Éco-Business

La réglementation thermique des bâtiments a du mal à prendre

Deux causes sont principalement pointées du doigt : le surcoût à l’investissement identifié par l’Agence marocaine de l’efficacité énergétique et l’attentisme des professionnels des matériaux de construction encore très peu enclins à se lancer tant que la demande reste, à leurs yeux, insignifiante.

La réglementation thermique des bâtiments a du mal à prendre. Depuis son entrée en vigueur au troisième trimestre 2015, soit près d’une année et demie à ce jour, pratiquement aucun professionnel de l’acte de bâtir ne l’applique. Pourquoi ? Les Inspirations ÉCO ont posé la question à l’Agence marocaine de l’efficacité énergétique (AMEE), promotrice de la réglementation, qui n’a pas souhaité répondre. Par contre, un professionnel très au fait du dossier, qui a requis l’anonymat, nous a fait part de son avis. Selon lui, «l’Aderee de l’époque du lancement de la réglementation devenue l’AMEE s’est visiblement précipitée. Elle ne s’est pas donnée suffisamment de temps pour mûrir son projet par rapport aux réalités du terrain». Par ailleurs, ajoute-t-il, «les professionnels de l’acte de bâtir ne mesurent pas l’importance de la réglementation. Ils n’ont pas été bien informés de ses enjeux, et cette sensibilisation qui a fait défaut a engendré les conséquences que l’on connaît». De quoi s’agit-il au juste ? En quelque sorte, l’AMEE a mis les charrues avant les bœufs. En effet, alors qu’elle n’avait même pas encore lancé ses projets pilotes dans les zones climatiques préalablement identifiées, «elle s’est précipité par décret pour définir une date d’entrée en vigueur de sa réglementation et la communiquer», nous explique un promoteur immobilier. Ainsi, lorsqu’elle a découvert après engagement, c’est-à-dire lors de la réalisation de ses opérations pilotes que son projet allait engendrer un surcoût d’investissement, que les professionnels de l’acte de bâtir ne sont pas prêts à supporter, elle ne pouvait plus arrêter la machine. La suite, on la connaît ! En effet, il ressort des surcoûts à l’investissement dans l’immobilier relevés par l’AMEE dans les différentes zones climatiques que le surcoût moyen engendré au niveau national se situe à 112 DH/m2, soit 3,2% du coût moyen de construction. Autrement dit, tout promoteur immobilier désirant construire un immeuble conformément aux règles édictées par la réglementation thermique, doit supporter un coût moyen supplémentaire de 112 DH par m2. Dans la zone climatique Fès – Béni Mellal – Meknès, le surcoût atteint 207 DH/m2.

Tandis que dans celle d’Agadir – Casablanca – Rabat, le surcoût à l’investissement pour l’édification d’une unité sociale se chiffre à 50 DH/m2. Bien entendu, les promoteurs n’ont même pas essayé d’ajouter ces surcoûts que le consommateur final n’est pas encore prêt à supporter. Encore moins dans le cas du logement social où les prix sont réglementés. Face à cette situation, les professionnels des matériaux de construction ont préféré jouer les spectateurs attendant que de grosses demandes se manifestent pour enfin se lancer.


Mohamed Erraouati
Directeur du CSTC du LPEE

Les Inspirations ÉCO :  Le LPEE a-t-il été associé à l’élaboration de la réglementation thermique des bâtiments ?
Mohamed Erraouati : Nous n’avons pas été associés au processus d’élaboration de cette réglementation où le volet technique a été directement géré par l’ADEREE. Toutefois, nous avons pris conscience de ses enjeux que nous avons intégrés dans nos préoccupations stratégiques. Ce faisant, nous avons pu répondre aux besoins des concepteurs, opérateurs et fournisseurs de matériaux d’isolation pour les aider à mieux préparer sa mise en application.

En tant que professionnel de structures bâties, pouvez-vous nous dire sur quels aspects du bâtiment il faut agir pour assurer son efficacité énergétique ?
 Pour garantir que le bâtiment ne dépasse pas un plafond de consommation énergétique annuel pour le chauffage et la climatisation, les composants sur lesquels il faut agir sont précisés dans la réglementation thermique. Ce sont notamment les toitures, les murs extérieurs, les planchers, sans oublier, bien sûr, les fenêtres et les vitrages. Sur ces différents matériaux, il est important de veiller à la conception et au mode d’exécution, sans oublier les caractéristiques intrinsèques du matériau, pour assurer de bonnes performances thermiques.

La mise en place de la réglementation thermique nécessite-t-elle que tous les matériaux qui composent un bâtiment soient certifiés et contrôlés qualité ?
Évidemment! En plus de la conception du bâtiment, la réglementation thermique, dans son volet passif, accorde beaucoup d’importance au choix des matériaux de construction et à leur caractérisation en termes de performances thermiques. C’est dans ce sens que le contrôle qualité des matériaux et de leur exécution est incontournable dans l’application de la nouvelle réglementation. Aussi, pour que les professionnels soient rassurés sur les performances finales des isolants, l’instauration de processus de certification des matériaux isolant serait souhaitable, notamment en usine et en laboratoire, pour valider les caractéristiques des isolants thermiques. Par ailleurs, en ce qui concerne les bâtiments, des dispositions de contrôle de la conformité́ à la réglementation thermique doivent être mises en application.


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