L’Exécutif va-t-il desserrer les cordons de la bourse ?
Le dialogue social va être bientôt repris. Mais, rien ne laisse présager qu’un accord sera signé entre les trois parties dont chacune campe sur ses positions. Le gouvernement est appelé à revoir sa proposition, jugée insuffisante même par des parlementaires de la majorité.
L es syndicats ont désormais un argument de taille pour maintenir leurs doléances. En effet, même des composantes de la coalition gouvernementale viennent de qualifier, au sein de l’hémicycle, l’offre gouvernementale d’insuffisante. Dans le contexte actuel marqué par les mouvements de protestations sociales, l’exécutif est appelé à déployer plus efforts pour atteindre la paix sociale escomptée. Jusque-là, rien ne laisse supposer que le gouvernement va lâcher du lest sur le plan financier. Saâd Eddine El Othmani insiste plutôt sur le maintien de l’offre gouvernementale dont l’impact financier annuel se chiffre à 6,413 milliards de DH. Un bonus a été ajouté à l’offre initiale pour convaincre les partenaires sociaux qui exigent la généralisation de l’amélioration des salaires à tous les fonctionnaires.
Le gouvernement propose une augmentation généralisée des salaires, de manière à compenser le prélèvement prévu sur les revenus à partir de début 2019 de 1%, dans le cadre de la réforme du système de retraite. «Malgré sa réactivité, le gouvernement a été surpris par la demande de report de négociation et de signature de l’accord dans le cadre du dialogue social», selon El Othmani. Il est à rappeler qu’en 2016, le gouvernement Benkirane avait fait mieux que l’actuel exécutif en proposant de compenser la totalité des prélèvements prévus sur les revenus dans le cadre de la réforme de la retraite soit 4 %. Cette offre avait été jugée insuffisante par les syndicats dont certaines auraient espéré éviter le retour à la case départ en entamant les négociations sur la base de l’offre de 2016 en vue d’avancer au lieu de reculer. Les partenaires sociaux aspirent aussi à l’amélioration des revenus des salariés du secteur privé. Or, aucune offre concrète n’a été faite en la matière hormis l’augmentation des allocations familiales de 100 DH par enfant qui est jugée on ne peut plus dérisoire par les syndicalistes. Le gouvernement est très attendu quant à la réforme de l’impôt sur le revenu pour que les salariés du secteur privé puissent bénéficier de l’augmentation salariale. Le précédent exécutif avait proposé, lors des négociations, une baisse de l’Impôt sur le revenu de 2%, une mesure dont le coût a été estimé à 3,2 milliards de DH mais sans grand impact sur le revenu des salarié.
La CGEM est appelée à accepter la doléance syndicale de l’augmentation du SMIG. Le nouveau patron des patrons va-t-il céder à cette requête ? Rien n’est moins sûr à l’heure où la confédération brandit la carte de la compétitivité. Le parlementaire du PJD Abdellah Bouanou qui affiche ses inquiétudes quant aux risques de politisation de la CGEM estime que, partout dans le monde, le patronat travaille aux côtés du gouvernement. Rien n’indique que la position de la CGEM concernant le dialogue social va changer ; du moins pour le moment. Face au bras de fer serré des partenaires sociaux et économiques, le blocage risque de durer même après la reprise des négociations. Le gouvernement pourrait soit surseoir à toutes les mesures proposées à l’instar du précédent exécutif soit entamer leur mise en œuvre de manière unilatérale. Le gouvernement compte déjà entamer la mise en œuvre de la mesure ayant trait aux allocations familiales.
Les détails de l’offre gouvernementale
Sur le plan de l’amélioration des revenus, plusieurs mesures ont été proposées. Il s’agit notamment de l’augmentation des salaires des fonctionnaires, échelle 10, en dessous du rang 5, d’un montant net mensuel de 300 DH, sur 3 ans, à partir du 1er juillet 2018. A cela s’ajoute l’augmentation des allocations familiales de 100 DH par enfant, couvrant jusqu’à six enfants par famille, dans les secteurs publics et privés, à partir du 1er juillet 2018. Le gouvernement a également proposé de créer un nouveau rang d’avancement pour les fonctionnaires à échelles 8 et 9, d’augmenter l’allocation de naissance de 150 DH actuellement à 1000 DH à partir du 1er juillet 2018 et d’améliorer les conditions d’avancement et de promotion pour les instituteurs de l’enseignement primaire ainsi que de plusieurs catégories de fonctionnaires. Quant à l’indemnité du travail dans les zones éloignées et difficiles d’accès (700 DH par mois) qui tarde à être mise sur les rails, le gouvernement entend enfin la lancer. Au niveau de la commission du secteur privé, l’exécutif s’engage à renforcer les libertés syndicales, notamment par la révision de l’article 288 du Code Pénal, et à mener des concertations avec les centrales syndicales les plus représentées sur le projet de loi sur la grève.L’exécutif promet également de renforcer les outils de négociation et de résolution des conflits, d’améliorer la couverture sociale et de créer des mécanismes de concertation sur la révision de la législation sur l’emploi. S’agissant de la commission du secteur public, les engagements ont trait à une refonte globale du statut de la fonction publique, la réforme du système de retraite et au lancement de concertation autour d’un pacte social.