Éco-Business

Le CESE propose un Conseil national de l’industrie

Sous l’égide du chef de gouvernement, cette nouvelle structure doit tracer les grandes orientations industrielles en harmonie avec les secteurs gouvernementaux, les confédérations professionnelles et les syndicats. La révolution industrielle 4.0 exige une nouvelle approche économique de l’industrie tout en restant attentif aux marchés.

Le Conseil économique, social et environnemental, présidé par Nizar Baraka (photo) vient de livrer un rapport  sur la politique industrielle du pays. Ce document, d’une centaine de pages (dont Les Inspirations ÉCO détient copie), revisite un secteur clé qui concentre dans ses choix et son pilotage la volonté du pays de passer à un nouveau modèle économique. Le Plan d’accélération industrielle vise une meilleure insertion du royaume dans les chaînes de valeur mondiales. D’autres plans l’ont précédé, le plus célèbre étant celui baptisé Émergence, témoignant de l’ambition que nourrit le pays depuis plus d’une décennie. Toutefois, comme le note d’emblée le rapport du CESE, ces plans se sont heurtés au manque de synergie et de cohérence avec les autres politiques publiques, ce qui ralentit -pour ne pas dire compromet- les objectifs tracés. L’argument «coût de production» que le Maroc a longtemps fait valoir pour attirer les investissements dans le secteur industriel n’est plus au goût du jour. À chacune de ses récentes interventions, Moulay Hafid Elalamy, ministre du Commerce et de l’industrie, développe cette idée d’un Maroc qui doit désormais se distinguer par la qualité de ses ressources humaines, de son innovation et de ses formations. D’ailleurs, les industriels dans des secteurs de pointe comme l’automobile, l’aéronautique ou les énergies renouvelables ont saisi cette mutation en marche. Ils ne sont plus comme avant, uniquement attentifs à l’argument coût de la main-d’œuvre et/ou de la production.

Rupture profonde
Dans ce sens, et en tenant compte des implications mondiales de la quatrième révolution industrielle (4.0), le rapport du CESE appelle à une rupture profonde dans la manière d’appréhender l’industrialisation du royaume, tant sur le plan de la conception des stratégies, de leur gouvernance que de leur exécution. Cette inflexion que le contexte économique du pays exige désormais trouve aussi son écho dans les autres secteurs. Nul n’ignore l’effet de levier que l’industrie peut avoir sur l’économie et sur l’emploi. Deux dimensions qui constituent l’essentiel de la réflexion gouvernementale sur le sujet. Face aux mutations des process de production industrielle mondiale, principalement dans les pays partenaires de l’UE, le Maroc doit s’adapter. Or, le diagnostic du CESE est loin d’être reluisant: «le tissu industriel national reste étroit, fragmenté, peu agile, et faiblement innovant». Dans ce contexte, le CESE en vient au nœud de la problématique en se basant sur la soutenabilité à terme du modèle industriel marocain. Celle-ci, insiste le rapport, fait ressortir des zones de danger en cas de virage radical n’étant pas pris de manière stratégique et maîtrisée en termes de compétitivité, de montée en gamme, d’élargissement du tissu et de renforcement de la formation. Ceci, au moment où les grandes puissances économiques mondiales et les pays émergents entament la 4e révolution industrielle à grand renfort d’investissements allant jusqu’à 1.100 milliards de dollars en Chine.

Soutenir les secteurs stratégiques
Selon un benchmark avec des pays situés à un niveau de développement plus ou moins proche de celui du Maroc (Corée du Sud, Malaisie, Turquie, Portugal, Rwanda, Brésil), certains facteurs clés d’émergence industrielle ressortent. Il s’agit de protéger les industries naissantes et d’encourager les secteurs considérés comme stratégiques par un environnement favorable et incitatif, ce qui permet d’améliorer les conditions des investissements et de leur développement. Parallèlement à cela, la création de capacités industrielles nationales va de pair avec l’existence de talents capables de mettre leur génie au service de l’innovation et d’une main-d’œuvre bien formée qui puisse assurer l’accumulation du savoir et des connaissances. Au niveau réglementaire et technique, le CESE préconise une protection intelligente du marché local, et une ouverture maîtrisée à l’international, à même de favoriser la montée en charge des entreprises et leur développement stratégique à long terme. Enfin, un ciblage et une priorisation donnée à des secteurs stratégiques ou qui émergent grâce à leur potentiel de croissance et d’entrainement sur le reste de l’économie constituent une dimension importante d’une stratégie industrielle qui tient la route.

Privilégier la dimension sociale
Dans cette perspective, le rapport du CESE a mis en exergue quatre piliers non négociables. Primo -et contrairement à l’idée reçue- il va falloir privilégier la dimension sociale comme un socle important de la réforme, ce qui sous-tend même une réflexion poussée sur le modèle de société voulue. Secundo, il est question de l’importance de la dimension environnementale comme attribut industriel fondamental du Maroc futur. Il s’agit dans ce sens de la faire passer du statut de contrainte à celui d’une opportunité́ structurante et créatrice de valeur. Tertio: la montée en puissance du couple capital humain et innovation comme avantage compétitif pour accroître la compétitivité du pays et son attractivité́. Quarto, la vocation africaine du royaume, visant à faire du pays le catalyseur du co-développement continental et des partenariats sud-sud. Ceci, dans une optique d’accroissement du marché et de construction et production commune de valeur. Objectif: aller vers une convergence du calendrier industriel avec le calendrier politique.

Comment s’adapter aux évolutions mondiales
Pour inscrire tous ces objectifs dans un cadre structuré et pérenne, le CESE propose de mettre en place un Conseil national de l’industrie placé sous l’égide du chef de gouvernement, regroupant tous les acteurs sectoriels, professionnels, gouvernementaux et syndicaux. Il aurait un rôle de concertation et de pilotage tout en fixant les grandes orientations stratégiques en matière de développement industriel. Par ailleurs, pour permettre une meilleure capacité d’adaptation de l’industrie marocaine aux évolutions et aux exigences mondiales, il y a lieu de revoir la relation au travail. Figurent dans ce chapitre les capacités d’adaptation et de recherche permettant la mutation vers d’autres activités ou métiers existants et à venir. Une situation qui exige des accords forts pour une nouvelle politique d’embauche et de gestion des emplois et des relations de travail. Afin de faire converger ces éléments, le CESE recommande de favoriser l’émergence de la contractualisation, et de renforcer par la loi la place encore plus importante et effective que devraient prendre les conventions et les accords de branche, en guise de complément aux textes régissant le travail.


Le poids de l’informel

Quand bien même des progrès ont été réalisés -en permettant notamment à l’industrie de se développer dans de nouveaux secteurs- les résultats affichés en termes de création de richesse et de génération d’emplois restent mitigés. Le rapport du CESE résume la situation à l’incapacité à répondre à répondre aux besoins nécessaires pour alimenter une croissance soutenue, inclusive et créatrice d’emplois décents dans la durée. Ce constat tire sa légitimité de la structure du tissu industriel qui reste fortement fragmenté et menacé par l’informel. En effet, plus de 50% des entreprises de transformation industrielle génèrent moins de 1% du CA industriel, là où 4% des entreprises, toutes de grande taille, contribuent à hauteur de 77% dans ce dernier. Certes, ces gros comptes jouent le rôle de locomotive, mais la prévalence de l’informel freine l’évolution des autres. Dans ce sens, la concurrence de l’informel dans une économie qui aspire à l’émergence pose plusieurs questions sur sa capacité à prendre ce virage. 


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