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Les adouls à l’heure du grand changement

Les professionnels veulent le monopole de la rédaction testamentaire, considérant avoir «plus de légitimité» que les notaires modernes. Un arbitrage royal est demandé pour la participation des femmes.

Après l’élection du nouveau conseil de l’Instance nationale des adouls le 14 décembre dernier, avec à sa tête Bouchaïb Fadlaoui, les nouveaux représentants de la profession ont été reçus par Mohamed Aujjar le 26 décembre dernier; l’occasion d’aborder les doléances des professionnels entourant les monopoles. Principalement, les notaires traditionnels veulent se voir confier exclusivement la rédaction testamentaire, qu’ils partagent avec les notaires modernes. En droit musulman, le cujus (personne décédée) ne peut pas modifier la succession légale. Il n’est pas possible d’instituer des héritiers par testament. Cependant, il est possible de faire un legs particulier par lequel le légataire ne reçoit qu’un droit personnel sur la chose léguée. Mais la loi ne précise pas qui est en droit, entre adouls et notaires, d’élaborer de tels actes.

La répartition consensuelle post-coloniale entre les deux corps de métier au niveau du statut personnel donnait aux premiers le monopole sur les actes impliquant des ressortissants marocains, et les notaires avaient pour charge d’établir les mariages, divorces et successions des étrangers. Mais l’avènement du Code de la famille de 2004 a perturbé cet équilibre précaire. Said Bouhlal, adoul, nous explique pourquoi: «Évidemment que les notaires ont le droit de travailler sur les successions des Marocains, notamment lorsqu’elles impliquent des biens immobiliers, mais de là à rédiger des actes de légation…». Et de conclure: «Les adouls ont la légitimité anthropologique pour établir tous les actes de succession des personnes de confession musulmane». Sauf que du côté du Conseil national des notaires, la vision est, naturellement, diamétralement opposée: «Les notaires sont généralement plus sollicités car ils ont une responsabilité pénale qui sécurise les clients. C’est ainsi qu’une famille va instinctivement, pour des raisons de sécurité juridique, saisir un notaire pour un acte aussi sensible que le legs», nous indique un notaire casablancais.

Autant dire que les deux professions se livrent une guerre sans merci, mais qui ne se répercute pas sur les prix, vu que le pourcentage généralement pratiqué varie de 0,5% à 1%. De toutes les manières, adoul ou notaire, c’est le juge qui est le «notaire en chef» de la procédure, tandis que les deux autres ne sont que des rédacteurs, «car c’est le magistrat de la famille qui homologue l’acte», précise Houcine Safrioui, un des doyens des notaires casablancais. Un autre problème, moins juridique que sociétal, se pose pour la profession: la participation féminine. Jusque-là, le corps de métier est exclusivement masculin, alors qu’aucune disposition de la loi 16-03, publiée en 2008, n’impose le sexe masculin comme critère d’accès. En juillet dernier, le ministre de la Justice, Mohamed Aujjar, avait lancé un concours pour le recrutement de 700 adouls qui devait être ouvert aux hommes et aux femmes. Une initiative qui a provoqué une réaction féroce de la part des caciques et orthodoxes, pour qui le verset 282 de la sourate Al Baqara fait office de loi (ndlr: la sourate en question parle de «deux témoins d’entre vos hommes»). Selon les source au sein du ministère de la Justice, un arbitrage royal a été demandé pour trancher définitivement sur la question.   


Le testament, un acte très sensible

Pour rappel, une personne ne peut, de son vivant, léguer qu’un tiers de son patrimoine, déduction faite des dettes. Si elle veut disposer de plus d’un tiers, les héritiers majeurs doivent donner leur consentement sous peine de nullité. D’ailleurs, le consentement ne peut être déclaré qu’après l’ouverture de la succession. De même, le legs en faveur d’un héritier n’est admissible que si les autres héritiers donnent leur consentement. Concernant les étrangers, «la dévolution héréditaire des meubles ou des immeubles situés au Maroc est soumise à la loi nationale du défunt, en ce qui concerne la désignation des successibles, l’ordre dans lequel ils sont appelés, les parts qui leur sont attribuées, les rapports, la quotité disponible et la réserve», poursuit Safrioui. 


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