La CNSS perd son droit à l’ATD
Dans un arrêt rendu début 2017, la Cour de cassation a considéré la procédure entreprise par la CNSS «illégale».
Il aura suffi d’un arrêt de la Cour de cassation, en 2007, pour que la Caisse nationale de la sécurité sociale (CNSS) s’en donne à cœur joie. «Les privilèges dont dispose la CNSS s’exercent avant tous les autres privilèges généraux ou spéciaux, à l’exception du privilège du créancier nanti, en application de l’article 365 du Code de commerce». Depuis 10 ans, donc, la CNSS introduit une opposition systématique à chaque vente de fonds de commerce, et effectue des avis à tiers détenteurs (ATD) sans préavis, car le privilège confère à son bénéficiaire un droit de préférence. Ce droit permet au créancier privilégié, en cas de distribution du prix des biens ou de saisie des créances du débiteur, d’être payé avant les créanciers ordinaires ou même -si l’assiette de son privilège est immobilière- avant les créanciers hypothécaires. Si plusieurs créanciers se présentent, ils sont désintéressés dans l’ordre de faveur que la loi accorde à chacun d’eux; les créanciers munis du même privilège et venant au même rang sont payés par concurrence. Un arrêt rendu par la Cour de cassation début 2017 dépouille la Caisse nationale de sécurité sociale du mécanisme de saisie des comptes des entreprises qui ne remplissent pas leurs obligations de protection sociale pour les salariés.
La décision a été rendue en faveur d’une entreprise qui a subi un ATD provenant de la CNSS. L’avocat de la société a ainsi saisi l’illégalité de la procédure, et la haute Cour lui a donné raison. Bien qu’elle ait reconnu que les prestations dues à la CNSS soient des dettes publiques, elle a considéré que «la loi sur le recouvrement des dettes publiques autorisait l’utilisation de ce mécanisme pour les comptables publics dans les administrations publiques telles que la Trésorerie générale ou la Direction générale des impôts». C’est l’article 119 du Code de recouvrement des dettes publiques qui permet à tout débiteur soumis à une procédure de recouvrement obligatoire de remettre en cause sa régularité.
La CNSS a eu recours à cette procédure pour son efficacité, ce qui lui a permis de récupérer ses cotisations rapidement et au moindre coût. La décision de la Cour de cassation intervient au moment où le fonds se prépare à prélever ses cotisations dues, qui remontent à plusieurs décennies, estimées à environ 32 MMDH, soit deux tiers du montant des retards et des coûts de recouvrement. Alors que la CNSS et le Trésor ont un délai de 10 jours pour s’opposer à la vente, comme les autres créanciers, leurs comptables pouvaient encore procéder par voie d’avis à tiers détenteur pour le recouvrement des impôts visés par la solidarité fiscale (impôt sur le revenu, IS, TVA) mais également de tous les autres impôts, pénalités ou frais accessoires…
Pour rappel, le Trésor et la CNSS viennent d’être rétrogradés dans la hiérarchie des créanciers par la même juridiction, qui a estimé qu’ils «ne peuvent formuler d’opposition sur le produit de la vente d’un bien immeuble car son privilège ne porte que sur les meubles et revenus des immeubles et ne peut s’étendre au produit de la vente d’un bien immobilier hypothéqué qui doit être versé par priorité au créancier hypothécaire». Ainsi, les magistrats ont éclairci la fameuse hiérarchie des «droits à vérifier», lors d’une cession de fonds de commerce. Placés sous la même enseigne que les créanciers hypothécaires, la CNSS et le Trésor sont désormais reclassés derrière les banques, et ne peuvent plus s’opposer aux ventes de biens immeubles hypothéqués.