus de 3.000 milliards de dirhams d’investissements qui pourraient être mobilisés. L’enjeu est donc double, canaliser ces financements vers des solutions locales et éviter une dépendance excessive à l’importation de technologies clés-en-main.

Dans ce contexte, le Maroc doit jouer la carte de la diversification et attirer les grands bailleurs de fonds multilatéraux, solliciter les instruments européens de financement vert, créer des lignes de crédits adaptées au tissu industriel national et mobiliser l’épargne institutionnelle marocaine pour soutenir les acteurs émergents.

Une intégration industrielle progressive à orchestrer
L’un des grands leviers de réussite réside dans la capacité du Maroc à structurer une base industrielle locale autour de la chaîne de valeur de l’hydrogène. Photovoltaïque, électrolyse, logistique énergétique, équipements spécialisés, systèmes de contrôle, ingénierie et maintenance : les opportunités sont nombreuses et doivent être abordées avec une logique de montée en puissance progressive.

Cette industrialisation suppose la création de filières spécifiques, appuyées par des centres de formation technique, des plateformes de test, et des politiques publiques orientées vers la substitution aux importations. L’objectif n’est pas de tout produire localement, mais de maîtriser des segments clés permettant à terme l’émergence d’un tissu souverain et compétitif.

Un positionnement international à traduire en stratégie industrielle
Le Maroc dispose aujourd’hui d’une visibilité croissante sur la scène internationale en matière d’hydrogène vert. Sa proximité géographique avec l’Europe, son potentiel renouvelable, la mobilisation foncière anticipée et la stabilité de son cadre institutionnel constituent autant d’atouts. Mais pour transformer cette visibilité en leadership, il faudra aller au-delà du rôle d’exportateur.

L’enjeu, selon les observateurs, serait désormais de codévelopper des projets industriels avec des partenaires européens ou asiatiques dans une logique de co-localisation. Cela inclut l’accueil d’usines de fabrication de composants, la mise en place de joint-ventures technologiques, et la valorisation sur place de l’hydrogène dans des chaînes de transformation (engrais, acier, méthanol). Ce n’est qu’à cette condition que le Maroc pourra inscrire durablement son ambition dans une logique de valeur ajoutée territoriale et de souveraineté énergétique.

Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO



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